Nandi, la mère du « redoutable» Shaka Zulu

Au XIXe siècle, l’Afrique connut un grand roi, Shaka Zulu. Ses prouesses restèrent gravées dans les mémoires de l’Afrique. Mais derrière ce roi mémorable du  Zululand, dans l’actuelle Afrique du Sud, se cachait une femme symbole d’estime. Nandi, la mère du redoutable roi et guerrier, par sa détermination et sa patience, lutta contre les commerçants esclavagistes et enseigna à son fils à être un véritable guerrier. Pendant des années, malgré des obstacles pour faire valoir sa puissance dans le Zululand, elle se répéta jour et nuit : «mon fils sera un grand roi». Ce qui arriva en 1816 quand Shaka monta sur le trône et parvint à faire du Zululand, un royaume célèbre et puissant.

Nandi Bebhe, la mère de Shaka Zulu, née vers 1760, compte parmi les femmes africaines dont l’amour et l’influence ont marqué le destin d’un peuple, et même au-delà, ont marqué l’Histoire. Nous sommes au XVIIIe siècle, tout commence quand Senzangakona, alors prince des Zulus,  déjà marié à deux épouses, rencontre Nandi Bebhe, qui est la fille du défunt chef de la tribu des Elengani. Malgré qu’il soit déjà marié, certes sans enfants, il tente de séduire la jeune Nandi, très connue pour sa haute estime de soi, sa beauté, son élégance… Le prince des Zulus se lance le défi de s’unir à la jeune fille dont tout le monde parle dans la région. Quand il rencontre Nandi pour la première fois, à l’écoute de son nom prononcé par Senzangakona, Nandi feint de n’avoir rien entendu. Mais à l’insistance du prince, elle finit par relever la tête. Une union se tisse entre Nandi et le prince des Zulus. Lorsque Nandi tombe enceinte, les anciens et les conseillers de Senzangakona expliquent au prince la gravité de la situation qui se présente. Selon la tradition en vigueur dans le royaume et en tant que prince, il ne peut songer à épouser cette jeune femme comme troisième épouse. Même si ses premières épouses ne lui ont pas donné d’enfant, l’enfant de Nandi n’est rien qu’un bâtard, conçu hors du mariage. Encouragé par la nouvelle simultanée de la grossesse de l’une de ses femmes légitimes, Senzangakona coupe tout lien avec Nandi, l’abandonnant seule face à sa grossesse. Dans sa propre tribu, Nandi devient la risée de tout le monde, de par sa grossesse qui ne respecte par les mœurs de la région.

Malgré le mépris dont elle fait l’objet de tous les côtés, elle sera sauvée et retrouvera espoir grâce à une prêtresse, qui la recueillera et lui fera comprendre que sa grossesse n’a rien d’une calamité, mais que l’enfant qu’elle porte est celui d’une grande prophétie annoncée depuis les temps anciens. Selon cette prophétie, il était dit qu’un grand chef naitra du peuple zulu et révolutionnera toute la partie sud du continent africain. Elle lui apprend également qu’elle sera reine. C’est cette prophétie qui accompagnera Nandi tout au long de sa vie.

Elle finit par donner naissance à Shaka. Le père de son fils, le prince Senzangakona, fatiguée des rumeurs autour d’un fils illégitime et d’une femme abandonnée, se résout enfin d’épouser Nandi et de la prendre comme troisième épouse, malgré la tradition. Il l’accueille elle et son fils dans son Kraal. Nandi accepte la demande du prince. Mais elle fait quelque chose jamais arrivé auparavant, devant tout le peuple. Alors qu’il est question de décider du montant de la dot et du prix du rachat du fils illégitime, Nandi décide de le négocier elle-même à la grande stupéfaction de tout le peuple. Senzangakona, humilié publiquement par cette femme qu’il considère comme « effrontée », cède certes sur le champ tenant fièrement son fils dans les bras. Mais il prendra sa revanche plus tard. En tant que troisième épouse, Nandi souffrira le martyr. Elle enfantera une deuxième fois, une fille, mais sera maltraitée, humiliée lors des cérémonies publiques par son mari, au grand plaisir des deux autres épouses qui la haïssent. D’ailleurs, Senganzagona prendra une quatrième épouse en guise de représailles. Alors que son père maltraite et humilie sa mère, Shaka n’a que 6 ans, mais il affronte son père et menace de le tuer s’il ose s’en prendre à elle.

