Une histoire du cinéma au Maroc (1907 à 1986)

La septième porte d’Ahmed Bouanani

«Nous, cinéastes marocains, sommes les personnages imprudents de la tradition…»

A.B

C’est l’ouvrage attendu et souhaité de toute une génération. Une génération qui rêvait d’un cinéma  marocain, à l’époque on disait «un cinéma national»; qui rêvait aussi d’un livre qui restitue à ce cinéma son histoire, sa mémoire. Et puis, cela est arrivé comme une rumeur : Ahmed Bouanani prépare un livre sur le cinéma au Maroc. Mais cela a pris du temps. On le savait puriste et que certainement, il n’aurait pas accepté de sortir un travail inachevé…Un cinéaste atypique, historien du cinéma ; le synopsis était passionnant!

On ne cesse en effet de (re) découvrir Ahmed Bouanani (1938-2011). Cinéaste, monteur, si l’on veut à tout prix lui attribuer une «case» professionnelle ; l’homme est multidimensionnel ; le cinéma bien sûr, la poésie, le roman, la culture populaire, le dessin…tous les continents de la création l’ont accueilli et ont vu traverser ses pérégrinations, à l’image de ses personnages de fiction : le cavalier téméraire des Quatre sources (1978) ou Mohamed Ben Mohamed  (inoubliable Mohamed Habachi) de Mirage (1979), celui qui refuse de signer (Wa Massaniiiiiiiiiiich  dit-il à Hachemia son épouse dans une scène célèbre)…ou encore des personnages de référence historique comme Sidi Hmad Oumoussa, le poète du désert.  Cette œuvre prometteuse dans sa variété et ses dimensions artistiques sera interrompue par la mort. Bouanani est parti et notre attente demeure…

Mais voilà que le livre est arrivé, 33 ans après sa rédaction et 9 ans après le décès de son auteur. Le livre porte bien le titre qui sied, La septième porte ; on est dans l’univers de référence de Bouanani ; raconter l’histoire du cinéma au Maroc comme une question culturelle, comme un conte. Même si d’emblée, Bouanani nous avertit, à l’instar de Magritte, «ceci n’est pas un conte». Le livre a vu le jour grâce à l’abnégation d’une poignée de fidèles, réunis autour de Touda (joli prénom amazigh !). Touda Bouanani, la fille qui a repris le flambeau et s’est engagée sur la voie de la réhabilitation de la mémoire. La mémoire du père.

Une mémoire blessée au destin tragique confrontée à la bêtise humaine illustrée par les obstacles de la bureaucratie et de la jalousie maladive ou encore subissant les aléas de la vie comme cet incendie qui va pratiquement ravager une partie de l’appartement familial et des traces de la mémoire. La démarche de Touda rejoint ainsi le projet de vie de son père celui qui consiste à restituer une mémoire ; celle du pays avec le souci de « remonter » les images pour réécrire une histoire émancipée des clichés nés du regard « culturel » de l’autre…mais aussi la mémoire du cinéma avec  ce livre-somme sur l’histoire du cinéma au Maroc. Le livre est là dans un effort d’édition louable; même si j’ai des réserves sur les choix infographiques qui nuisent à la lisibilité du texte.

Le livre a été édité dans le format  «livre-cadeau» ; nous sommes bien dans le mois des cadeaux. Et c’est là un cadeau intelligent. La couverture est en soi un hommage à la femme de sa vie, Naima Saoudi-Bouanani avec une photo extraite du film Les quatre sources. Elle fait partie de ceux à qui Bouanani dédie son livre : «A la mémoire du grand Orson Welles qui a présenté son chef-d’œuvre Othello à Cannes en 1952 sous les couleurs marocaines. A André Zwobada, auteur de La septième porte et Noces de sable».

; même si j’ai des réserves sur les choix infographiques qui nuisent à la lisibilité du texte. Le livre a été édité dans le format  «livre-cadeau» ; nous sommes bien dans le mois des cadeaux. Et c’est là un cadeau intelligent. La couverture est en soi un hommage à la femme de sa vie, Naima Saoudi-Bouanani avec une photo extraite du film Les quatre sources. Elle fait partie de ceux à qui Bouanani dédie son livre : «A la mémoire du grand Orson Welles qui a présenté son chef-d’œuvre Othello à Cannes en 1952 sous les couleurs marocaines. A André Zwobada, auteur de La septième porte et Noces de sable».

 Le livre est construit à l’image d’un film de Bouanani où le montage est le pivot de l’écriture.  On peut y accéder par plusieurs entrées qui fonctionnent comme des segments autonomes ; des séquences qui renvoient tantôt à des chapitres de l’histoire (1907-1956 ; 1956- 1986…), tantôt à des problématiques spécifiques (A propos de génériques ; les journaux filmés ; la solitude du comédien…). Une riche documentation est présentée en annexes avec une riche filmographie notamment de la période coloniale. Le tout sans prétention aucune, « nous ne prétendons pas faire œuvre d’historien professionnel » écrit-il en avant-propos.

La surprise agréable est justement de découvrir une autre facette de Bouanani ; s’il est  cinéaste confirmé, reconnu et apprécié ; s’il n’a aucune prétention de fournir un livre d’histoire au sens strict du mot, par contre  le lecteur cinéphile ne manquera pas de relever la perspicacité, la lucidité, l’intelligence d’un regard avec le Bouanani critique de cinéma. Bouanani nous offre une analyse sans concession des films des années 1970 et de la première moitié des années 1980 notamment à l’occasion des deux premières éditions du festival national du film.

Le livre en outre est susceptible d’apporter des éléments d’information à la polémique suscitée par le film de Ali Essafi autour du film Wechma. A aucun moment dans le livre, Bouanani ne remet en question que Bennani est l’auteur du film. Il écrit par exemple à propos du comédien Kaghat : «sa composition de Messaoud adulte dans le film de Bennani irréprochable».  

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