Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
« Le délit d’avortement dans le Code pénal fédéral est inconstitutionnel (…) et contraire au droit à décider des femmes en capacité de gestation. (…) La criminalisation de l’avortement constitue un acte de violence et de discrimination pour raison de genre » a déclaré, ce mercredi, la Cour Suprême mexicaine.
En se félicitant de cette décision, le Groupe d’information sur la reproduction choisie (Gire), qui avait saisi la Cour suprême, pour qu’elle puisse se prononcer sur la question, estime que, désormais, « toutes les femmes et les personnes en capacité de gestation pourront avoir accès à des avortements dans les institutions fédérales de santé ».
En élargissant à l’ensemble du territoire national, la dépénalisation de l’avortement qui était déjà en vigueur dans douze des 32 Etats du pays, la Cour suprême mexicaine qui avait jugé, dès le 7 septembre 2021, que « l’on ne peut pas poursuivre une femme qui avorte » fait, désormais, prendre au Mexique le même chemin que celui qu’avaient emprunté, avant lui, la Colombie, l’Argentine, l’Uruguay et la Guyane et qui va à contre-courant de celui suivi par les Etats-Unis.
Si donc, à cette époque, nombreux étaient ceux qui avaient considéré que « la bataille contre la criminalisation (de l’avortement) avait été gagnée, de sorte qu’il n’y ait plus de femmes emprisonnées pour avoir avorté, un véritable accès à l’avortement est en train de se forger, aujourd’hui », la militante pro-choice, Isabel Fulda, directrice adjointe du Groupe d’information sur la reproduction choisie (Gire), est d’un autre avis car, pour elle, la bataille n’est pas encore gagnée puisqu’il « existe un grand écart entre l’avortement autorisé et sa pratique » notamment lorsqu’il s’agit des « besoins en matière de fournitures et de formation du personnel médical ».
Quand on sait que 80% des 130 millions de mexicains sont catholiques, la décision d’autoriser l’Interruption Volontaire de Grossesse en imitant l’Argentine, la Colombie, Cuba et l’Uruguay est loin d’être anodine.
Mais si la Cour Suprême mexicaine avait invalidé, en septembre 2021, l’article du Code pénal de l’Etat du Coahuila qui prévoyait une peine d’emprisonnement à l’encontre de toute femme qui procèderait à une interruption volontaire de sa grossesse, il y a lieu de rappeler que les tribunaux de Mexico, la capitale, restent pionniers en la matière puisqu’ils avaient été les premiers du Mexique et de l’ensemble de l’Amérique latine à avoir, dès 2007, autorisé l’avortement.
En diffusant la nouvelle, le quotidien « Excelsior » a tenu à préciser que la décision prise par la plus haute juridiction du Mexique protège, également, les médecins pratiquant l’IVG qui ne pourront plus être poursuivis alors que, pour « El Pais Mexico », le jugement de la Cour Suprême est « un pas de plus vers la liberté (des femmes) d’interrompre leur grossesse (après) le précédent historique de 2021 ».
Mais si pour l’édition hispanophone du « New York Times », la décision prise par le Mexique « met en évidence le leadership que les pays d’Amérique latine assument dans l’élargissement des droits reproductifs » après que le 24 Juin 2022, la Cour Suprême des Etats-Unis avait annulé le fameux arrêt « Roe vs Wade » qui garantissait, depuis 1973, le droit constitutionnel des américaines à avorter, l’édition anglophone estime, quant à elle, que la décision prise par la Cour Suprême mexicaine témoigne des « profonds changements (survenus) dans la société mexicaine et au sein de certaines de ses institutions » car s’il est vrai qu’une « grande partie du Mexique reste culturellement conservatrice », il n’en demeure pas moins vrai, toutefois, que « des décennies de militantisme féministe ont changé la façon dont de nombreuses personnes dans le pays perçoivent les droits des femmes ».
En ajoutant à cela le fait que ce sont deux femmes, toutes deux adeptes de l’IVG, qui seront en course pour les présidentielles de Juin 2024, tout indique qu’au Mexique la décriminalisation de l’avortement a de très beaux jours devant elle mais attendons pour voir…