Nandi décide finalement de fuir avec ses enfants et de retourner dans sa tribu, les Elengani. L’accueil est tout sauf chaleureux, même si le chef de la tribu consent à la reprendre dans son clan. Nandi et ses enfants y sont l’objet de railleries, d’insultes, de coups bas, de tentatives d’assassinat…Quand Shaka est frappé un jour à mort par les jeunes de la tribu, pour Nandi, c’est la goutte qui a débordé le vase. Elle décide de quitter sa tribu pour un voyage incertain.  Lors de ce voyage long, sa mère meurt en chemin. Elle l’enterrera elle-même et poursuivra son chemin avec ses eux enfants, affamés et assoiffés. Elle est finalement recueillie avec ses enfants par Dingiswago, chef de la tribu des Mthetwa, qui autrefois avait voulu l’épouser, mais par orgueil, elle avait décliné l’offre. Si le temps était passé, l’amour de Dingiswago, ne s’était pas éteint. Il accueille à bras ouvert Nandi et ses enfants. Il parvient également à remarquer le caractère courageux et les capacités guerrières remarquables de Shaka. Il l’entraine dans son armée jusqu’à ce que la renommée du jeune homme rayonne partout. Quand cette renommée parvient aux oreilles de Senganzagona, celui-ci refusant qu’un étranger profite des capacités de son fils, décide d’aller lui-même récupérer son fils chez Dingiswago, mais sans Nandi.

Shaka accepte de retourner, mais ayant une stratégie en tête : améliorer sa connaissance sur le fonctionnement de l’armée zulu. Il parvient à ses fins. Il intègre l’armée de son père et après avoir fait preuve de grandes capacités, celui-ci lui en confie la direction. Shaka refuse le poste que lui propose son père, mais l’avertit qu’il se vengera de la souffrance et de l’humiliation qu’il a fait endurer à sa mère, qu’il reviendra prendre le trône de force, qu’il deviendra chef de l’armée et chef des Zulus. Shaka quitte le royaume. Quand il apprend la mort de son père et qu’à sa place c’est son demi-frère, fils de l’une des autres épouses de son père, qui règne, il met en place sa propre armée. Au cours d’une bataille extraordinaire avec l’armée des Zulus, il tue son frère et se fait couronner roi des Zulus.

Quand Shaka monte sur le trône, il donne le titre de « Reine mère » à Nandi, devant qui tout le monde se prosterne. Elle restera la conseillère de Shaka jusqu’à sa mort suite à la dysenterie en 1827. Selon le biographe Donald Morris, en l’honneur de sa mère, Shaka ordonna qu’aucune plante ne soit semée durant l’année ayant suivi son décès. Il avait également ordonné que toute femme qui tomberait enceinte l’année suivant le décès de sa mère soit tuée ainsi que son mari. Par ailleurs, au moins 7000 personnes qui étaient considérées comme n’étant pas suffisamment frappées et abattues par la mort de sa mère furent également exécutées. La tombe de Nandi, reine du Zululand, se trouve à Eshowe, en Afrique du Sud.

Shaka Zulu, un roi redoutable

Lorsque Shaka prend la tête du peuple Ngounis, il les renommera Amazoulou, ceux du ciel, nom qui deviendra par la suite «Zulu». Ces derniers ne possèdent pas plus de 100 000 km² de terre. Chaka, ambitieux et conquérant remodèle son peuple en une armée de métier constituant le pivot de la société, ce qui en bouleverse les structures traditionnelles.  Les régiments sont constitués d’un millier de soldats, hommes ou femmes, les femmes servant surtout à l’intendance. Chaka révolutionne ensuite la stratégie militaire de son armée. A cette époque, il est de coutume dans les guerres intra africaines de projeter sa lance, puis d’avancer ou de reculer selon la réaction de l’ennemi. Chaka considère cette stratégie comme inefficace, voire lâche. Il fait fabriquer des sagaies raccourcies à lame très large. La sagaie devient ainsi utilisable seulement en combat corps à corps et incite le guerrier à l’offensive permanente s’il ne veut pas être défavorisé par des adversaires portant des armes longues. L’armée de Chaka à son apogée comptera plus de 100 000 hommes. En 1820, quatre ans après le début de sa première campagne, Chaka avait conquis un territoire plus vaste que la France. En tant que chef charismatique, stratège et organisateur de génie, son action influença la vie et le destin de régions entières de l’Afrique australe.

Danielle Engolo

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