Elections présidentielles autrichiennes
Ce dimanche ce sont 6,4 millions d’électeurs autrichiens qui sont retournés aux urnes pour un second tour de l’élection présidentielle.
Prévisible selon certains, espérée par d’autres, la victoire de l’extrême-droite n’a pas eu lieu ce dimanche en Autriche où, à l’issue des élections qu’a connu le pays, il n’y aura pas de président populiste puisque c’est l’écologiste Alexander Van der Bellen qui a accédé à la magistrature suprême au détriment de Norbert Hofer représentant le parti d’extrême-droite.
Reconnaissant sa défaite ce dernier a, dès la proclamation des premiers résultats ce dimanche soir, déclaré sur Facebook : «Je suis infiniment triste que cela n’ait pas marché, je félicite Alexander Van der Bellen et j’appelle tous les autrichiens à rester solidaires et à travailler ensemble».
Et si, en Autriche, la fonction de Président de la République reste purement protocolaire, il ne faut oublier que le parti arrivé en tête préside l’Assemblée Nationale alors que les formations suivantes décrochent les deux vice-présidences. Or, l’élection d’un candidat d’extrême-droite à la tête d’un pays d’Europe aurait, tout de même, constitué une première. Raison pour laquelle se scrutin était suivi de très près aussi bien aux Pays Bas par le Parti pour la Liberté de Geert Wilder qu’en France par le Front National puisque dans ces deux pays se tiendront des élections présidentielles en 2017.
Le 22 mai dernier, les autrichiens étaient arrivés à un résultat presque similaire puisque le candidat écologiste l’avait remporté avec 50,3% des suffrages sur le candidat populiste en le dépassant de quelques 30.000 voix à peine. Or, à la suite d’un recours déposé par Norbert Hofer, la Cour Constitutionnelle avait invalidé ce scrutin le 1er Juin en invoquant un «vice de procédure lié au vote par correspondance».
Force est de constater, par ailleurs, que c’est la première fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale qu’un scrutin portera à la présidence de l’Autriche un candidat ne relevant ni du Parti Social-démocrate (SPÖ) ni du Parti Conservateur (ÖVP), deux grandes formations qui, cette fois-ci, ont été évincées, dès le premier tour.
Mais qui sont ces deux candidats ?
Norbert Hofer, 45 ans, représente le Parti de la Liberté (extrême-droite) qui a été fondé par d’anciens nazis en 1956 mais qui, au fil du temps, a quelque peu arrondi les angles pour ne point être taxé d’antisémite sans, pour autant, s’éloigner d’une ligne eurosceptique et anti-immigration et ce, tout en défendant l’emploi, le pouvoir d’achat et la souveraineté du pays bien malmenés, selon lui, par l’arrivée des réfugiés.
Et même si, durant sa campagne électorale, le candidat populiste, soucieux de voir l’Europe concéder moins de pouvoirs à Bruxelles, n’avait pas plaidé ouvertement pour une sortie de l’Autriche de l’Union Européenne sauf en cas d’acception de l’adhésion de la Turquie, il avait, toutefois, clairement affiché son hostilité à l’immigration musulmane et reproché à la chancelière allemande Angela Merkel d’avoir, en instaurant sa fameuse «politique d’accueil» en 2015, «fait rentrer des terroristes en Europe». Aussi, escomptait-il, en cas de victoire, organiser un référendum sur l’appartenance de l’Autriche à l’Union Européenne si la Turquie venait à en faire partie.
Alexander Van der Bellen est, quant à lui, un écologiste libéral âgé de 72 ans. Ancien professeur d’économie à la retraite et européen convaincu, ce dernier défend une économie libérale avec une plus grande ouverture vers l’étranger puisque plus de 40% du PIB dépend des exportations. Il prône, également, la mise en place d’une société multiculturelle à même de constituer un «rempart contre le populisme».
Il est à noter que, durant la campagne électorale, les deux candidats ne s’étaient pas fait de cadeaux. Ainsi, durant leur débat télévisé de jeudi dernier, les insultes avaient fusé des deux côtés. Le candidat d’extrême-droite avait prêté à son rival des accointances communistes et un passé d’espion à la solde des services secrets est-allemands alors que le vieil économiste a, pour sa part, reproché au candidat populiste le fait de « jouer avec le feu » en cherchant à faire sortir l’Autriche de l’Union Européenne ; ce à quoi, sans jamais se départir de son sourire, ce dernier l’a traité de « menteur » en lui rappelant qu’il n’envisageait ce référendum que dans le cas où la Turquie rejoint l’Union Européenne et en ajoutant qu’en agissant ainsi, il se rapprochera des dirigeants de la Russie et de l’Europe de l’Est hostiles à une politique migratoire tous azimuts.
Enfin, avec sa victoire en poche, le vieil économiste pragmatique, libéral et Européen convaincu qui a dirigé les Verts jusqu’en 2008, se trouve, désormais, obligé de se départir de sa sensibilité de départ et de donner des gages à la droite en défendant une «tolérance zéro » en matière de sécurité et une restriction de l’asile pour les « migrants économiques».
Nabil El Bousaadi