Tu jeûnes…ça n’empêche pas de feuilleter un livre !

philosophie et bien d’autres.Comme tout le monde le sait, cette année, le mois de jeûne coïncide avec la saison estivale et la période des vacances. Avec les longues heures de juillet et la chaleur qui augmente petit à petit,  les journées chaleureuses à ne rien faire paraissent ennuyeuses. De préférence, ce temps doit être partagé avec des mots, des personnages, des évènements et différentes histoires  en lisant et laissant la liberté à l’imaginaire afin de franchir les limites de l’ennui, de la paresse et de la fatigue.
Philosophiquement parlant, la lecture chez Christian Bobin, a une dimension spirituelle et mythique. Méditons ce passage de “Souveraineté du vide” paru en 1985:
“(…) la lecture comme ces chants inventent quelque chose de notre âme. Il y a beaucoup d’affinités, de connivences entre la lecture et la prière : dans les deux cas, marmonnement. Dans les deux cas, silencieux commerce avec l’Autre. Dans les deux cas, semblable indéfinie et douce promenade en de clairs vergers, ceux-là même évoqués au douzième siècle par Guerric d’Igny : Vous vous promenez à travers autant de jardins que vous lisez de livres. Et puis surtout, cette ferveur, commune aux deux actes obscurs de lire et de prier. J’aime ce mot. C’est un mot de passe, il préside à l’alliage du corps et de l’âme, à leur broderie entrelacée sur l’étoffe d’une seule langue immatérielle, excessivement douce et brûlante, dont les échos parfois se retrouvent dans le parler des oiseaux et dans l’aurore foudroyée des amants. Sablier des lectures, où ne s’écoule que l’immobile, qui ne mesure que cette heure avancée dans le cœur, la même, toujours, la seule. Cette étendue d’invisible sur la page blanche et noire : étendue de silence. Le pur silence : l’élément naturel de l’âme, autant que l’eau pour le nageur d’au-delà de l’horizon.”
Au Maroc, en période de Ramadan, plusieurs personnes s’occupent dans la lecture du Coran et des livres religieux.
D’autres en revanche aiment lire les romans.
Le choix de l’endroit de lecture et du livre diffère d’une personne à l’autre et chacun a sa propre définition et vision du concept de : «lecture ». Les présents propos Jettent la lumière sur cette activité pendant le mois de jeûne.

Aziz Laafou, écrivain et journaliste, Errachidia.
«Je profite des nuits ramadanesques pour servir
des plats littéraires ou scientifiques»

La lecture est une bouffée d’oxygène qui alimente et maintient en vie les cellules de base du système nerveux de l’être humain. Sans la lecture, l’homme détruit un intérieur indispensable en liaison étroite avec un extérieur qui se transforme en grande vitesse.
La lecture est pour moi une coutume. C’est un acte ininterrompu qui doit continuer sans repos et sans répit. Le Ramadan est un mois qui incite, certes, au préalable à un recueillement et une paix de l’âme, mais n’empêche pas de profiter des nuits ramadanesques pour servir des plats littéraires ou scientifiques. Habituellement, je n’ai pas de choix particulier ni en genre ni en nombre de ce que je dois lire pendant le ramadan, nonobstant la littérature des milieux carcéraux me va bien pendant ce mois, parfois même je m’oblige de relire des œuvres de ce genre littéraire, telles “ les invités” , de Raouf Oufkir “ la cellule N° 10”Ahmed Elmarzouki, 20 ans aux geôles du Polisario de Ali atman. Mais depuis l’intégration de l’université internationale de Rabat et l’université catholique de Lyon, tout mon temps est réservé pour les Droits de l’Homme.

Nourdine Baoudra, administratif, Casablanca.
«Le mois du jeûne est une occasion pour lire plus et découvrir plus»

En fait, j’adore lire, et la lecture ne représente pas peu pour moi. Je lisais énormément, je passais la plupart de mon temps libre à lire et je me couchais souvent à des heures avancées quand je trouve ensorcelant un livre.  Le mois de jeûne est une occasion pour lire  et découvrir plus. J’ai  plusieurs titres programmés pendant ce mois, notamment: «Faites vous-même vote malheur » de Paul Watzlawick, «L’Ami véritable » de  Plutarque et « Kana waakhawatouha»  d’Abdelkader chawi.

