Maroc: le tourisme de montagne gelé par la pandémie

Dans les massifs enneigés du Moyen Atlas, la désertion des touristes étrangers liée à la pandémie de coronavirus laisse désolée et désoeuvrée la population locale qui tire l’essentiel de ses revenus du tourisme. Seuls les derniers singes magots du Maroc profitent de l’accalmie.

La fermeture des frontières, il y a plus d’un an en raison de la crise sanitaire, a bloqué la clientèle internationale traditionnellement attirée par la beauté des paysages. L’ambiance reste morose dans le massif montagneux qui s’étend sur quelque 350 km, du sud-ouest au nord-est du Maroc, malgré les importantes chutes de neige de ces dernières semaines.

Mais « qu’il y ait très peu de touristes est finalement une bonne chose pour les singes magots qui ont pu reprendre une vie plus saine » dans le parc national d’Ifrane (nord-est), se félicite Mustapha Oukannou, de l’ONG hollandaise AAP.

Beaucoup de visiteurs, en effet, nourrissent les primates sans écouter les conseils de ceux qui, comme lui, travaillent pour la protection de l’espèce en voie d’extinction.

Au coeur de l’immense forêt de cèdres située près d’Azrou, à proximité d’Ifrane, les guides équestres errent, désoeuvrés. Certains n’hésitent pas à cavaler seuls dans la cédraie en déclamant de la poésie amazighe pour tromper l’ennui.

« On a fait un bon démarrage, surtout auprès de visiteurs étrangers mais la pandémie a stoppé net notre activité », se désole Youssef Mouhyi, directeur de la « Maison de la cédraie », un écomusée ouvert en janvier 2020.

Les balades en groupe, les séminaires et autres rendez-vous collectifs sont tous à l’arrêt à cause des restrictions sanitaires. Moulay Abdellah Lahrizi, 55 ans, patron de l’auberge des Jardins d’Azrou, a perdu 70% de sa clientèle.

« L’afflux des étrangers était constant durant toute l’année (2020).

Aujourd’hui nous devons nous adapter à une clientèle locale », dit à l’AFP le Suisso-marocain revenu dans son pays natal pour se lancer dans le tourisme.

« La proximité avec des grandes villes et la situation épidémiologique de la région, où très peu de cas sont enregistrés, incitent les gens à venir. Mais on est loin du compte car l’afflux est épisodique », selon le propriétaire du gite niché à quelques kilomètres d’Ifrane.

Dans la cédraie d’Azrou, Rachid Hamidi, vendeur de pierres minérales est affalé sur une chaise en plastique devant sa petite échoppe.

« Les quelques touristes de passage prennent des photos et passent leur chemin. Il m’arrive de rentrer chez moi sans avoir rien vendu », rapporte, inquiet, cet homme de 34 ans.

A Ifrane, située à 1.800 mètres d’altitude et souvent surnommée « la petite Suisse » à cause de sa proximité avec un petit domaine comptant quelques pistes de ski, l’ambiance est tout autre le week-end.

« Avant la pandémie, je passais instinctivement mes vacances à l’étranger mais coronavirus oblige, j’ai décidé d’explorer la région », témoigne Ayman, 30 ans, interne en réanimation dans un hôpital à Rabat.

« Il y a beaucoup à voir au Maroc et en plus je contribue à faire tourner l’économie touristique du pays, durement touchée par la crise », ajoute-t-il.
Le petit marché d’Ifrane grouille ainsi de monde le week-end avec ses gargotes offrant des mets traditionnels et ses boutiques proposant des habits chauds aux passants transis par le froid.

Les restaurants, les cafés, les hôtels affichent presque tous complets. Un record de fréquentation a été enregistré début janvier avec un taux d’occupation de 95%, selon le département de tourisme.

Mais « c’est la seule destination au Maroc qui a réussi cet exploit en période de pandémie », souligne Mariem Ouadaani, directrice de la Délégation provinciale du tourisme d’Ifrane.

Surtout car l’accès n’a pas été interdit, contrairement à la station d’Oukeimeden -le domaine skiable le plus célèbre du pays, dans les hauteurs de Marrakech, qui est isolé depuis plusieurs semaines sur décision des autorités locales. L’afflux de fin de semaine ne sauvera pas pour autant la saison hivernale à Ifrane.

« En semaine, la ville est vide. C’est problématique car nos charges sont fixes mais nos recettes ne le sont pas », souligne le gérant du restaurant « L’empreinte ».

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