Le Maroc est vivement salué par les peuples autochtones pour ses louables initiatives écologiques

C’est toujours un grand plaisir de converser avec Dr Mohamed Handaine, éminent militant qui concilie, avec raffinement et sobriété,  l’activisme sur le terrain à la pensée académique sur les grandes questions amazighes. C’est un chercheur assidu, profond et ouvert sur toutes les nouveautés universelles dans le domaine. Il s’attelle, corps et âme, à la concrétisation des attentes et des aspirations relatives à la cause amazighe, à travers des approches axées sur la mobilisation des énergies aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, l’objectivité de l’analyse et la perspicacité de l’engagement. En tant que responsable du centre des études amazighes historiques et environnementales qui vient de tenir une rencontre dans la capitale du Souss, il nous livre dans le présent entretien, les principales résolutions et ses réflexions autour des problématiques du dérèglement climatique. Entretien.

Voulez-vous donner aux lecteurs du journal une présentation
sommaire de votre organisation, CEAHE?

Le Centre des Etudes Amazighes Historiques et Environnementales (CEAHE) est une Organisation à caractère scientifique. J’étais à l’origine de sa création, il y a plus de  cinq ans. Elle est constituée de plusieurs chercheurs académiques à Agadir et à Rabat. C’est une équipe très restreinte qui travaille sans beaucoup de tapage, car on est convaincu que le travail de ce genre se fait loin de toute polémique. Dans ce centre, on essaye de mettre à l’écart la dimension idéologique. Le Centre se focalise sur trois pôles : le pôle de l’histoire mais, quand on dit l’histoire il s’agit de l’analyse scientifique avec un maximum d’objectivité. Notre histoire reste encore à écrire, c’est la raison pour laquelle les études historiques font le pilier principal de l’action de ce Centre. C’est la raison pour laquelle le premier ouvrage que le Centre avait publié était consacré à l’histoire de l’Islam au Maroc. Il s’agit de l’ouvrage du professeur Ahmed Zaid «L’Islam au Maroc : réalités historiques et interprétations politiques» 2012.

Le deuxième pôle fut celui des études amazighes.Vous n’êtes pas sans savoir que tamazight, alors qu’elle est maintenant langue officielle, constitue un énorme chantier d’études à plusieurs niveaux ; langue, lexique, histoire, littérature sous plusieurs aspects, le droit coutumier, la toponymie, les noms des fleurs, oiseaux, poissons etc. Certes, c’est un vaste chantier auquel les chercheurs marocains doivent se pencher. Actuellement, nous avons un fond pour un lexique des noms des poissons, et un autre sur la botanique. On a travaillé sur la traduction d’un document très important relatif à la biodiversité. Il s’agit du protocole de Nagoya. C’est un document juridique édité par la Convention de la Biodiversité CBD des Nations Unies. C’est un document contraignant. Le Maroc l’a adopté et il est passé par toutes les procédures (Gouvernement- parlement- conseil des ministres). Il reste juste la ratification. Et vu son importance au niveau de la préservation de la biodiversité, son application concernera directement la population locale qui travaille sur les produits du terroir, et cela concerne aussi les femmes qui travaillent sur l’espace de l’arganier. Sa traduction a été réalisée en collaboration avec la GIZ et le ministère de l’Environnement. Le Maroc a été salué de cette tradition par les participants des Peuples autochtones à la COP13 à Cancun au Mexique en décembre 2017. Il est le premier pays des Nations Unies qui ait répondu favorablement à l’appel lancé par le secrétaire générale de la CBD de traduire les documents de la CBD en langues des peuples Autochtones.

Le troisième pôle est celui de l’environnement. C’est le pôle le plus actif. Plusieurs ateliers ont été organisés : le premier sur la biodiversité et le savoir traditionnel, le deuxième sur le changement climatique et les connaissances coutumières relatives à la gestion de l’eau en Avril 2017, en collaboration avec le ministère chargé de l’Eau.

Que représente pour vous la dynamique du Maroc aussi bien à l’échelon de la lutte contre le dérèglement climatique que la réintégration à l’institution africaine?

Durant son  histoire, le Maroc a accumulé une longue tradition d’adaptation avec le changement climatique. Le monde, depuis le sommet de RIO, ne cesse de parler de l’adaptation avec le changement climatique, mais le Maroc a toujours lutté contre ce dérèglement qui n’est pas un phénomène nouveau. Au sud du Maroc depuis le moyen âge, les Amazighs on inventé des systèmes extraordinaires de gestion de l’eau, de gestion des disettes avec le système des IGOUDARS. Au Sahara, le système de pastoralisme respecte la biodiversité et connait par cœur la carte de la biodiversité. Le déplacement ne se fait pas par hasard, mais suivant un système très précis. Le système des IGOUDALS préserve les champs et les aires protégés. Enfin, c’est toute une civilisation d’adaptation et d’atténuation du réchauffement climatique. C’est la raison pour laquelle les Nations Unies à travers la CBD, ont intégré les savoirs traditionnels des Peuples Autochtones dans toutes les conventions de la biodiversité. C’est ce patrimoine que notre Centre veut préserver et valoriser à travers des études et des recommandations aux responsables mais aussi à travers des projets.

Quelles sont les principales résolutions de la réunion que vous avez récemment adoptées à Agadir et quelles sont les finalités envisagées, à cet égard?

Du 17 au 24 février, une réunion de l’IPACC a eu lieu à Agadir en collaboration avec le CEAHE. L’IPACC (Comité de coordination des Peuples Autochtones d’Afrique- Indigenous peoples of Africa Coordinating Committee) est une organisation continentale qui travaille sur le changement climatique et la biodiversité en relation avec les Peuples Autochtones d’Afrique. Elle est accréditée auprès de la CCNUCC (Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique).  Elle est basée en Cap Taowen en Afrique du Sud. Elle a des représentants dans plusieurs pays africains anglophones et francophones. Plusieurs associations sont membres de cette organisation. Elle est le plus grand réseau d’Afrique qui soutient toujours le Maroc dans des réunions internationales.

A Agadir, les participants de 14 pays africains ont insisté sur la stratégie de communication et le bilan du travail qui a été fait par l’IPACC dans le domaine de renforcement des capacités de la société civile africaine. Un plan d’action a été adopté concernant la COP23 qui aura lieu à Bonn 2017 ainsi que la COP13 sur la biodiversité qui aura lieu au Caire en 2018. Le Maroc a été élu président de l’IPACC pendant les trois prochaines années. Un communiqué de presse a été rendu public à ce propos.

Saoudi El Amalki

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