Latifa El Bouhsini, professeure chercheure, Rabat.
« La lecture est mon pain quotidien»

La lecture a toujours constitué pour moi et depuis mon jeune âge un espace qui me permet de retrouver une certaine forme de sérénité.  C’est également un moyen pour m’ouvrir sur le monde, les expériences humaines et la vie sous d’autres cieux.
J’aime lire tout le temps…d’ailleurs mon activité essentielle réside dans la lecture….c’est par plaisir que je le faisais  lorsque j’étais encore très jeune, à présent c’est devenu un devoir puisque mes activités professionnelles en tant que professeure chercheure exigent de moi une assiduité quotidienne. Pendant le Ramadan et surtout pendant les vacances,  j’envisage la lecture des romans : Waciny  Laarej (Papion), “le livre de l’emir”, le jeu de l’Ange de Carlos Ruiz Zafon et Erevan de Gilbert Sinoué.

Abdellatif Bhiri, enseignant et poète, Youssoufia.
«Le Ramadan est le mois de la lecture par excellence !»

“Pour moi la lecture est une source inépuisable de connaissances. De ce fait, elle est une composante inhérente à ma vie quotidienne. Elle me permet d’appréhender le monde et d’éviter la morosité et la léthargie de l’existence.
Le Ramadan est le mois de la lecture par excellence ! Cependant, il impose, par sa spécificité spirituelle, de lire des ouvrages arabes. « Lissan Eddine IBN AL KHATIB » sera mon favori ce Ramadan pour m’éclairer sur la période musulmane en Andalousie. Les œuvres complètes d’Abdellatif Laâbi (Tome II) sont inévitables. Une biographie de Boris VIAN écrite par Philippe Boggio est également très intéressante.”

Taher Abouzaid, avocat, Marrakech.
«En jeûne, j’envisage continuer la lecture de la littérature latino-américaine»

La lecture constitue à mon humble avis, la plus importante activité qu’un être humain puisse pratiquer. Le livre à cet égard demeure l’un des moyens d’ouverture sur la science et la culture. Au mois de ramadan comme pendant les autres mois de l’année,  je lis tout ce que je trouve devant moi lorsque je suis chez moi au café ou bien en voyageant.. Pour le mois de jeûne, j’envisage continuer de lire la littérature latino-américaine, notamment les romans de Gabriel Garcia Marquese et Mario Baraghassyousa.

Yassmin Bouazizi, étudiante, Tunisie.
«En ramadan, la lecture participe à profiter du temps libre»

Personnellement je vois que la lecture est une passion. Concernant la lecture pendant le mois du Ramadan, elle est l’une des activités les plus intéressantes  qui participent à profiter du temps libre. Elle élargit une certaine dose d’optimisme et de vivacité chez l’individu.
Pour moi, je suis attirée  par la lecture de la poésie moderne. Tenons à titre d’exemple : Alcool de Guillaume Apollinaire. C’est un recueil qui représente un amalgame de balancement entre la poésie traditionnelle et la poésie moderne. Un mélange entre l’homme champêtre et l’homme libertin qui erre rien que pour se satisfaire en cherchant une vie ailleurs. De plus, je suis motivée par les pièces théâtrales du 18ème et 19ème siècle, sinon j’apprécie la lecture, les lecteurs, et tout ce qui encourage à lire et à reproduire. La lecture n’est autre qu’un don pour les talentueux !

Mohamed El Bouazzaoui, professeur universitaire, Fès.
«La lecture devient un moment privilégié en mois du Ramadan»
La lecture est une activité jouissive et procuratrice de plaisir. Pendant le mois de Ramadan, la lecture devient un moment privilégié, voire une activité divertissante, sans laquelle le temps est insipide. Mes lectures s’orientent vers les textes d’Amine Maalouf. Je vais relire certains, d’autres, comme Les Désorientés, je  les lirai pour la première fois.

Jamal Eddine Ryane, Ingenieur, Amsterdam.
«Je suis un amateur des sciences humaines et de la psychologie»

La lecture est un moyen de collecte de données et de ressourcement intellectuel permettant un ajournement du savoir et du savoir faire. Elle favorise l’échange, le partage et la communication entre les cultures. Elle permet également de s’ouvrir vers des extrêmes du savoir, celle de la réalité.
Ramadan représente pour moi une opportunité unique pour développer mon savoir puisque le temps est beaucoup moins serré et moins stressant que les jours normaux.
Je suis un amateur des sciences humaines et la psychologie desquelles je m’inspire pour mon quotidien et bien évidement tout ce qui est lié au domaine social, la migration et l’informatique puisque c´est mon domaine d’exercice. Je m’entoure actuellement de la littérature arabe et française. Je viens de me procurer un ensemble de vieux livres comme “le pain nu », « les misérables…”question de me relaxer et d’avoir quelques moments de nostalgie. Je suis entrain de rédiger mon propre livre qui sera bientôt publié.

