«Rôle des institutions, gouvernance et Etat de droit», tel est le thème du deuxième axe abordé dans le cadre de l’Université annuelle du PPS».
Introduisant ce panel, Abdelahad Fassi Fihri, ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville, ad’emblée déclaré que «le modèle de développement sera un projet de construction». Partant de là, le ministre évoque deux idées principales. La première est relative à la nécessité de la planification et de la réhabilitation pour faire face aux problèmes liés, entre autres, à la précarité, la pauvreté et l’emploi…
Pour expliquer clairement son idée, Fassi Fihri donne l’exemple de l’urbanisation au Maroc. «Aujourd’hui, 60% des Marocaines habitent dans les villes, sachant que le phénomène de l’urbanisation s’accompagne de toute une série de problèmes tels que les bidonvilles, l’habitat non réglementaire, les équipements sociaux et autres. Ce qui pose donc le problème de la mise à niveau qui nécessite des investissements importants», explique-t-il. Et de poursuivre : «Certes, l’urbanisation revêt une multitude de problèmes, mais c’est un phénomène également porteur de richesses, notamment à travers la création d’emploi. Mais comment garder la cohérence ? La réponse à cette question exige évidemment une planification urbaine. C’est fondamental pour que nos villes ne soient pas le résultat du dysfonctionnement».
Ainsi, le ministre appelle à mettre l’urbanisation au cœur de l’aménagement du territoire pour lutter contre les disparités sociales, économiques et culturelles. La deuxième idée abordée par le ministre porte sur la dimension politique de la gouvernance. «Sur le terrain, nous sommes amenés à gérer la complexité», déclare le ministre en donnant l’exemple des bidonvilles : «le phénomène des bidonvilles se veut un point de rencontre de problèmes économiques, sociaux, culturels, fonciers et urbanistes, ce qui nécessite une solution globale». Pour pallier à ce phénomène, l’Etat doit mettre en place les moyens, ce qui nécessite une bonne gouvernance politique qui porte sur l’efficacité des investissements. Pour conclure, Fassi Fihri estime que le modèle de développement pour le Maroc est un processus long qui nécessite notamment un changement de mentalités pour enregistrer des résultats tangibles.
Pas loin des idées du ministre de l’Habitat, Abdelouahed Souhail, Economiste, ancien ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle et membre du bureau politique du PPS,a mis l’accent sur une planification urbaine à priori qui a pour but la définition d’une vision, la détermination des objectifs et l’anticipation des risques. «Comment, avec qui, dans quel délai ; tels sont les questions fondamentales à poser pour mettre en place une stratégie de planification». Aussi, Souhail a précisé : «Je n’imagine pas un modèle développement sans une planification bien étudiée. Car, planifier consiste à organiser logiquement les différentes étapes à suivre et déterminer les ressources essentielles pour atteindre un but défini. Elle vous aide à vérifier si votre objectif est réalisable ou pas». Par ailleurs, l’ancien ministre de l’Emploi n’a pas manqué de souligner que le modèle de développement est une affaire politique : «quand nous parlons du modèle de développement, nous parlons politique. Le reste doit obéir à la vision politique ».
Pour Aicha Akalay, directrice de publication de Telquel, le Maroc n’a pas de modèle de développement. «Nous n’avons pas un modèle de développement car nous ne sommes pas un pays développé» déclare-t-elle. En effet, pour la journaliste, un modèle de développement nécessite un changement majeur dans l’imaginaire collectif. Dans les pays en développement, les emplois sont la pierre angulaire du développement et ont un impact bien au-delà des revenus qu’ils procurent. Ils sont essentiels à la réduction de la pauvreté, au fonctionnement des villes et autres. Donc, pour réussir un modèle de développement au Maroc, il faut un changement de la notion d’emploi. «Il est nécessaire que nous procédions à un changement de la notion d’emploi pour se mettre sur les rails du développement. Car le problème chez nous c’est que nous nous enrichissons grâce à la spéculation, la corruption et à la proximité du pouvoir. Alors que normalement nous devons nous enrichir grâce à la créativité et l’innovation», a-t-elle précisé.
Dans le même sillage, Ali Bouabid, consultant et administrateur délégué de la fondation Abderrahim Bouabid, pense que le changement du régime de la confiance est la clé du développement. «Que veut dire un régime de confiance? C’est une action publique modernisée et efficace, une administration de services au citoyen, des règles du jeu transparentes et assumées, une organisation des territoires avec une répartition des pouvoirs décisionnels afin que chaque citoyen ressente la place qui lui est dévolue». Cette vision devrait passer, selon A. Bouabid par trois points phares. Il s’agit des conditions institutionnelles, le partage des rôles et les mécanismes d’aboutissement. L’ambition donc est d’instaurer un modèle marocain de développement d’une économie de marché, bénéficiant de la stabilité des règles de droit. C’est ce qu’a déclaré Abdelali Doumou, économiste et membre du comité central du PPS. L’économiste a également insisté sur la nécessite d’une prise de décision réelle. «Au Maroc, tout le monde décide et personne ne décide», dit-il. Alors que pour A. Doumou, un modèle de développement implique l’ensemble des parties prenantes de la société.
«Donnez-nous le droit, donnez-nous la démocratie et donnez-nous du développement», a appelé Ahmed Azirar, économiste. Pour Azirar, il faut miser sur le capital humain pour gagner en compétitivité, accroitre l’économie et réussir le développement. En effet, l’économiste a tenu à préciser que le capital humain constitue un facteur de production essentiel, car l’homme est la force, la capacité de travail, de création de richesse par sa qualité de formation, de son savoir-faire et ses connaissances. Sur ce volet, Rachida Tahiri, députée et membre du bureau politique du PPS, a précisé qu’il ne faut pas oublier la femme qui représente 50% du capital humain. Pour Rachida Tahiri, députée et membre du BP du PPS, le développement au Maroc ne peut se concevoir en dehors du principe de l’égalité entre les Hommes et Femmes. Pour ce faire, la militante progressiste a insisté dans son intervention sur la nécessité de la mise en place d’un modèle de développement basée sur une planification équilibrée, équitable où la femme est dignement représentée.
Enfin, nous ne pouvons pas aborder un modèle de développement sans évoquer la dimension culturelle. «Malheureusement, ce qui n’est pas mesuré n’est pas gouvernable !», avance Lotfi El Mrini, ex-secrétaire général du ministère de la Culture. Pour lui, la culture nourrit les capacités et les valeurs humaines et est donc un levier fondamental du développement des communautés, des peuples et des nations». La culture contribue à consolider la cohésion sociale, constitue un ferment de citoyenneté et un lien avec notre histoire arabe, amazighe, africaine et judéo-musulmane, qui fait l’originalité de notre pays. Ainsi, un modèle de développement réussi doit obligatoirement intégrer la dimension culturelle, notamment par la construction des complexes culturels et sportifs pour chaque territoire.
A la fin, un modèle de développement requiert une approche pluridisciplinaire. L’économie ne peut pas être seule à la recherche du développement qui désigne l’amélioration de la qualité de vie des citoyens, bien-être matériel et valeurs qui structurent les liens sociaux. La définition d’un nouveau modèle de développement implique de faire interagir l’économie, la politique, la sociologie, la culture et bien d’autres disciplines des sciences sociales pour comprendre le comportement humain conditionné par les intentions des acteurs.
Kaoutar Khennach