Ali Benziane au sujet de son dernier roman intitulé «Le mur des paresseux» :
Propos recueillis par Karim Ben Amar
Né à Montpellier en 1988, Ali Benziane est un poète et écrivain marocain basé à Tanger. Docteur en pharmacie de formation, il a publié deux recueils de poésie : « Tingis » (2020, éditions Onze) et Couronne d’épines (2021, éditions Orion). Son premier roman » Le mur des paresseux » vient de paraître aux éditions Orion. Al Bayane a contacté l’auteur au sujet de son dernier ouvrage. Entretien.
Al Bayane : A quand remonte votre passion pour l’écriture ?
Ali Benziane : Ma passion pour l’écriture remonte à l’enfance et mes lectures de contes et des classiques de la jeunesse qui ont développé mon imagination. J’ai d’abord commencé à écrire des nouvelles et des romans en prenant pour modèle de grands auteurs, tels que Walter Scott, Herman Melville ou Robert Louis Stevenson. L’écriture s’est ensuite imposée comme une nécessité dès l’adolescence, période durant laquelle j’ai commencé à écrire beaucoup de poésie. C’est le genre littéraire privilégié pour exprimer mes émotions avec une profondeur et une authenticité qu’on ne trouve pas forcément dans la prose.
En tant que passionné de musique, existe-t-il une relation entre votre roman et le 4ème art ?
Absolument. Dans mon nouveau roman, j’ai voulu réunir la littérature et la musique, et en particulier le jazz, que ce soit dans le fond ou dans la forme. C’est un exercice de style assez original qui donne un certain rythme que j’ai voulu le plus proche possible du swing. Cela donne un roman polyphonique qui raconte l’histoire de Alcide Benezi, un saxophoniste de jazz qui ne peut plus jouer, avec différents points de vue et une atmosphère propre à chaque personnage. De grandes figures du jazz sont évoquées : Thelonious Monk ou John Coltrane qui occupe une place importante. Le saxophone est plus qu’un simple instrument dans le roman, il est un personnage à part entière qui s’exprime librement comme dans un solo improvisé. D’une certaine manière, je pense que la musique est l’accomplissement de la littérature. L’écrivain français du XXème siècle, Louis-Ferdinand ne disait-il pas que « derrière un style particulier, Il y a toujours une petite musique qui résonne.
Votre roman s’intitule « Le mur des paresseux », lieu emblématique de la perle du Détroit. N’est-ce pas un hommage que vous rendez à Tanger, ville qui vous a vu grandir ?
Le mur des paresseux, qui est le titre du roman, évoque un des lieux les plus emblématiques et les plus visités de Tanger. L’essentiel de l’intrigue s’y déroule et gravite autour de cet endroit où viennent se rassembler les désœuvrés et les gens en quête d’une destinée. On peut considérer que la ville de Tanger où j’ai passé toute mon enfance et où je vis actuellement, est aussi un personnage du roman. Cette ville n’a jamais cessé de m’inspirer, il y a une vraie magie propre à Tanger qui semble en dehors du temps, des histoires et des tragédies trop humaines. Mon premier recueil de poèmes «Tingis » est entièrement consacré à cette réalité mythique de Tanger qui a envoûté tellement d’artistes et continue à envoûter poètes, peintres et écrivains. Impossible de ne pas faire une place dans mon roman à des personnalités artistiques comme Mohammed Choukri ou Francis Bacon, dont la vie et l’œuvre sont liées à Tanger.
Quelle a été votre inspiration pour la rédaction de cet ouvrage ? Et quelle est à votre avis la différence entre poésie et roman ?
Un des personnages principaux du roman est un écrivain qui n’arrive plus à écrire par manque d’inspiration. Il côtoie le héros qui est également privé de sa passion à cause d’une grave maladie qui l’empêche de faire ce qu’il aime le plus au monde : jouer du saxophone. Il a donc le sentiment de ne plus exister. L’un des principaux thèmes du livre est donc l’inspiration et plus précisément son absence, ce vide intérieur qui transforme la vie en néant sans fin. Est-ce qu’un artiste peut vivre sans pratiquer son art ? L’absence d’inspiration, signifie-t -elle, comme l’écrit Marguerite Yourcenar, que l’artiste est condamné à s’enfoncer dans le désespoir ? Est-il possible pour un artiste de dissocier la vie de l’art ? Le roman est aussi une réflexion sur plusieurs thèmes existentiels tels que le temps, la mémoire ou la mort. Alors que la poésie peut exprimer de manière plus naturelle voire spontanée certains thèmes sur le devenir et la finitude de l’Homme, le roman nécessite d’autres moyens plus extrêmes, « mettre sa peau sur la table » comme dirait Céline, afin de méditer des questions existentielles et pouvoir trouver quelques débuts de réponses…
Jeune écrivain que vous êtes, avez-vous des projets à venir ?
En plus d’un nouveau recueil de poésie, je suis en pleine écriture d’un essai philosophique consacré au monde de l’après-Covid-19. Il faut savoir qu’après avoir obtenu mon doctorat en pharmacie en 2015, j’ai entamé un Master en philosophie que j’ai ensuite quitté par lassitude envers le monde universitaire, pour poursuivre ma formation en autodidacte. L’ouvrage que je prépare est donc véritablement un essai de compréhension de ce nouveau monde qui s’impose à nous, grâce à des concepts philosophiques inédits et aussi un hommage aux grands esprits qui ont façonné et continuent encore de façonner ma pensée : René Guénon, Simone Weil, Michel Foucault, Jean Baudrillard, Giorgio Agamben…