******

Trois questions à l’écrivain Noureddine Mhakkak  
«Lecture de vie, vie de lecture»
Al Bayane : Que signifie la lecture pour vous ?
Noureddine Mhakkak :
Pour moi, la lecture représente une autre vie  qui s’ouvre vers plusieurs fenêtres. Ces fenêtres nous donnent  ou plutôt nous offrent  la possibilité de voir le monde à travers plusieurs visions riches et profondes. Il s’agit d’une vie qui se complète par d’autres vies modernes et anciennes : celles des autres écrivains ainsi que leur vision du monde. La lecture est une autre façon de vivre mieux, de savoir vivre. C’est pour cela que Gustave Flaubert nous conseille de lire à travers ces mots là: «Lisez pour vivre», car la lecture pour lui est la vraie vie. D’ailleurs depuis mon enfance, j’étais un bon lecteur.
J’ai lu beaucoup de livres : romans, récits, recueils de poésie, etc…et je n’ai jamais arrêté de lire pendant tous les mois de l’année. La lecture pour moi est une habitude quotidienne, et le livre un bon ami, toujours près de moi, à la maison, au café, à la forêt, à la montagne et bien sûr dans d’autres lieux tels  que la plage.
Même ma voiture est pleine de livres. Mes maitres dans ce chemin de la lecture  ont été l’écrivain  Jorge Luis Borges et le grand écrivain arabe Abū Uthman al-Jālil. Je lis la poésie à haute voix tandis que je lis la prose en silence.
Aimez-vous lire pendant le Ramadan ?
J’aime lire pendant ce mois sacré, car la lecture pour moi est une habitude quotidienne. D’ailleurs, ce mois sacré  m’offre une belle occasion pour lire et relire les livres historiques, romans ou essais tels que les romans d’Amin Maalouf, Gilbert Sinoué …et les livres de la culture des mœurs et  des  pensées et bien évidemment  les livres spirituels tels  que ceux du grand maitre Moheïddine Ibn Arabî.
Quelles sont vos lectures programmées au cours de ce mois ?
Cette année, je vais programmer quelques livres marocains, notamment ceux d’Abdelfattah Kilito. Je les lirai et relirai en attendant l’occasion pour écrire sur leur monde culturel.

****

Ramadan
Prière, paix, générosité… et quelque chose d’autre

Comme chaque année, les musulmans du monde entier accueillent  jovialement leur mois sacré : le ramadan. Ce mois de l’année est très particulier chez la communauté musulmane. Toutes les activités sont généralement consacrées à la prière et au recueillement, à la lecture des versets coraniques et à la méditation sur la grandeur du Dieu  manifeste dans sa création.
Comme tout le monde le sait, le ramadan coïncide cette année avec la saison estivale. Alors que la chaleur a déjà commencé à bruler les boulevards, les prix quant à eux torturent les poches des simples citoyens. Avec les longues heures de journée, le ramadan demeure pour certains  « jeûneurs » un mois de paresse, de nervosité et une occasion pour consommer de plus en plus de grandes quantités de drogues.
Quelques phénomènes émergent également pendant ce mois. Dans les rues et les marchés, des villes abritent  durant les deux ou trois heures précédant la rupture du jeûne des spectacles agressifs et des  violences menées par des jeûneurs de type particulier. Ils saisissent cette occasion pour manifester leur colère :   

La «Tramdina».

Un phénomène ou encore une maladie qui grandit durant chaque ramadan. Les disputes et altercations se multiplient dans les rues et les boutiques, les accidents  de circulation vont aussi de plus belle.  Les auteurs de ces actes  sont communément des fumeurs et des toxicomanes qui consomment du cannabis  et consacrent les nuits ramadanesques  à fumer de la « Chicha », « Maâjoun » et différentes sortes de drogues. Les grands buveurs de café et de thé sont également les plus touchés par ce phénomène.
Le Ramadan bouscule les habitudes. La plupart des citoyens changent leur rythme de vie. La nuit devient la période d’activités et le jour se voit consacrer au sommeil. La bonne forme physique figure parmi les plus grands soucis de ce mois, car les gens mangent beaucoup et  se passent du sport.
Le ramadan est un mois pour se rapprocher de Dieu et respecter l’autre. A Casablanca, les voleurs considèrent ce mois plus rentable pour des vols à l’arrachée et la recherches des proies pour des agressions. Yassine, jeune factionnaire,  victime d’agression à l’arme blanche le ramadan dernier raconte « C’était 8h du matin dans le quartier de sidi Maarouf. Je me suis rendais au travail,  la rue était tellement vide. Dans un coin un peu isolé, deux personnes  avec une arme blanche m’ont attaqué farouchement. Ils m’ont arraché mon PC portable ».
En jeûne, ce sont les valeurs de tolérance,  de don, de pardon, de partage et d’abnégation qui doivent prôner et dominer les cœurs et les esprits. Il faut profiter de ce mois, comme les autres mois de l’année pour pardonner, partager, respecter l’autre, être généreux, aimer Dieu.

Top