Les palettes de Salé
Mohamed Nait Youssef
« Il y a dans la peinture quelque chose de plus, qui ne s’explique pas, qui est essentiel. », Auguste Renoir.
Né en 1949 à Taourirt, Alem Mohamed Ali est artiste peintre plasticien et professeur formateur au centre pédagogique régional des arts plastiques à Rabat. Enseignant théoricien à l’école nationale d’Architecture de Rabat de 1981 à nos jours.
Imprégné dans l’art, l’artiste a développé une passion pour le dessin depuis sa tendre enfance.
Cette passion l’a toujours guidé ! Aux villes de Oujda et Meknès où il a fait ses études primaires et secondaires, le peintre qui avait d’ailleurs une maîtrise, une sensibilité pour le croquis, a commencé à dessiner sur le papier canson. C’est ainsi que l’aventure a commencé…
«À la fin des années 60 et début des années 70, j’avais cet intérêt assez particulier pour la peinture. Je reproduisais des scènes de cow-boy, des motards, des voitures. J’avais un chevalet, et ma première reproduction était un Picasso.», nous révèle l’artiste. Et d’ajouter : «Je cherchais des moyens d’expression technique. À vrai dire, j’étais toujours parmi les premiers en matière de dessin.»
À Meknès, en 1969, l’artiste n’a pas rompu le lien avec le dessin. Son père, sensible à la peinture, a mis à sa disposition une chambre qu’il avait transformée en atelier.
Grand amoureux de la littérature, de la philosophie et des grands auteurs, l’artiste a fait des études de langues et civilisation françaises à la faculté des lettres de Rabat en 1972, avant d’intégrer par la suite le Centre Pédagogique Régional de Rabat (1973-75) où il a enseigné les arts plastiques.
«J’ai commencé par l’abstraction lyrique. Il s’agissait des formes organiques avec des contrastes de rigueur avec des éléments géométriques. En d’autres mots, je voulais me démarquer en créant mon œuvre en quête de ma propre empreinte.», a-t-il affirmé.
Par ailleurs, le parcours de l’artiste est marqué par des expériences ponctuelles comme le figuratif ; natures mortes, recherches de textures et de matière.
En outre, la formation au CPR à Rabat (section Arts Plastiques) lui a ouvert les fenêtres sur des horizons de la création. «Mon vocabulaire plastique s’est ainsi enrichi!», a-t-il dit.
La première exposition individuelle de Alem Mohamed Ali a eu lieu à l’école normale d’instituteurs à Meknès, en 1969.
«En 1969, au centre Claude Monet à Mohammedia, un groupe de jeunes venus des quatre coins du pays s’est réuni pour un mois de stage ponctué par des ateliers et des rencontres autour du cinéma, de l’art plastique, de la littérature, de la musique. Par la suite, on a profité d’un autre stage de deux mois en France.», a-t-il révélé.
Toutefois, ce voyage artistique instructif et enrichissant était une occasion idoine pour l’artiste afin de découvrir de nouveaux courants et techniques picturaux.
«En 1972, je m’essayais à l’école flamande. Mais, c’était un peu rapide. J’ai beaucoup appris de cette aventure riche en expériences.», poursuit-il.
Après les villes de Oujda et Meknès, l’artiste a exposé, en 1976, ses œuvres à la galerie de Bab Rouah dans le cadre d’une exposition collective. En 1983, il a investi les murs de la galerie la «découverte» pour une exposition individuelle ayant maqué son grand retour sur le devant de la scène artistique nationale.
«J’ai abordé le signe. Après je me suis orienté vers l’abstraction. En fait, il s’agissait d’une transition parce qu’il y avait des passerelles entre les mouvements. Par ailleurs, ma première exposition institutionnelle était à la galerie « Nadira», en 1983.
Après cette exposition individuelle, je suis passé au signe. Je savais qu’il y avait un substrat culturel qui émanait d’une mémoire, d’un Maroc profond. À l’époque, dit-il, j’ai essayé de reproduire ces signes, de les composer. Or, je transposais les éléments du signe que je retrouvais dans les tapis, dans le henné en détruisant le canevas libérant le signe, le faire mouvoir dans l’espace.
Et d’ajouter : «je travaillais le fond avec des couleurs qui donnent une visualité instantanée. J’y voyais un autre univers. En 1984, j’ai exposé individuellement à la galerie de Bab Rouah. En 1986, j’avais réuni un ensemble d’œuvres en vue d’une exposition à Washington dans un espace culturel, mais malheureusement cette exposition n’a pas abrité, les œuvres ont été perdues entre les aéroports…
La peinture est plus qu’un simple moyen d’expression. C’est une confirmation de soi dans le monde, de s’approprier l’espace, de le percevoir autrement par « nécessité intérieure ».
«On s’approprie le monde, on le reproduit. C’est une manière de confirmer l’être dans mon univers.», a-t-il indiqué.
Imprégné dans la culture française en s’inspirant des touches des ténors de la peinture tels que Auguste Renoir, Maurice de Vlaminck, Paul Cézanne ou encore Vincent van Gogh, les lectures, le référentiel intellectuel, les voyages et les sources d’inspiration multiples et variées de l’artiste ont certainement influencé ses choix esthétiques.
«Il y a une lecture personnelle préétablie qui émane d’une culture occidentale spécialement culture et civilisation françaises. Je connaissais cette culture à travers la littérature, l’histoire.», conclut-il.
Il est à rappeler que l’artiste a eu une formation universitaire solide en étudiant l’Esthétique et Sciences de l’Art, UER Saint Charles, Université de Paris I (3ème année de licence), en 1982.
Professeur formateur, section arts plastiques, au centre pédagogique régional de 1987 à 2005 à Rabat, Alem Mohamed Ali vit actuellement à Salé.