Les Londoniens votaient jeudi pour les élections municipales qui pourraient couronner le candidat travailliste Sadiq Khan, un musulman fils d’un chauffeur d’autobus pakistanais, parfaite illustration du cosmopolitisme de la capitale britannique.
Les sondages créditent M. Khan de plus de dix points d’avance sur son principal adversaire, le conservateur et fils de milliardaire Zac Goldsmith.
Si cette avance se concrétise dans les urnes, Sadiq Khan, 45 ans, député de Tooting, un quartier populaire du sud de Londres où il a grandi en cité HLM, succédera au charismatique Boris Johnson (parti conservateur) et deviendra le premier maire musulman d’une grande capitale occidentale.
Une religion que le camp adverse a tenté sans relâche d’instrumentaliser pour compenser son retard au cours d’une campagne âpre.
Zac Goldsmith, 41 ans, député du quartier résidentiel de Richmond, a notamment accusé l’ancien avocat des droits de l’Homme d’avoir fréquenté des extrémistes islamistes. Des attaques relayées par le Premier ministre David Cameron.
Le journal dominical et pro-conservateur Mail on Sunday est allé plus loin en titrant il y a quelques jours: « Jeudi, allons-nous vraiment donner la ville la plus fantastique au monde à un Parti travailliste qui pense que les terroristes sont ses amis? ». Une question illustrée de la photo d’un autobus éventré lors des attentats terroristes qui ont frappé la capitale britannique le 7 juillet 2005.
Dans une ville dont 30% de la population est non blanche et tient à sa réputation de tolérance, la stratégie pourrait cependant avoir l’effet inverse de celui souhaité, estiment les analystes.
Se disant « fier d’être musulman », M. Khan a souligné que sa confession n’était que l’une des composantes de sa personnalité. « Je suis londonien, je suis Britannique (…) j’ai des origines pakistanaises, je suis un père, un mari, un supporteur de Liverpool », a-t-il dit mercredi à l’AFP.
Jeudi, MM. Khan et Goldsmith ont voté tôt dans la matinée. Les bureaux de vote, ouverts à 06H00 GMT, fermeront à 21h00 GMT et les résultats ne seront pas connus avant vendredi après-midi.
Les deux candidats ont promis de répondre aux problèmes les plus criants de la capitale, dont la population a augmenté de 900.0000 habitants en huit ans pour atteindre 8,6 millions: logements inabordables, transports saturés et pollution.
Outre les Londoniens, les Écossais, les Gallois et les Irlandais du Nord votaient jeudi pour élire leurs nouveaux parlements régionaux, tandis que 124 conseils municipaux seront renouvelés en Angleterre.
Des scrutins qui s’annoncent mal pour les travaillistes, en pleine tempête depuis une semaine en raison des propos jugés antisémites de certains des membres du parti. Plusieurs responsables ont été suspendus du parti, dont une députée et l’ancien maire de Londres Ken Livingstone, un proche du chef du Labour Jeremy Corbyn.
Dans un violent accrochage au parlement mercredi, David Cameron a accusé M. Corbyn de ne pas se saisir du problème. « L’antisémitisme n’a pas sa place dans notre parti et dans notre société », lui a rétorqué M. Corbyn, qui joue peut-être son avenir.
L’élection de ce gauchiste en septembre n’a toujours pas été digérée par une fraction de l’appareil du parti, qui l’estime incapable de mener les travaillistes à la victoire aux élections législatives de 2020. S’il trébuche, ce sera l’occasion de réclamer sa tête.
Or en Écosse, l’un de ses anciens fiefs, où il a été laminé aux législatives de 2015, le Labour pourrait se retrouver dans la situation humiliante de se faire doubler par les conservateurs.
Le Parti national écossais (SNP, indépendantiste), qui gouverne cette région seul depuis 2011, espère, lui, conforter son emprise pour pouvoir réclamer un nouveau référendum sur l’indépendance, surtout si le Royaume-Uni vote pour sortir de l’Union européenne le 23 juin – ce que les Écossais ne veulent pas.
Au Pays de Galles, le Labour au pouvoir devrait perdre des sièges tandis que le parti europhobe Ukip pourrait glaner ses premiers galons dans une assemblée régionale.
En Irlande du Nord, où le pouvoir est partagé entre unionistes protestants et nationalistes catholiques, le Parti unioniste démocrate (DUP) devance le Sinn Fein dans les sondages.
(MAP)