Il semblerait que la consolidation du processus démocratique dans notre beau pays n’a pas les mêmes objectifs pour tous les acteurs du champ politique national.
Pour les uns, cela signifie une participation accrue de la population au système politique, un encadrement partisan tel que souligné par l’article 7 de la constitution adoptée en 2011, un renforcement des institutions sur la base de la participation, du pluralisme et de la bonne gouvernance et une diminution des inégalités sociales et spatiales à travers le royaume dans le cadre de la durabilité du développement.
Pour d’autres la finalité du processus démocratique dans son ensemble réside essentiellement dans la mise en œuvre de mesures, préconisées par ailleurs par la banque mondiale et consorts, pour répondre au mieux aux normes du marché néolibéral mondial. Ainsi en est-il de la bonne gouvernance des administrations publiques, de l’indépendance du pouvoir judiciaire, de la flexibilité du dirham …etc.
La gestion des crises qui se multiplient montre bien que le gouvernement s’inscrit dans la deuxième approche et ne cherche nullement, ni par son action ni par sa communication, à prendre en considération les aspirations légitimes de la population à vivre dans un environnement où la spéculation économique est absente, l’enrichissement illégal combattu et où la cohésion sociale se renforce à tout moment.
Les dernières déclarations du ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé des affaires générales et de la gouvernance en sont la preuve flagrante. Elles s’inscrivent dans la défense des intérêts liés à la libéralisation du marché et non pas dans la promotion de la régulation des prix et la préservation du pouvoir d’achat de la population.
Incapable de dire un mot sur la responsabilité sociale de l’entreprise qui licencie et ne respecte pas ses engagements envers ses fournisseurs, il se lamente sur le sort des petites gens pour assurer le plus grand profit à la multinationale.Au-delà de l’achat ou non de la marque incriminée, on peut se demander au nom de quoi et de qui le ministre délégué s’est mis à défendre la société multinationale qui se trouve gênée par ce zèle déplacé. Aucune préoccupation humaniste et aucune prise en considération de l’élément humain dans ses propos tenus sans vergogne.
Si la situation des petits agriculteurs intéressait vraiment le gouvernement, le ministre délégué et ses collègues auraient pu les aider à se libérer du joug dominateur de la multinationale et à s’organiser en coopératives dans le cadre de l’économie solidaire et sociale. A ce propos, faut-il rappeler l’histoire de la COPAG qui, depuis sa création en 1987, est arrivée à s’imposer sur le marché. A l’origine, ils étaient 21 agriculteurs …
L’argument sur la fuite des investissements ne tient pas. Dans son nuage, le gouvernement délire dans son isolement. Sinon, qu’il communique sur cette prétendue fuite des investissements. Par qui, combien, comment et à cause de quoi? La passivité du gouvernent devant la corruption et la prévarication et son incapacité à assurer l’application de la loi sur la concurrence et le déblocage du Conseil de la Concurrence lui font chercher des justifications qui n’ont aucune consistance.
Quoiqu’il en soit, le trouble du gouvernement est évident. Le ministre délégué s’organise, à lui seul entouré de quelques jeunes, une manifestation devant le parlement ! Il apparait donc que l’action du gouvernement et sa conception de la consolidation démocratique s’inscrivent bien dans le renforcement de l’ordre néolibéral au détriment des revendications et des aspirations légitimes du peuple marocain. Il contribue par cela à la faiblesse des partis politiques et à l’abjuration de l’acte politique lui-même par les masses populaires. Le marasme s’installe et les anticipations, par nature subjectives, ne semblent pas initier les ajustements nécessaires pour une nouveau souffle démocratique. Ni la majorité ne dépasse, en tant que telle, la déclaration des bonnes intentions; ni l’opposition n’est capable de mener une offensive pour prôner un changement de cap et se limite à des sorties oratoires individuelles sans lendemain.
Ainsi, depuis quelques temps, la transition au Maroc semble couvrir une transition économique néolibérale avec «moins d’état» sans «mieux d’état», des privatisations sans que la bourgeoisie nationale assume ce qui lui revient dans cette transformation du capital, un effort de croissance non productif d’emplois, un déficit des politiques publiques sociales et à défaut de régionalisation efficiente, des inégalités spatiales de plus en plus mal vécues.
L’Etat ne peut se suffire d’assurer ses fonctions régaliennes, il lui revient aussi de répondre aux besoins de la population dans la consolidation démocratique qui leur fait bénéficier des conditions d’une vie libre et digne. Pour cela il faudrait «marcher avec assurance et détermination, en quête d’autres acquis et de nouvelles prouesses».