Révolution footballistique imminente
Nous avons reçu du think-tank OMEGA Center for Economy & Geopolitics Researchs un policy paper sur une révolution footballistique imminente qui mettrait en valeur la formation et l’émergence de pépites au service des clubs professionnels. Une première d’une réforme inéluctable.
Depuis des décennies, le football est passé de l’amateurisme basé sur le spectacle à une véritable industrie dont la sacro-saint est le duo marketing-rentabilité sans se passer de son essence même qu’est le spectacle. En Europe et dans un moindre degré en Amérique Latine, les clubs de football sont devenus des entreprises appartenant en majorité à des investisseurs avec un flottant coté en bourse ouvert aux petits porteurs. Ces entreprises-clubs déploient les dernières méthodologies de bonne gouvernance et d’une infrastructure sportive moderne et des actifs immobiliers garantissant des recettes stables.
Au Maroc, il y avait une volonté politique de la plus haute autorité d’assurer une transition du football de l’amateurisme au professionnalisme qui a été couronnée par l’adoption de la loi 30-09 en 2009, une année après la célèbre lettre royale en ce sens. Cette chronologie est importante afin de mieux comprendre les enjeux de ce volet avant d’exposer ce méga projet qui verra le jour en juillet 2024. C’est pourquoi il est opportun de mettre à plat le contexte de la mise en oeuvre de la société sportive, entre les exigences de la loi 30-09 et la réalité du terrain. Cet exercice permet de mieux cerner l’environnement dans lequel évoluerait ce projet révolutionnaire de la gestion de la formation des catégories jeunes et ses chances de réussite.
La nécessaire ouverture sur l’investissement sportif
En 2009, la loi 30-09 a vu le jour et consistait à la création de sociétés sportives afin de gérer l’équipe A des clubs tout en laissant toute la partie formation et jeunes aux associations. Il y a lieu de rappeler à cet égard qu’il y avait confusion entre les textes arabophones, qui consistait à une quote-part maximum de la société à hauteur des deux tiers alors que la version francophone stipulait à une part de 70%! 15 années après, il n’y pas eu de correction de cet imbroglio. Toutefois, ceci demeure un petit détail devant l’importance du fond du sujet avec le passage obligé au statut de la société sportive. Cependant, la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF), que ce soit le Bureau qui a lancé le professionnalisme ou celui qui pris les commandes en 2014, ont éprouvé beaucoup de difficultés à faire adhérer les présidents des clubs à cette réforme. Ces présidents usaient de leur statut de membres fédéraux afin de résister à toute nouveauté pouvant réduire leur pouvoir absolu. Mais en 2017, la FRMF a fait preuve de fermeté pour la mise en place de la loi 30-09, au bout du compte les clubs ont trouvé u e autre parade : creer5des sociétés sportives détenues parfois jusqu’à 99% par l’association ! Dès 2018 la majorité des clubs avaient créé des sociétés sportives gérées par les membres des associations en détournement du coeur de la loi 30-09. Cet état de fait a laissé la main aux présidents des associations souvent eux-mêmes présidents des sociétés sportives d’où une anarchie qui prévaut jusqu’aujourd’hui. Elle entraîne parfois des blocages quand certains présidents rechignent à céder les commandes de la société sportive quand ils sont évincés de l’association !
La solution à ce télescopage est la stricte application de la loi 30-09. C’est la seule issue permettant à nos clubs d’atteindre, dans une première étape, le niveau des clubs européens des années 90. Pour ce faire, il est primordial de mettre en place les fondements de cette réforme à même d’aboutir à une véritable renaissance footballistique. De quoi réduire l’écart entre nos clubs et ceux européens. En outre, la gouvernance se trouve au centre de cette transition et sans laquelle ni les structures organisationnelles ni les capitaux abondants ne saurait mettre la locomotive du football sur les tailles de la réforme. C’est un ensemble, compact et homogène et qui requiert certains prérequis à savoir :
1- Mettre fin à la gestion individuelle des clubs en mettant en place un cahier de charge encadrant les profils à même de postuler à la présidence des clubs afin de garantir une gestion professionnelle, indépendamment des résultats techniques biensur, car ce sont ces mêmes présidents qui auront la charge de gérer le football national puisqu’ils constituent le corps électoral de la FRMF.
2- Instaurer le fair-play financier afin de plafonner les dépenses en fonction des recettes et interdire le phénomène des recrutement sur la base de recettes prévisionnelles et des promesses des sponsors. C’est la seule façon de couper court aux pratiques suspicieuses adoptées par certains agents « prédateurs ».
3- Subventionner le football par le gouvernement du royaume à l’instar du soutien apporté à la presse nationale depuis 2020. Étant un levier du soft power contribuant au rayonnement du royaume, le football mériterait une remise à plat de ses arriérés en impôts et taxes. D’ailleurs, le ministre en charge du budgetn’est autre que le président de la FRMF ce qui faciliterait le travail en amont, l’inventaire des arriérés, et en aval, la sollicitation du gouvernement pour budgétiser cette opération. Une deuxième étape non moins importante que celle de l’annulation des impôts : le règlement des dettes que trainent les clubs et les effacer définitivement, car il n’y aucune issue à cette problématique. Rappelons que l’Exécutif avait consacré à la presse, entre 2020 et 2023, environ 700 millions de dirhams alors que l’enveloppe globale des dettes des clubs s’élèverait à quelques 300 millions de dirhams. L’objectif étant le démarrage de la prochaine saison avec une page blanche mais à des conditions draconiennes, en attendant la deuxième phase d’appel aux investisseurs.
