Au lendemain de leur rencontre de samedi, à Moscou, en marge d’une réunion de l’Organisation de Coopération de Shangaï; la plus importante depuis leur accrochage meurtrier de Juin dernier dans leur frontière himalayenne et qui s’est tenue juste après les incidents qui samedi 29 et lundi 31 Août, avaient opposés, dans la région du Ladakh, à l’est de l’Inde, les militaires des deux pays, les ministres indien et chinois de la Défense, Rajnath Singh et le général Wei Fenghe, se sont accusés mutuellement, via leurs communiqués respectifs, d’envenimer la situation.
En Juin dernier, le corps-à-corps meurtrier qui avait eu lieu entre les soldats des deux pays s’était soldé par la mort d’une vingtaine de personnes du côté indien et par un nombre inconnu de victimes dans les rangs chinois. Aussi, ces trois derniers mois, les deux pays les plus peuplés de la planète ont-ils dépêché, de part et d’autre de la frontière, plusieurs dizaines de milliers de soldats.
Pour la partie indienne, le grand nombre de militaires chinois déployés, le «comportement agressif» de Pékin et «sa tentative de modifier unilatéralement le statu quo» dans la région, constituent une violation des accords initialement conclus entre les deux pays voisins.
Rappelant, par ailleurs, qu’il «ne devrait y avoir aucun doute sur (sa) détermination à protéger sa souveraineté et son intégrité territoriale», l’Inde qui s’est retirée des manœuvres militaires organisées par l’Organisation de coopération de Shangaï pour que ses troupes ne soient pas aux côtés des forces chinoises et qui a gelé la participation des compagnies chinoises à des contrats d’infrastructures de téléphonie 5G, s’est dite prête, néanmoins, à résoudre, par le dialogue, le différend frontalier qui l’oppose à la Chine.
La partie chinoise, qui n’en demeure pas moins intransigeante, signale, de son côté, que «la cause et la vérité de la tension actuelle à la frontière entre la Chine et l’Inde sont très claires». Imputant «l’entière responsabilité» à l’Inde, elle appelle donc cette dernière à «renforcer son contrôle sur les forces frontalières (et) à s’abstenir de toutes actions qui pourraient provoquer une escalade (car) le territoire de la Chine ne peut pas être perdu».
Pour rappel, les contours de la ligne de contrôle séparant les deux pays aux confins de l’Himalaya dans cette zone stratégique pour l’Empire du milieu qui s’étend sur ces deux importantes provinces chinoises que sont le Tibet et le Xinjiang, avaient été définis lors du conflit frontalier qui avait opposé les deux pays en 1962 et à l’issue duquel l’Inde fut vaincue.
Or, après l’abrogation, par New Delhi, du statut d’autonomie du Jammu-et-Cachemire (Cachemire indien), encore revendiqué par le Pakistan, l’Inde, s’appuyant sur «diverses cartes britanniques» héritées de l’indépendance du pays en 1947, avait publié une nouvelle carte redéfinissant ces régions.
Ainsi, à en croire Jean-Luc Racine, directeur de recherche émérite au CNRS et chercheur au «think tank Asia», si «les chinois ont multiplié les infrastructures dans cette zone contestée, les indiens ont fait de même de leur côté de la ligne de contrôle, dans la région du Ladakh, pour renforcer leurs positions» et remis sur la table, au nom d’un nationalisme indien fortement exacerbé depuis la venue de Narendra Modi à la primature, les revendications territoriales de New Delhi qui ne reconnait, toujours pas, les occupations chinoises et pakistanaises du Cachemire.
Ce bruit de bottes que l’on entend, de part et d’autre de la frontière himalayenne séparant les deux pays les plus peuplés de la planète, va-t-il se transformer, à terme, en un bruit de canons ? Attendons pour voir.
Nabil El Bousaadi