Maître Saïd Naoui, avocat au barreau de Casablanca
Propos recueillis par Karim Ben Amar
La pandémie liée au nouveau coronavirus covid-19 a créé dans certains domaines d’activité, bien des remous. C’est le cas des écoles privées au Maroc qui réclament le paiement des mois d’avril, de mai et de juin, mois où le confinement obligatoire était la règle d’or. Les parents d’élèves quant à eux refusent de payer les frais de scolarité, et invoquent la non-dispensation des cours. Les questions qui conviennent alors de se poser sont les suivantes : les établissements privés ont-ils le droit de réclamer le paiement malgré la fermeture des établissements ? Les parents d’élèves peuvent-ils refuser de payer les frais de scolarité? À cet effet, Maître Saïd Naoui, avocat au barreau de Casablanca et spécialisé du droit privé donne son point de vue sur cette problématique.
Al Bayane : Les écoles privées réclament le paiement des frais de scolarité malgré la non-dispensation des cours. Que dit la loi à ce propos?
Maître Saïd Naoui : Le contrat «d’enseignement» oblige réciproquement les deux parties qui sont l’établissement scolaire et les parents de l’élève. L’établissement scolaire s’engage à enseigner l’élève selon les conditions pédagogiques reconnues et recommandées par le ministère de tutelle et les parents de l’élève s’engagent à payer les frais et la mensualité de scolarité. Les écoles dans cette période exceptionnelle de pandémie ont déployé des moyens informatiques pour garder le contact avec leurs élèves afin de leur assurer un enseignement à distance selon les moyens disponibles. Certes, elles n’ont pas assuré l’intégralité de leurs obligations contractuelles, mais néanmoins elles ont essayé d’assurer le minimum à cause des difficultés essentiellement d’ordre technique liées à la connexion et à la disponibilité. Dans ces conditions marquées par un déséquilibre significatif entre les obligations des parties, la réclamation par les établissements scolaires de la totalité des mensualités en tant que forfait intégralement acquis nous semble abusive. Le prix doit être raisonnable en le réduisant de façon à être proportionnel au service rendu.
Al Bayane : Au niveau des réinscriptions et en cas de transfert, peut-on refuser l’inscription d’un élève au public ou au privé ? Existe-t-il un cahier de charges à ce sujet?
Maître Saïd Naoui : Le choix de l’établissement scolaire est un choix stratégique pour les parents. Les familles aisées optent pour les établissements privés pour les considérations que nous savons tous, mais ils gardent toujours le droit au changement de l’établissement que ce soit pour des raisons financières ou autres. Aucun établissement ne devra refuser l’inscription de leurs enfants sans un motif valable et légal.
Al Bayane : Comment les parents d’élèves peuvent-ils agir pour faire valoir leur droit?
Maître Saïd Naoui : Il faut constater ce refus par une réponse écrite défavorable d’inscription ou de mandater un huissier de justice pour constater le refus. Ensuite, les parents peuvent introduire une action devant le juge des référés pour demander l’annulation de ce refus sous une astreinte fixée par le juge.
Al Bayane : Le ministère a proposé la médiation des AREF au lieu d’une médiation directe, qu’en pensez-vous?
Maître Saïd Naoui : L’amélioration du climat scolaire devrait être un enjeu majeur de la politique publique en matière d’éducation et le ministère de tutelle en est le responsable. Malheureusement, le ministère, en procédant ainsi, fuit devant sa responsabilité de contrôle et de régulation. C’est lui qui devrait proposer des solutions tenant compte des intérêts des deux parties et essayer d’en finir avec ce conflit qui risque de générer d’autres problèmes lors de l’année scolaire prochaine.