4- S’ouvrir aux investisseurs marocains et étrangers à travers les fonds d’investissement et les fonds de placement dans le but de la stricte application de la loi 30-09 qui permet aux investisseurs de diriger totalement l’équipe A, en reléguant la gestion des catégories des jeunes à l’association (en attendant des sociétés décidées). L’implication des investisseurs dans ce système mettrait fin au système des adhérents devenu aujourd’hui dépassé et mettant les clubs à la merci de certains « habitués » aux rouages de l’adhésion. Le succès du passage à la loi 30-09 passerait par une étape expérimentale avec deux ou trois clubs pilotes avant la généralisation.
De cette façon, les clubs marocains pourraient inaugurer une nouvelle étape, celle de l’industrialisation du football avec comme pilier une formation de qualité produisant dex dizaines voire des centaines de pépites et à même de renflouer les caisses et devenir même une source e de rentrée de devises à l’instar de l’expérience latino-américaine.
L’industrialisation clé du succès
La transition d’un pseudo-professionnalisme à professionnalisme aux standards internationaux passe par le traitement de la base de la pratique du football, car le renversement des priorités rendrait la réalisation des objectifs difficile sinon impossible. C’est pourquoi la gestion des catégories des jeunes, avec un savoir-faire usant des meilleures pédagogies et méthodologies, est inéluctable. Une approche privilégiant une prise en charge totale avec des prérequis bien définis.
Cette évolution est déjà dans le pipe de la FRMF qui prévoit le lancement d’une nouvelle approche d’académies de formes jeunes dès l’été prochain. Afin de mieux cerner ces nouveaux, il y lieu de contextualiser cette nouvelle approche. Le groupe OCP a commencé à travailler sur sur cette initiative avec comme objectif d’en faire profiter les clubs DHJ, OCK et OCS, de par leur parrainage historique. Suite à des dizaines de réunions avec la FRMF, la mouture du projet a pris forme avec une expérience pilote menée par le groupe OCP, dans la perspective de la généraliser de façon facultative à tous les clubs professionnels.
Rappelons que le groupe OCP a créé une société sportive, OCP Sport développement, depuis 2023 avec un président, un directoire et une structure organisationnelle digne des firmes internationales. Le groupe a mis à la disposition de cette société tous les moyens financiers lui permettant de réaliser ses objectifs dans les meilleures conditions. Ainsi, une enveloppe de 417 millions de dirhams, capital social et investissement sur les structures humaines et techniques, été allouée à cette étape pour les trois clubs précités. Un budget qui évolueraient en fonction de l’état d’avancement du projet pour lui assurer le succès escompté. Ce modèle consiste à une convention de partenariat par laquelle le club cède à la société la gestion totale, humaine, financière, technique et logistique, de ses catégories des jeunes. La société se charge donc de la formation des jeunes pour le club et met à sa disposition les talents qui intéresserait le club moyennant un montant forfaitaire symbolique de 300.000 dirhams avec rétrocession de 25% du transfert du joueur à un autre club. Précisons que le club aura la primauté sur les pépites qui lui paraîtraient intéressants, ce n’est qu’après son désintérêt que la société pourrait vendre son contrat aux autres clubs. Les transferts des jeunes joueurs étant la principale source financière de la société gestionnaire.
En d’autres termes, ces sociétés investissent sur l’avenir à moyen et long terme ce qui requiert une assise financière solide ce qui n’est pas permis à toutes les sociétés. C’est pourquoi il est primordial de voir s’impliquer à cette expérience des établissements publics, qui emboiterait le pas à OCP en s’investissant dans le service public et montrant ainsi la voie aux sociétés du privé dans le cadre de la RSE.
C’est le chemin le plus court à la réalisation d’une véritable révolution, dans le football des clubs nationaux, pilotée par la FRMF en compagnie de ses partenaires à condition de lui procurer toutes les circonstances de succès comme précités et pousser les clubs d’élite à adopter une gouvernance exemplaire afin d’éviter la création d’un décalage managérial entre la gestion des équipes A par les clubs et celle des catégories des jeunes par les sociétés gestionnaires.
Ce modèle permettra aux clubs marocains d’optimiser leurs dépenses en s’assurant des recrutements prometteurs à bas coûts au lieu des transferts des joueurs subsahariens et maghrébins, souvent avec un rendement médiocre et des coûts exorbitants ce qui pèse lourdement sur les budgets généraux et entraîne parfois contentieux financiers. Le top départ de ce projet est prévu pour le mois de juillet prochain afin d’être opérationnel au début de la saison 2024-2025. Un sérieux challenge en perspective.