Après avoir annoncé, jeudi dernier, que le COVID-19 a affecté 10.075 personnes parmi lesquelles 429 ont péri, le ministère iranien de la Santé a fait savoir, ce lundi, que ce sont 14.000 personnes qui sont, désormais, touchées et qu’à ce jour 853 d’entre elles sont mortes.
Saisissant le contexte de la grave crise sanitaire mondiale qui frappe de plein fouet son pays, le chef de la diplomatie iranienne Muhammad Javad Zarif a, dans une lettre adressée à Antonio Guterres, Secrétaire Général de l’ONU et dont des copies ont été transmises aux chefs de toutes les organisations internationales ainsi qu’aux ministres des Affaires étrangères de tous les pays, dénoncé «les vastes pénuries causées par les restrictions à l’accès des populations aux médicaments et équipements médicaux» et rappelé qu’étant donné que «les virus ne font pas de discrimination, l’humanité ne devrait pas en faire».
Dénonçant vigoureusement l’inaction de la communauté internationale, le ministre iranien a exhorté cette dernière à aider son pays en exigeant la levée immédiate de toutes les sanctions «illégales» qui lui ont été unilatéralement imposées par Washington et qui constituent, désormais, un «obstacle principal à la lutte contre l’épidémie».
D’ailleurs, même si les Etats-Unis ne veulent pas le reconnaitre, leurs sanctions pèsent lourdement sur le système sanitaire iranien du moment que, comme l’a rappelé l’économiste Thierry Coville, « si vous enlevez à un pays 40% de ses recettes budgétaires en l’empêchant d’exporter son pétrole et son gaz, il est évident que l’efficacité de son système de santé en sera affectée ».
Pour rappel, dans son rapport en date d’Octobre 2019, l’ONG « Human Rights Watch » avait déjà pointé du doigt « l’impact négatif (des sanctions américaines) sur les besoins humanitaires et sur le respect du droit à la santé de millions d’iraniens» et précisé que les plus touchés vont être «les patients atteints de maladies rares et/ou de maladies exigeant un traitement spécifique».
Rappelant qu’en principe des exceptions sont prévues pour l’exportation «de médicaments et de matériel médical, de denrées alimentaires et de produits agricoles», Eric-André Martin, spécialiste de la politique extérieure de l’Union européenne et chargé de mission auprès du directeur de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI) estime qu’en contestant « les sanctions » américaines, Téhéran cherche à «atténuer sa propre responsabilité (et à) mettre l’Europe devant la sienne» en reprochant à cette dernière de ne pas lui avoir «donné le bénéfice économique» attendu de la signature de l’accord de Vienne qui encadre le programme nucléaire iranien. Cette démarche iranienne n’a pas été vaine puisque le 2 mars dernier la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont livré à Téhéran du matériel médical.
Et si la crise actuelle peut, selon Thierry Coville, donner lieu au fonctionnement du mécanisme «Instex», mis en place en 2019 à l’effet de contourner les sanctions américaines, il n’est pas exclu de penser que ces restrictions pourraient, à terme, devenir sans effet ? Quoiqu’il en soit, attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi