A l’instar de nombre de villes du pays, le cinéma en tant que bâtiment, s’effrite par l’usure du temps, certes, mais aussi et surtout par l’abandon de l’homme. A Casa, on pouvait compter, il y a quelques années, plus de deux centaines de grands écrans, éparpillés sur l’ensemble des quartiers de la métropole.
A présent, il n’en reste en tout et pour tout, pas plus d’une vingtaine, concentrée au centre. A Agadir, le bilan est encore plus triste, à ce niveau. Sur trois édifices de cinéma qui faisaient rêver et séduire les anciennes générations, aucun d’eux n’en survivait. Ce sont plutôt de véritables vestiges qui suscitaient de fond en comble, l’émoi et la désolation. Salam, Sahara et Rialto, trois symboles historiques, gravés dans la mémoire collective, s’érigent en parfaite identité patrimoniale.
Aujourd’hui, c’est tout le plaisir de vivre des moments de charme dans les salles sombres qui s’effilochait, en nostalgie extrême. Au fil du temps, le cinéma n’est plus apparenté à la notion de bâtisse qui lui procurait convenance et sensualité.
On en consommait dans l’espace pluriel, sans réelle complicité métaphorique. Or, «quand on aime la vie, on va au cinéma» disait la fameuse litote qui faisait le tour de la planète, à l’époque du classique du cinéma universel. Chemin faisant, Agadir s’affligeait au vu de son patrimoine laissé pour compte, à la merci de la désuétude. Entre temps, les prédateurs du foncier sont toujours à l’affût pour transformer ces souvenirs vivant dans l’âme de toute une histoire en béton juteux. C’est le cas du cinéma Salam dont l’architecture et l’emplacement aiguisent férocement la voracité immobilière, sans grand succès fort heureusement.
Le tour du cinéma Sahara ne se fait pas attendre, puisqu’on croit bien savoir que des barons du bâtiment ne font que saliver follement, au regard de cette place de choix qu’il occupe, au cœur d’un quartier, en pleine renaissance. Pour les deux édifices en danger constant d’accaparement, la société civile se fait vivement entendre. Récemment encore, une pléiade d’intellectuels, de créateurs, d’acteurs associatifs, toutes sensibilités confondues, s’est donné rendez-vous, dans le quartier de Talborjt, lieu de naissance du cinéma Sahara et berceau du festival prometteur TalGuit’ar, pour signer une pétition adressée au maire de la ville.
Il s’agit, en fait, d’inciter le conseil communal à insérer cette doléance, dans l’ordre du jour de la prochaine session, afin de pouvoir procéder à l’acquisition de cette prestigieuse édification et en faire un site culturel public, accessible aux jeunes du quartier et de la société locale, en hommage aux empreintes indélébiles sur l’esprit et le cœur que son prédécesseur avait scellées, des décennies durant. Une louable initiative à saluer profondément, mais également à faire aboutir sa visée noble!