LE PPS fête la journée internationale des droits de l’Homme
M’Barek TAFSI
A l’occasion de la journée internationale des droits de l’homme, fêtée chaque année le 10 décembre pour célébrer le jour où, en 1948, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Parti du Progrès et du Socialisme –Espace des cadres, Rabat- a organisé mardi 10 décembre au siège national du parti une conférence sous le thème : « questions de la liberté d’expression au Maroc d’aujourd’hui ».
Y ont participé la journaliste Hanane Bakour, directrice de publication de « la voix du Maroc », Me. Mohamed Chmaâou, vice-président de l’association Adala pour le droit à un procès équitable, Karim Tej, membre du BP du PPS et Mohamed Sektioui, représentant d’Amnesty International. Quant à la modération du débat, elle a été assurée par le journaliste et acteur associatif Abdellah Bouchtart.
Ouvrant les débats, A. Bouchtart a indiqué que le sujet revêt une grande importance, notant que la défense de la liberté d’expression est la défense du droit de tout un chacun d’exprimer son opinion, même quand elle ne fait pas plaisir à tout le monde. Et ceci fait partie, évidemment, de la vie démocratique.
Des progrès importants ont été réalisés au Maroc grâce aux sacrifices et aux luttes des générations précédentes, a-t-il dit, ajoutant qu’il importe aujourd’hui de poursuivre le combat pour davantage de liberté, de droits et de dignité.
Hanane Bakour : « le climat de peur pousse à l’autocensure »
La journaliste Hanane dont la condamnation à un mois de prison avec sursis, assorti d’une amende de 5.000 dirhams ainsi qu’à un dédommagement symbolique de 1 dirham en faveur du RNI (Rassemblement national des indépendants) a été confirmée, jeudi 5 décembre, par la Cour d’appel de Rabat, a indiqué que sa poursuite en vertu du code pénal pour avoir publié une information sur son facebook est « incompréhensible ». Elle est aussi insupportable, car c’est en application d’un article du code pénal que le juge a prononcé son verdict, sachant que ce code est promulgué non pas pour sanctionner les journalistes, mais des actes criminels qui tombent sous le coup de la justice pénale. Et pourtant le code de la presse est là depuis 2016 pour le traitement de tout ce qui concerne les journalistes et les médias, a-t-elle dit.
De ce fait, l’application d’un tel code fait régner un climat de peur chez les journalistes, qui pensent mille fois avant d’écrire quelque chose ou de le dire, a-t-elle dit.
Cette autocensure est de plus en plus présente dans le travail quotidien des journalistes, appelés plus que jamais à ne pas tout dire pour que leur entreprise ne soit pas privée du soutien public aux secteurs de la presse, de l’édition, de l’imprimerie et de la distribution et subir le même sort que celui des dizaines de titres disparus.
Après avoir rappelé qu’elle avait entamé sa carrière en tant que journaliste au début des années 2000, elle a indiqué que le secteur connaissait à l’époque une certaine ouverture qui s’était traduite par le développement d’une certaine presse indépendante, qui avait profité d’une plus grande liberté accordée au secteur. Oui, les poursuites judiciaires des journalistes en vertu du code pénal n’avaient jamais cessé, et certains d’entre eux ont été même condamnés à de lourdes peines et à des amendes invraisemblables qui avaient signé la faillite de leur entreprise.
Mais ce qui est grave aujourd’hui, c’est que les journalistes sont poursuivis actuellement non pas pour fautes professionnelles ou autres mais pour des actes qui n’ont rien à voir avec la presse.
Me. Chmaâou : « le recours au code pénal vise à empêcher la vérité d’éclater au grand jour »
Toujours sous le choc de la condamnation de la journaliste Hanane Bakour, Maitre Mohamed Chamaâou a indiqué que l’application des dispositions du code pénal au lieu du code de la presse pour des affaires dans lesquelles des journalistes sont impliqués n’a qu’un seul but, c’est celui d’empêcher la vérité d’éclater au grand jour. Alors que c’est en jouant pleinement son rôle que la presse libre est considérée comme un des piliers de tout système démocratique.
La liberté d’expression est le droit pour chacun de dire ou d’écrire ce qu’il pense, comme il est énoncé dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et d’autres instruments internationaux des droits de l’homme, ratifiés par le Maroc.
Au Maroc de nombreuses dispositions de la Constitution de 2011 consacrent la liberté d’expression et le droit d’accès à l’information dont l’article 28, qui stipule que « la liberté de la presse est garantie et ne peut être limitée par aucune forme de censure préalable. Tous ont le droit de s’exprimer et de diffuser librement, et dans les seules limites expressément prévues par la loi, les informations, les idées et les opinions».
C’est le cas aussi de l’article 25, selon lequel « sont garanties les libertés de pensée, d’opinion et d’expression sous toutes ses formes.
Sont garanties les libertés de création, de publication et d’exposition en matière littéraire et artistique et de recherche scientifique et technique ».
