La CPI veut enquêter sur les crimes commis

Attendons pour voir…

en Cisjordanie et à Gaza

Si certains observateurs ne lui ont pas accordé une grande importance car venue 54 ans après le début de l’occupation, par Israël, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, nombreux sont ceux qui ont poussé un grand « ouf » de soulagement à l’annonce, le 3 mars dernier, par Fatou Bensouda, la procureure de la Cour Pénale Internationale, de l’ouverture d’une enquête pour les crimes commis, depuis 2014, par l’Etat hébreu, dans les territoires palestiniens occupés. Cette saisine qui, d’un point de vue purement juridique, n’est qu’une officialisation de pure forme, constitue, néanmoins, un véritable séisme du point de vue politique.

Pour rappel, dans un rapport publié en 2019, la magistrate gambienne prévoyait de se pencher sur trois sujets ; à savoir, celui afférent aux crimes présumés commis, dans la bande de Gaza, aussi bien par l’armée israélienne que par le Hamas, le dossier concernant la répression de la «marche du retour » de 2018 qui avait fait 200 morts et des milliers de blessés et, enfin, la question de la colonisation juive en Cisjordanie dès lors qu’il s’agit d’une violation de la Convention de Genève interdisant toute modification de la démographie d’un territoire occupé.  

Or, bien que ni les Etats-Unis, ni Israël ne reconnaissent la CPI et que l’Autorité palestinienne n’y a adhéré qu’en 2015 après avoir obtenu le statut d’observateur aux Nations-Unies, l’accueil que réservera, à cette enquête, le nouveau président américain, Joe Biden, constituera un marqueur de sa politique proche-orientale en ce moment où la normalisation des relations entre Israël et de nombreux pays arabes, négociée par son prédécesseur, risque fort de marginaliser la question du droit des Palestiniens à un Etat.

Aussi, en considérant que le système judiciaire israélien dénie aux palestiniens toute capacité à obtenir réparation puisque toutes leurs tentatives de défendre leurs droits soit pacifiquement par la négociation soit par les armes sont restées vaines, il est clair que le dossier ouvert par la CPI constitue une indéniable planche de salut pour l’Autorité palestinienne mais, également, un grand test de crédibilité pour le nouveau locataire de la Maison Blanche et toutes les chancelleries occidentales qui sont supposées défendre la « solution à deux Etats » mais qui répugnent encore à peser sur l’Etat hébreu pour qu’il mette fin à sa politique d’annexion et de fait accompli.

Mais en considérant que Joe Biden qui hésite encore à lever les sanctions infligées par Donald Trump à Fatou Bensouda ne semble être prêt ni à respecter l’indépendance de la CPI ni à restaurer la diplomatie « des valeurs » qu’il avait tant vanté, l’avocat britannique Karim Khan, appelé à succéder à la mi-juin, à Fatou Bensouda devra, impérativement, faire preuve de la même inflexibilité que cette dernière notamment en ce moment où l’idéal de justice universelle a bien du mal à relever la tête.

Enfin, la décision prise par la CPI et considérée par le Premier ministre Benjamin Netanyahou comme étant « anti-sémite » pourrait se révéler particulièrement  compliquée car pour recueillir les témoignages sur les crimes présumés, il faut entrer en Cisjordanie et qu’il  est pratiquement certain qu’Israël « n’autorisera pas les représentants de la CPI à entrer dans le pays » à telle enseigne que, comme l’a souligné le quotidien israélien « Ha’Aretz », cette enquête pourrait prendre « des années avant que des mandats d’arrêt ne soient émis ».

Est-ce à dire que tout ceci pourrait, en fin de compte, ne constituer qu’une tempête dans un verre d’eau ? Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

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