Taïwan: Tsai Ing-wen reconduite pour un second mandat…

Dix-neuf millions d’électeurs taïwanais étaient appelés, ce samedi, à choisir entre deux visions totalement opposées de l’avenir de Taïwan et de ses relations avec la Chine son plus grand partenaire commercial.

Grande favorite des sondages, la présidente sortante Tsai Ing-wen, 63 ans, leader du Parti Démocratique Progressiste (DPP), qui milite contre toute idée de rattachement de l’île à la Chine et contre l’autoritarisme de Pékin, a été réélue en recueillant 57,1% des suffrages exprimés contre 38,6% pour son rival Han Kuo-yu, un farouche défenseur du réchauffement des relations de Taïwan avec le géant chinois.

La présidente sortante a été soutenue, cette fois-ci, par 8,1 millions d’électeurs soit par 1,3 million d’électeurs de plus que lors de la précédente élection de 2016 ; une victoire arrachée au forceps en dépit de l’intense campagne d’intimidation économique et diplomatique entreprise par le pouvoir communiste chinois à l’effet d’isoler l’île de Taïwan qu’il considère comme étant l’une de ses provinces et alors que les tensions sont vraiment vives entre les deux rives du détroit.

Dans cette nouvelle course à la présidentielle, Mme Tsai avait face à elle un candidat qui défendait ardemment le rapprochement avec Pékin. Reconnaissant sa défaite, ce dernier a immédiatement appelé sa rivale pour la féliciter.

Pour rappel, l’île de Taïwan, qui compte quelques 23 millions d’habitants et qui est séparée de la Chine depuis 1949 n’est considérée comme étant un pays indépendant que par une poignée de capitales dont le nombre diminue au fil des ans du fait de l’intense lobbying fait en ce sens par Pékin.

La présidente Tsai Ing-wen qui se présente comme étant la garante des valeurs démocratiques face au pouvoir communiste autoritaire du président chinois Xi Jinping entend «rendre la démocratie taïwanaise plus forte». Elle a toujours affiché une certaine distance avec l’autoritarisme de Pékin qui considère Taiwan comme étant une de ses provinces. Aussi, dès l’annonce des résultats, cette dernière – forte d’une victoire arrachée de haute lutte – a lancé à la presse : «Taiwan a montré au monde à quel point nous aimons notre mode de vie libre et démocratique ainsi que notre nation (…) La paix c’est que la Chine abandonne ses menaces contre Taïwan (…) J’espère que les autorités à Pékin comprendront que Taïwan, pays démocratique, et que notre gouvernement démocratiquement élu, ne cèderont pas aux menaces et à l’intimidation».

Véritable triomphe, cette victoire est une «gifle pour Pékin» dira, à l’AFP, l’analyste politique Hung Chin-fu de l’Université nationale Cheng Kung à Taïwan car, depuis l’arrivée de Tsai Ing-wen au pouvoir, le régime de Pékin «a coupé les communications officielles avec l’île, intensifié ses exercices militaires, durci les pressions économiques et arraché à Taïwan sept de ses alliés diplomatiques».

Et même si Pékin n’a pas immédiatement réagi aux résultats de la présidentielle taïwanaise, la Chine ne sera, de toute évidence, pas «contente» du tout. Et si, par ailleurs, durant le premier mandat de Tsai Ing-wen, les pressions de Pékin étaient « relativement faibles » aux dires de Jonathan Sullivan, un spécialiste de la Chine à l’Université de Nottingham au Royaume-Uni, la reconduction de Mme Tsai pour un second mandat va, incontestablement, changer la donne et pousser la Chine à mettre beaucoup plus de pression sur cette dernière. Et si, enfin, en décembre dernier, Pékin avait envoyé le porte-avion «Shandong» – de fabrication entièrement chinoise –  mouiller au large de Taïwan, des cyber-attaques et des démonstrations de force ne seraient pas à exclure si l’on en croit M. Sullivan.

Aussi, la «grande question» qui se pose aujourd’hui est-elle de savoir si l’Empire du milieu va «continuer sa fermeté envers Tsai Ing-wen ou opter pour une approche plus souple ». La Chine qui souhaiterait appliquer à Taiwan le même système que celui en vigueur à Hong Kong – à savoir, «un pays, deux systèmes» – va-t-elle se résoudre à mettre de l’eau dans son vin au vu du triomphe sans cesse grandissant de Mme Tsai en dépit des pressions exercées par Pékin ou, au contraire, intensifier ses intimidations ? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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