Maître Jiddi Kaltoum, Avocate au barreau de Casablanca
Al Bayane: Quel encadrement juridique pour les transactions commerciales électroniques au Maroc ?
Maître Jiddi Kaltoum: Le marché poursuit sa tendance haussière des achats en ligne, du fait que les consommateurs marocains ont de plus en plus recours à ce mode de consommation.
Dans ce contexte, et afin d’éviter les abus, plusieurs textes de lois ont été adoptés par le législateur marocain pour promouvoir la confiance numérique sur la base d’un environnement juridique sécurisé et garantir ainsi aux consommateurs une protection renforcée. De ce fait, les trois principales lois sont :
La loi n° 53-05 relative à l’échange électronique de données juridiques qui organise notamment le régime des contrats conclus par voie électronique.
La loi n° 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur, définit les droits des consommateurs qui achètent des biens ou des services notamment au moyen de sites marchands et reconnaît la validité du contrat de vente à distance sous réserve qu’il soit conclu conformément aux lois n°53-05 et n° 31-08.
La Loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, notamment les clients lors des opérations d’achat en ligne.
Comment le législateur marocain protège t-il le e-consommateur ?
En matière d’e-commerce, le législateur marocain conscient des spécificités liées au contrat conclu à distance, s’est doté d’un arsenal juridique visant à encadrer au mieux les transactions commerciales passées par voie électronique et assurer une meilleure protection pour les e-consommateurs. Ainsi, lorsqu’on est en présence d’une transaction commerciale électronique entre un fournisseur et un consommateur, autrement dit une relation B to C ; c’est la loi n° 31-08 édictant des mesures de protection des consommateurs qui entre en application, pour garantir au e-consommateur un certain nombre de droits :
-Le droit à l’information : les textes de lois en la matière imposent au fournisseur de communiquer au consommateur les informations nécessaires sur le bien, produit ou service faisant l’objet de son offre.
-Le droit aux choix : c’est la garantie donnée au consommateur de faire son choix librement et lui permettre de confirmer ou de modifier sa demande selon sa volonté, ses moyens et ses besoins.
Le droit de rétractation : c’est un droit qui permet au consommateur de revenir sur une décision d’achat pendant un certain délai, sans avoir à se justifier.
Ainsi, pour exercer son droit de rétractation, le consommateur dispose d’un délai de 7 et d’un délai de 30 jours si le fournisseur n’honore pas son engagement de confirmer les informations obligatoires prévues dans les articles 29 et 32 de la loi 31-08 édictant des mesures de protection des consommateurs.
En cas d’exercice du droit de rétractation, le fournisseur est tenu de rembourser au consommateur le montant total payé, au plus tard dans les quinze jours suivant la date à laquelle ce droit a été exercé. Une fois ce délai dépassé, des intérêts, selon le taux légal en vigueur sont ajoutés à la somme due.
-Le droit à la représentation et à l’écoute : c’est la garantie pour le consommateur , lors d’un litige avec le fournisseur, d’être conseillé et de se faire représenter par une association de protection des droits du consommateur comme prévu par les articles de 152 à 165 de la loi 31-08 édictant des mesures de protection des consommateurs.
-Le droit au remboursement : en cas de défaut d’exécution du contrat par le fournisseur résultant de l’indisponibilité́ du produit, du bien ou du service commandé. Il incombe au fournisseur d’en informer le consommateur, et de le rembourser, sans délai et au plus tard, dans les quinze jours du paiement des sommes qu’il aversées. Ce délai dépassé, ces sommes sont productives d’intérêts au taux légal.
Quelles sont les obligations du fournisseur envers le e-consommateur ?
Outre les dispositions de la loi 53-05 relatives à l’échange électronique de données juridiques, la loi 31-08 impose au fournisseur le respect de plusieurs règles rigoureuses , afin d’assurer une meilleure protection au consommateur .
Ainsi , le fournisseur a en plus de l’obligation générale d’information en vertu de laquelle son offre de vente à distance doit comporter de manière claire et compréhensible les informations visées aux articles 3, 5 et 29 de la loi 31-08 , l’obligation de :
-Assurer au consommateur l’accès facile aux conditions générales de vente (CGV ) . Ces conditions doivent également être expressément acceptées par le consommateur, avant la confirmation de l’acceptation de l’offre.
-Rappeler au consommateur, avant la conclusion du contrat, ses différents choix et lui permettre de confirmer sa demande ou la modifier selon sa volonté́.
-De faire parvenir au consommateur avant la livraison les informations visées à l’article 32 de la loi 31-08 , telles que les conditions relatives au service après-vente et aux garanties commerciales ou encore les conditions de résiliation du contrat lorsque celui-ci est d’une durée indéterminée ou supérieure à un an …etc.
-Permettre au consommateur de faire le suivi de sa demande, d’exercer son droit de rétraction en lui précisant les modalités d’exercice de ce droit et d’exécuter la commande dans un délai maximum de 30 jours à compter du jour où le fournisseur a confirmé la réception de la commande du consommateur. Sauf si les parties en décident autrement.
Quellevaleur juridique du contrat conclu à distance comparativement au contrat classique ?
Depuis que le Dahir des Obligations et des Contrats a intégré les nouvelles dispositions de la loi n°53-05 sur l’échange électronique de données juridiques, le droit marocain a reconnu à l’écrit électronique la même force probante que celle de l’écrit sur support papier, à condition que la personne dont il émane soit identifiable et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégralité.
L’acte électronique peut donc être pris comme moyen de preuve en cas de litige, s’il répond aux deux conditions d’identité́ et d’intégrité susmentionnées.
En cas de litige, quels sont les recours possibles pour protéger le consommateur?
En cas de litige, et à défaut de résolution à l’amiable, le consommateur peut faire une réclamation auprès des associations de protection des consommateurs la plus proche ou déposer une requête sur le portail du consommateur à l’adresse suivante : http://www.khidmat- almostahlik.ma. Si cette démarche n’aboutit pas, le consommateur peut faire recours à la justice. Il est à noter qu’en cas de litige la charge de la preuve incombe au fournisseur.