Des résultats au-delà de toutes espérances mais…

COP 21 : Un accord historique

C’est la voix enrouée et pleine d’émotion qu’à 19h 26 exactement (heure de Paris) et à l’issue de près de deux semaines d’intenses tractations menées par les délégations de 195 pays,que Laurent Fabius, Ministre Français des Affaires Etrangères et Président de la COP21, annonce au monde entier que les négociations menées au forceps depuis tant de jours et tant de nuits ont pu, enfin, donner naissance à un accord historique contraignant obligeant les Etats à tout mettre en oeuvre pour que le réchauffement climatique ne dépasse point 1,5°C, un seuil situé bien au-delà de leurs espérances initiales qui visaient à le contenir autour de 2°C.

Mais si l’euphorie semble de mise après que toutes les délégations présentes se soient levées pour l’applaudir et que l’accord consigné dans le document final des assises du Bourget a été dûment accepté par tous les intervenants, il n’est pas dit que, dans les faits, il sera rigoureusement appliqué. Comment et de quelle manière, en effet, les pays du Sud parviendront-ils à respecter leurs engagements ? Avec quels moyens ces pays orienteront-ils leurs efforts vers des énergies propres et délaisseront-ils les énergies fossiles ?

De grandes divergences sont donc apparues notamment sur l’aide à consentir aux pays du Sud afin de leur permettre de contrecarrer le changement climatique ainsi que sur le respect du principe de « différentiation » qui obligeraitles grandes puissances à payer encore plus cher cette reconversion eu égard à leur responsabilité historique dans les émissions de gaz à effet de serre.

«Vous ne pouvez pas demander au Lesotho d’avoir les mêmes obligations que la Pologne ou au Bostwana d’avoir les mêmes que celles des Etats-Unis…»asouligné la porte-parole du groupe des pays en voie de développement et ambassadricede la République Sud-Africaine.

Et si, par ailleurs, les pays du Sud voulaient que la somme annuelle de 100 milliards de dollars promise d’ici 2020 soit augmentée par la suite,les Etats « donateurs »ont appelé, pour leur part,à une participation financière des pays émergents producteurs de pétrole notamment.

Ainsi, bien que l’accord tant espéré soit là, certains pays ne l’ont accepté que très timidement…Il en va particulièrement de l’Arabie Saoudite et du Venezuela, gros producteurs de pétrole, pour lesquels cette transition énergétique risquerait de coûter très cher. D’ailleurs, Ryad, qui semblait discrète au tout début des négociations a, par la suite, essayé de contrecarrer toutes les propositionsen étant consciente du fait qu’un tel accord porterait un coup dûr à son économie et affecterait même la stabilité politique du pays. D’ailleurs, même s’il s’est déclaré favorable aux énergies renouvelables, le ministre saoudien du Pétrole n’a accepté l’accord que du bout des lèvres souhaitant que cette politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne discrimine aucune autre source d’énergie ; des propos qui laissent entendre « laissez le pétrole tranquille ».

Il en va de même du Venezuela qui, en tirant du pétrole la moitié de son P.I.B.,sait qu’il risquerait de payer très cher une reconversion pour laquelle il n’est ni réellement préparé ni suffisamment outillé.

Enfin, Raoni, cet indien du Brésil de 85 ans venu jusqu’au Bourget pour défendre la cause des indigènes de la forêt amazonienne et qui est resté très sceptique à la lecture du texte de l’accord,a fait part de sa tristesse au journal français Libération en ces termes : «Une fois encore, c’est beaucoup de négociations pour arriver uniquement à des promesses. Des solutions existent, mais les chefs d’Etat ne veulent pas les entendre. Avec d’autres chefs indigènes de tous les continents, nous avions transmis 17 propositions à Ban Ki-Moon, notamment la reconnaissance du crime d' »écocide » par la Cour pénale internationale, et la sanctuarisation de tous les territoires occupés par des populations autochtones autour de la planète, car ils sont le plus à même de protéger les forêts. Aucune de nos propositions n’a été reprise. Je suis très triste de voir que les chefs d’Etat sont restés dans leur bulle».

Nabil El Bousaadi

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