Conseil de Bank Al-Maghrib
La deuxième réunion annuelle du Conseil de Bank Al Maghrib tenue mardi a permis de faire le point sur les principales projections macroéconomiques dans cette situation de crise exceptionnelle. L’incertitude reste le mot d’ordre dans une économie qui subira une forte contraction en 2020. BAM a à cet effet décidé de réduire de 50 points de base le taux directeur, le ramenant à 1,5% et a choisi de libérer intégralement le compte de réserve au profit des banques et d’appuyer le refinancement des banques participatives. Ainsi, une batterie de mesures ont été prises pour accélérer la relance de l’économie nationale et de l’emploi qui se rajoutent à celles déjà engagées par le Comité de Veille économique.
Dans un communiqué, la Banque Centrale confirme qu’elle veillera, «à la transmission de ses décisions à l’économie réelle et fera le point régulièrement à ce sujet avec le plus haut management du système bancaire. Aussi, elle affirme avoir déjà affiné le cadre de ses opérations de refinancement pour favoriser davantage les banques qui déploient le plus d’efforts dans ce sens».
En termes de chiffres, Bam indique que l’inflation est passée de 1,4% à 0,9% en lien principalement avec le repli des prix des carburants et lubrifiants. Ainsi, compte tenu d’un contexte de faibles pressions inflationnistes, l’inflation «se maintiendrait, selon les prévisions de BAM, à un niveau modéré autour de 1%, aussi bien en 2020 qu’en 2021». Sa composante sous-jacente, mesurant la tendance fondamentale des prix, devrait passer de 0,5% à 0,8% en 2020 et revenir à 0,7% en 2021.
Bam a rappelé la forte récession de l’économie mondiale en 2020, son ampleur et le rythme de la reprise demeurent sujets à de fortes incertitudes qui ont amené certaines banques centrales à reporter la publication de leurs prévisions et d’autres à considérer plusieurs scénarios d’évolution.
Une contraction de 5,2% de l’économie la plus forte depuis 1996
Les projections de Bank Al Maghrib au niveau national, tiennent compte de l’effet conjugué de la sécheresse et des restrictions pour limiter la propagation de la Covid-19. L’économie accuserait, ainsi une contraction de 5,2% en 2020, la plus forte depuis 1996. La valeur ajoutée agricole connaîtrait un recul de 4,6%, avec une récolte céréalière estimée par le Département de l’Agriculture à 30 millions de quintaux, et celle des activités non agricoles diminuerait de 5,3%.
Un rebond est attenu en 2021, la croissance croitrait de 4,2%, avec une augmentation de la valeur ajoutée agricole de 12,4%. L’hypothèse d’une production céréalière de 75 millions de quintaux, et une amélioration du rythme des activités non agricoles à 3,1% est envisageable.
Des prévisions qui restent toutefois, «entourées de fortes incertitudes, avec une balance des risques orientée à la baisse. En effet, selon les scénarios d’une reprise plus lente de l’activité ou de la persistance de la faiblesse de la demande étrangère et des perturbations des chaînes d’approvisionnement, la récession serait beaucoup plus profonde».
Sur le marché du travail, une enquête ponctuelle réalisée par le HCP du 1er au 3 avril pour appréhender les retombées de la pandémie sur l’emploi indique une destruction de près de 726 mille postes, soit 20% de la main d’œuvre des entreprises organisées.
Sur le plan des comptes extérieurs, «pour l’ensemble de l’année 2020, les exportations accuseraient une baisse de 15,8% globalement, qui concerneraient la quasi-totalité des secteurs. En particulier, les expéditions de l’industrie automobile et les ventes du secteur textile et cuir seraient affectées par la perturbation des chaînes d’approvisionnement et l’affaiblissement de la demande étrangère. En parallèle, les importations chuteraient de 10,7%, en lien essentiellement avec l’allégement de la facture énergétique et le repli des acquisitions de biens d’équipement».
Fort recul des recettes voyages à -60%
Les recettes de voyage enregistreraient un fort recul qui atteindrait 60% et les transferts des MRE régresseraient de 25%. Pour ce qui est des entrées d’IDE, elles devraient revenir à l’équivalent de 1,5% du PIB cette année avant de retrouver le niveau tendanciel de 3,2% du PIB en 2021 indique BAM.
Les avoirs officiels de réserve se situeraient à 218,6 milliards de dirhams en 2020 et à 221,7 milliards en 2021, soit une couverture autour de 5 mois d’importations de biens et services aussi bien en 2020 qu’en 2021.
Concernant le crédit au secteur non financier, il a continué son amélioration avec une augmentation de 6,7% à fin avril, reflétant notamment l’accélération du rythme des prêts accordés aux entreprises non financières privées à 11,4%. Pour sa part, le taux de change effectif réel s’est apprécié au premier trimestre de 0,86%, mais devrait ressortir en dépréciation de 1,6% sur l’ensemble de l’année et de 1% en 2021,s prévoit la banque centrale.
A moyen terme et sur la base des estimations disponibles, le déficit budgétaire, hors privatisation, devrait s’aggraver de 4,1% du PIB en 2019 à 7,6% en 2020 avant de s’atténuer à 5% en 2021. Dans ces conditions, l’endettement du Trésor devrait augmenter, passant de 65,0% du PIB en 2019 à 75,3% en 2020 et à 75,4% en 2021, indique le communiqué.
Fairouz El Mouden
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Baisse du taux directeur et libération de la réserve obligatoire
Quel impact sur l’économie ?
Le Conseil de Bank Al-Maghrib, réuni mardi, a décidé de baisser le taux directeur de 50 points de base à 1,5% et de libérer complètement la réserve obligatoire au profit des banques. L’économiste et spécialiste de politique de change, Omar Bakkou, livre à la MAP, son analyse de l’impact de ces deux décisions sur l’économie nationale.
La baisse du taux directeur et la libération intégrale du compte de réserves monétaires permettront d’améliorer les conditions générales de refinancement des banques en disposant de plus de ressources monétaires et à moindre coût, explique-t-il.
Ces décisions permettront d’abaisser les taux d’intérêt auxquels sont accordés les crédits bancaires aux entreprises et aux particuliers, ce qui sera susceptible d’engendrer trois effets positifs inter-reliés sur l’économie marocaine, relève M. Bakkou.
Il s’agit de:
– Faciliter le renflouement des trésoreries des entreprises, ce qui permettra d’atténuer les effets négatifs de la crise sanitaire sur leur situation financière, particulièrement les entreprises relevant des secteurs les plus touchés, comme le tourisme, l’industrie automobile, le textile, les services, etc.
– Freiner la propagation des effets dépressifs de la sécheresse et de cette crise sanitaire sur l’activité économique générale, ce qui permettra d’améliorer la capacité globale de résilience de l’économie marocaine pour faire face à ce choc.
– Appuyer et accompagner les différentes actions de relance et de soutien à l’activité économique mises en œuvre par le Comité de veille économique (CVE), que ce soit celles déjà entamées ou celles qui sont en cours de préparation.