Cri strident des petits
Driss O’guettou
La terre a ses colères, tout comme les hommes. Lorsque ses entrailles frémissent, que ses roches grondent, il n’y a ni grands ni petits : tous ressentent cette même vibration ancestrale qui remonte à la surface, brutale et implacable. Un an après le tremblement dévastateur qui a frappé le Haut Atlas, le Moyen Atlas, cette chaîne de montagnes souvent perçue comme plus douce, plus discrète, a soudainement fait entendre sa propre voix. C’était un cri, un rugissement sourd, une revendication.
Le Moyen Atlas en quête de reconnaissance
Le Moyen Atlas, avec ses forêts de cèdres millénaires, ses lacs cristallins et ses vallées verdoyantes, se retrouve souvent dans l’ombre de son grand frère, le Haut Atlas. Là où le Haut Atlas attire l’attention pour ses sommets imposants et ses villages accrochés à flanc de montagne, le Moyen Atlas est perçu comme un lieu de sérénité, un éden pastoral. Mais cette vision, bien que romantique, occulte une réalité plus complexe : celle d’une terre qui, elle aussi, porte en elle des tensions profondes, des colères retenues, des mémoires oubliées.
Le séisme de cette semaine, bien que moins intense que celui du Haouz l’an passé, a ébranlé cette région de façon inattendue. Ce n’était pas seulement un tremblement de terre géologique ; c’était comme si le Moyen Atlas, dans un geste symbolique, avait voulu rappeler son existence, affirmer sa place, exiger qu’on l’écoute. Dans le fracas des pierres dévalant ses pentes, on pouvait entendre une revendication sourde : « Je suis là, moi aussi, et ma force n’est pas à négliger ».
Un cri de la terre, un message des montagnes
Le séisme, aussi modéré fût-il, a fait vibrer bien plus que les sols et les habitations. Il a touché les âmes de ceux qui vivent au pied de ces montagnes. Les anciens, assis à l’ombre des cèdres, se sont souvenus de légendes où les montagnes elles-mêmes sont des entités vivantes, animées par une colère parfois sourde, parfois dévastatrice. Pour eux, le tremblement de cette semaine était un message : la terre, aussi stable qu’elle puisse paraître, peut se révolter.
Cette révolte n’était pas simplement un phénomène naturel. Les habitants du Moyen Atlas, souvent témoins silencieux des secousses qui touchent d’autres régions du Maroc, ont perçu ce tremblement comme un appel, un avertissement. C’était une manière pour leur terre de dire qu’elle aussi possède une force insoupçonnée, qu’elle aussi peut se faire entendre quand on l’oublie trop longtemps.
Fierté, solidarité et résilience des populations*
Face à cette manifestation de la nature, les habitants n’ont pas seulement ressenti de l’inquiétude. Une fierté silencieuse s’est éveillée. Le Moyen Atlas, cette région souvent reléguée à un rôle secondaire dans l’imaginaire collectif, a montré qu’il était capable de frapper, de faire trembler, de rappeler sa propre identité.
Comme après chaque secousse, qu’elle soit géologique ou émotionnelle, la question de la résilience se pose. Mais les habitants de ces montagnes ont appris depuis des siècles à vivre avec la rudesse de la nature. Ce tremblement, loin de les décourager, renforce en eux cette fierté d’appartenir à une terre vivante, imprévisible, mais profondément enracinée dans l’histoire et la mémoire.