Si Dilma Roussef peut se réjouir de voir son tombeur, Eduardo Cunha, ex-Président de la Chambre des Députés, se faire arrêter par la police ce mercredi 19 Octobre 2016 à Brasilia pour de multiples accusations de corruption dans le cadre du scandale Petrobras et pour disposer d’un compte secret en Suisse, elle se doit aussi d’être très inquiète quant à l’avenir de son pays en voyant tomber, un à un, tous les grands industriels et grands noms de la politique que connaît le Brésil, tous éclaboussés, de près ou de loin et d’une manière ou d’une autre, par ce qu’il est convenu d’appeler «scandale Petrobras» impliquant ce géant pétrolier étatique et mis à jour dans le cadre de la tentaculaire enquête anti-corruption dite «Lava Jato».
Selon un porte-parole de la police ayant exécuté l’ordonnance de placement en détention préventive signée par le célèbre juge Sergio Moro, l’ancien Président de la Chambre des Députés sera transféré à Curitiba dans le sud du pays pour pouvoir rester à la disposition du juge Moro qui a demandé son incarcération «préventive et pour une durée illimitée» au motif que son maintien en liberté pourrait représenter un risque pour «l’instruction du procès…. ainsi qu’une possibilité concrète de fuite».
Tout puissant il y a quelques mois encore, l’ancien Président de l’Assemblée et député évangélique ultra-conservateur Eduardo Cunha qui avait été suspendu le 5 Mai dernier de ses fonctions de président de l’Assemblée par le Tribunal Suprême Fédéral pour avoir nié disposer d’un compte secret en Suisse alimenté par des pots-de-vin versés en marge de contrats signés avec Petrobras n’avait pas, pour autant, quitté le devant de la scène avant cette fatidique journée du 13 Septembre durant laquelle la majorité des députés lui a retiré l’immunité dont il se prévalait et qu’il opposait au juge Sergio Moro.
Le discrédit continue donc de frapper sans relâche l’élite politique et industrielle du Brésil, un pays empêtré dans une récession sans précédent car non seulement politique et morale mais aussi et surtout institutionnelle.
Le gouvernement du Président par intérim Michel Temer fait face à la colère grandissante d’une population qui ne comprend toujours pas que tous ses dirigeants puissent être corrompus; ce qui fait dire au politologue Carlos Melo, professeur à l’Institut d’Etudes Supérieures Insper à Sao Paulo, que si une purge est indispensable, celle-ci ne devrait pas concerner seulement des personnes mais, surtout, des pratiques alors que, de son coté, Roberto Dias, professeur de Droit Constitutionnel à la Fondation Getulio-Vargas à Sao Paulo estime – à juste titre d’ailleurs – qu’exercer le pouvoir au Brésil relève, désormais, de la prouesse acrobatique car sur les 35 partis impliqués dans le scandale Petrobras par le Tribunal Supérieur Electoral, 27 sont représentés à la Chambre des Députés et 17 au Sénat.
Cette fameuse opération anti-corruption dite «Lava Jato» aurait donc révélé qu’au Brésil la corruption ne serait pas inhérente à un parti ou à un autre mais que tout le système serait gangrené puisque plus d’un tiers des parlementaires font l’objet de poursuites ou d’investigations judiciaires et que même la probité de la Cour Suprême serait remise en question si l’on en croit le site «CongressoemFoco».
Ainsi, si une réforme politique s’avère urgente et indispensable, celle-ci est-elle faisable et par qui si l’on tient pour acquis que le Congrès actuel, fortement décrédibilisé, ne pourrait pas endosser cette tâche? Et l’écrivain et député du Parti Vert Fernando Gabeira de reconnaître que le système qui «doit imploser… ne pourra se reconstruire qu’avec les survivants». Reste, enfin, à savoir qui survivra à ce tsunami…
Nabil El Bousaadi