«Déstabiliser l’action des organes gouvernementaux de la fédération de Russie» et «renverser par la violence l’ordre constitutionnel établi», tels sont les principaux griefs retenus contre le groupe «Set» («réseau» en russe), une organisation «terroriste» qui aurait été formée par une dizaine de jeunes russes avec en ligne de mire l’organisation d’attentats pendant le déroulement de la Coupe du monde de football 2018 et l’élection présidentielle ainsi que des attaques contre des bases militaires, des postes de police et des permanences du parti «Russie unie».
«Faux !» diront leurs proches, leurs avocats, des journalistes ainsi que des activistes de la société civile russe qui, après s’être penchés sur le dossier, ont conclu au «coup monté» car celui-ci reposerait entièrement sur des dépositions faites après la promesse d’une réduction de peine et sur la base d’aveux extorqués «sous la torture».
Cité par son avocat, Dimitri Pchelintsev, l’un des accusés, dira «Ils m’ont forcé à me déshabiller, ils ont accroché des fils électriques sur mes organes génitaux (…) ils m’ont dit ‘tu es le chef du groupe ? J’ai répondu ‘oui c’est moi le chef ’ pour qu’ils arrêtent les tortures».
Tous ses camarades raconteront, à peu près, la même chose : coups, chocs électriques voire même menaces de viol.
Les «preuves» rassemblées par les enquêteurs relèveraient d’une mauvaise farce selon la défense des accusés puisqu’elles consisteraient en un fusil de chasse trouvé dans le coffre d’une voiture ou encore d’un bocal de poudre à canon découvert dans le grenier du domicile de l’un des accusés. Plus ou moins liés à un mouvement de gauche anti-fasciste, les accusés ont pour point commun d’être amateurs d’Airsoft, un sport à thème militaire grandeur nature où les participants s’affrontent avec des armes à air comprimé, des «lanceurs» qui sont en fait des propulseurs de petites billes en plastique de 6 à 8 mm de diamètre pesant entre 0,12 et 0,58g. Mais, les enquêteurs du FSB – le tout puissant service de sécurité russe – ont vu dans ces réunions, des «entraînements visant à préparer la guérilla urbaine et le soulèvement armé » effectués par un groupe «terroriste» qui aurait des liens avec le groupe d’extrême-droite ukrainien Pravy Sektor et qui disposerait de cellules à Penza, Saint Petersbourg et Moscou.
Des raisons suffisantes pour que le juge du tribunal militaire de la région de Penza – une petite ville de province située à près de 600 km au sud-est de Moscou – prononce, ce lundi, des peines très dures à l’encontre des intéressés; à savoir, un emprisonnement de dix-huit années dans un «camp à régime sévère» pour le supposé meneur, entre neuf et seize ans pour les autres et, enfin, six ans pour le plus chanceux d’entre eux.
Il n’en fallait pas plus pour faire sortir de ses gonds la société civile russe qui a dénoncé un «procès stalinien» et ce, d’autant plus que les accusés n’ont personne pour les aider à se soustraire à cette «machine à broyer» qu’est la justice russe. Et même s’ils ont annoncé leur intention d’interjeter appel, rien n’indique qu’ils pourront bénéficier d’un verdict plus clément. Alors, attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi