Souad Jamaï et Driss Ksikes s’interrogent sur la place de la libre pensée dans le monde de demain

SIEL 

« Quelle place pour la libre pensée dans le monde de demain? » est le thème d’une conférence tenue, mardi à Rabat, dans le cadre des activités de la 27éme édition du Salon international de l’Edition et du Livre (SIEL), avec la participation des écrivains Souad Jamaï et Driss Ksikes.

Modérée par l’écrivain Bouazza Benachir, ce débat a été l’occasion de s’interroger sur la place de la libre pensée à travers des réflexions philosophiques et littéraires, portées par les deux auteurs qui prennent comme référence leurs ouvrages: « Le serment du dernier messager » pour Mme Jamaï et « Les sentiers de l’indiscipline » pour M. Ksikes. Selon M. Benachir, le thème de cette rencontre littéraire peut être considérée à travers trois perspectives, dont le transhumanisme effréné, la critique de l’univers concessionnaire initié par le néolibéralisme ainsi que la recherche de territoires existentiels alternatifs. A cet égard, a-t-il poursuivi, la libre pensée implique un refus catégorique d’une robotisation de la conscience par les nouvelles technologies, outre une acceptation de l’indiscipline, un concept qui contribue à emprunter le chemin de la joie.

Dans la même lignée, M. Ksikes a fait savoir que d’après ses observations qui se sont conclues par la rédaction de son essai, les individus qui contournent les règles à travers une démarche socratique sont des « amoureux de la liberté considérée tel un horizon permanent », à l’instar des philosophes qui portent un amour pour la sagesse.

« Dans le monde de l’art, par exemple, beaucoup d’artistes reproduisent des formes et des schémas préétablis, alors que les plus ingénieux d’entre eux, sont des indisciplinés », a-t-il dit.

Commentant le concept de la liberté, M. Ksikes a précisé que c’est d’abord une autonomie qui permet de se « démarquer de l’effet du troupeau ».

Evoquant son livre, il a rappelé que c’est un essai « secrètement mélancolique dans le sens où il faut se suffire de micro-changements », mettant l’éthique et l’empathie au centre de ses préoccupations.

« Dans ce monde moderne et avec le développement numérique, un capitalisme est créé, tâché de séduction et d’une utilisation intensive des algorithmes dans l’exploitation des données récoltées », a-t-il estimé, affirmant que pour garder son humanité à travers sa libre pensée, l’individu devra chercher des brèches en plaçant la question de l’école et des lieux de culture au centre de ses priorités. Pour sa part, Mme Jamaï est revenue sur l’explication de la libre pensée qui, de son avis, est basée sur l’expérience et la logique propre à l’individu, relevant que nombreux sont les facteurs qui la limitent: ils sont intrinsèques ou externes, réduisant ainsi le champ d’action.

« Dans mon roman d’anticipation, (Le serment du dernier messager), le héros est un médecin curieux avec une liberté de pensée qui, par son indiscipline, parvient à faire des découvertes », a-t-elle dit. « Le roman est une mise en garde contre la perte de la liberté de pensée qui se traduit aussi par une perte d’autonomie », a-t-elle estimé, précisant que cette idée est incarnée dans son livre par une société d’assurance qui, en proposant comme appât factice des cabines connectées avec des instruments de mesure, ôte toute liberté aux médecins praticiens en remplaçant l’intelligence humaine.

S’agissant de l’impact de l’intelligence artificielle sur le décroissement des connaissances humaines, Mme Jamaï a cité l’effet Flynn, allusion faite au chercheur néo-zélandais James Flynn qui a observé, au XXème siècle, l’accroissement de l’intelligence humaine dans certains pays, avant de prendre pour exemple une nouvelle étude réalisée en 2016 par Richard Lynn et Edward Dutton qui a montré que, depuis 1995, le quotient intellectuel avait tendance à régresser.  La 27ème édition du SIEL, organisée par le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, sous le Haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, se poursuit à Rabat jusqu’au 12 juin, avec la participation de 712 exposants représentant 55 pays de par le monde et un large éventail de publications présentées, reflétant une diversité et une richesse qui, en chiffres, atteint 100.000 titres.

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