Me Chmaâou a également souligné qu’en dépit des apports qu’il comporte, le Code de la presse et de l’édition contient encore de nombreuses dispositions que les professionnels et les défenseurs des droits de l’homme considèrent restrictives pour la liberté de la presse et de l’édition.
Pour ce qui est de la pratique de la dernière décennie, elle révèle que la persécution des journalistes et des manifestations contre la normalisation des relations du Maroc avec un autre pays est toujours en vigueur en violation de toutes les dispositions légales précitées, a-t-il ajouté.
Les dernières grâces que SM le Roi a bien voulu accorder cette année à des journalistes, à l’occasion de la Fête du Trône, constitue une reconnaissance que ces arrestations ne devaient pas avoir lieu, a-t-il estimé.
Et pourtant, le président du RNI a engagé des poursuites judiciaires contre une journaliste qui a posté sur sa page facebook une information concernant non pas ce président mais un membre de son parti et ce en vertu du code pénal. Dans sa plainte, il réclame des sanctions pénales pour atteinte à la vie privée de ce membre de son parti.
Selon Chmaâou, le gouvernement actuel s’adonne à des pratiques attentatoires à la liberté de la presse et partant à la démocratie dans son ensemble. C’est ainsi qu’il utilise le soutien de l’Etat à la presse à d’autres fins que celui d’aider les entreprises de presse à renforcer leur situation financière et administrative. Et ce en versant directement aux journalistes leurs salaires, au lieu de l’entreprise qui les emploie.
En fait, ce soutien de l’Etat à la presse requiert pour sa bonne gestion la création d’un organisme spécial ou royal, loin du gouvernement. On ne doit pas l’utiliser pour verser uniquement aux journalistes leurs salaires, mais aider au renforcement et à la promotion de la profession et des entreprises, pour qu’elles puissent disposer de leur pleine autonomie financière, a-t-il expliqué.
Karim TEJ : « Une nouvelle dynamique est nécessaire pour sortir la presse du gouffre »
Prenant la parole, Karim Tej, membre du Bureau politique du PPS, a rappelé que le chantier des réformes du secteur de la presse écrite et audiovisuelle a été engagé suivant une vision stratégique globale visant à garantir la liberté de la presse pour le renforcement du processus démocratique dans le pays.
Cette réforme visait en premier lieu à soutenir les petites entreprises de presse pour qu’elles puissent travailler dans des conditions optimales et bénéficier du soutien public dans le cadre d’un contrat programme. C’est un soutien forfaitaire décidé en fonction des données de l’entreprise.
Mais on voulait en parallèle que ce soutien public aux entreprises médiatiques profite aux journalistes et à tous les travailleurs du secteur.
Dans le même temps, il a été question de doter le secteur médiatique d’un arsenal juridique cohérent pour qu’il puisse assurer son autorégulation et sa gestion, à travers l’adoption du Code de la presse.
Malheureusement, tout ce chantier ambitieux est tombé à l’eau après l’avoir vidé de sa substance, a-t-il dit, rappelant que ce projet participatif a été mis sur pied en application des résolutions des journées d’études de 2005, organisées avec la participation de tous les partenaires.
A présent, cet esprit participatif a cédé la place à des décisions unilatérales et à l’émergence d’une nouvelle élite corrompue pour normaliser avec la médiocrité et la banalité, a-t-il dit, rappelant que sans liberté de la presse, la démocratie n’est qu’une coquille vide.
Et Karim Tej d’appeler à une nouvelle dynamique pour redresser la situation et sortir la presse du gouffre où on l’a embourbée. La Commission provisoire pour la gestion des affaires du secteur de la presse et de l’édition, créée dans des conditions contestables, a été dotée de prérogatives disproportionnées et il est temps pour tous les acteurs d’assumer leurs responsabilités pour faire face à cette dérive, a-t-il dit.
Sektioui : « Amnesty International au service de la liberté de presse »
Empêché à la dernière minute de prendre part à ce débat, le représentant d’AI au Maroc Mohamed Sektioui a fait parvenir à la rencontre sa contribution, dont lecture a été donnée par Soumaya Hijji, membre du BP du PPS et coordinatrice de « l’espace des cadres de Rabat », cadre qui a la particularité d’être ouvert à tous ceux qui le désirent qu’ils soient ou non membres du parti.
Dans sa contribution, Sektioui a indiqué que quoique le secteur dispose depuis 2016 d’un nouveau Code, les autorités marocaines préfèrent l’utilisation du code pénal pour poursuivre les journalistes devant les tribunaux.
En principe, a-t-il rappelé, le code la presse doit garantir son autonomie vis-à-vis du code pénal et la liberté des journalistes dans l’exercice de leur fonction, ajoutant que le but recherché est de faire en sorte que les peines privatives de liberté soient éliminées et ne plus être appliquées que pour les cas d’extrême gravité.
Il a également rappelé les positions prises par son organisation pour dénoncer les procès des journalistes marocains, qui ont récemment bénéficié d’une grâce royale et de tous les bloggeurs et autres utilisations des réseaux sociaux. Et ce pour que la liberté de la presse soit assurée dans le pays, comme elle l’est dans les pays démocratiques.