Le dialogue inter religieux au Cameroun: un cas d’école

L’instant d’un Ramadan, nous avons voyagé au cœur du Cameroun. Dans ce dernier numéro de Carte Blanche, nous proposons un regard sur le dialogue inter religieux au Cameroun.

Dans un contexte mondial où la cohabitation entre différentes religions est minée par des conflits récurrents, le Cameroun fait cas d’école en matière de dialogue inter religieux et culturel. Chrétiens, musulmans, animistes y vivent pacifiquement depuis des décennies. Cette coexistence résiste au radicalisme et aux défis sécuritaires tels le terrorisme que vit le pays et qui est souvent mis maladroitement sous l’étiquette de l’«islam».

Au Cameroun, l’acceptation de l’autre est une pratique quotidienne, tant la population est diverse : religions, croyances, langues… Si au début du XIXe siècle, des frottements ont eu lieu entre les fractions musulmanes, animistes et chrétiennes, alors que les deux religions étrangères cherchaient à se répandre, depuis des décennies, chrétiens, musulmans et animistes vivent ensemble paisiblement au Cameroun. D’ailleurs, le pays figure parmi les Etats exemplaires en matière de dialogue inter religieux. En tant que pays laïc, le Cameroun est l’un des rares Etats où les fêtes du Ramadan, de l’Aïd el Kebir ou «tabaski» sont des jours fériés autant que Noël, Pâque et l’Assomption. Au quotidien, les populations des différentes communautés religieuses se côtoient et partagent les mêmes lieux : marchés, administration, écoles, lieux de travail…

Il est commun que les membres des différentes religions s’invitent réciproquement lors des fêtes religieuses comme la fin du Ramadan ou l’Aïd el-Fitr ou encore lors des célébrations des baptêmes, des communions dans la communauté chrétienne ou lors d’inaugurations de lieux de culte. D’ailleurs, dans le pays, les mariages sont courants entre les populations des deux obédiences religieuses.

Qui plus est, certains villages sont constitués d’habitants aux croyances religieuses bigarrées. A Moulvoudaye, petite localité du nord Cameroun, animistes, chrétiens, musulmans vivent ensemble au quotidien, en pratiquant des valeurs humaines comme la convivialité, la solidarité, la tolérance. Dans ce village, les enfants du village se côtoient au-delà de leur appartenance religieuse. Chaque soir est l’occasion pour eux de se retrouver autour d’un match de football, d’une tasse de thé et de discuter de leurs études, de leur avenir, de l’actualité. Lors des célébrations religieuses comme la pâque chez les chrétiens, le Ramadan chez les musulmans ou le «Feo gague» chez les animistes (Tupuri), c’est tout le village entier qui vit au rythme des festivités. «Nos parents, fiers de nos relations amicales, se côtoient au quotidien et s’entraident mutuellement», raconte Birwe Habmo, habitant du village sur son blog «arc-en-ciel». «Dans les lieux de rencontre comme les marchés, musulmans, chrétiens et animistes se respectent et dialoguent sans discrimination. Ici, le vivre ensemble implique le respect des différences, le respect de l’altérité», poursuit-il.

Si le Cameroun a toujours été un lieu de cohabitation et de coexistence de différentes religions, avec la montée du radicalisme dans le monde et le terrorisme, les responsables des différentes religions et les autorités du pays multiplient les efforts pour faire perdurer un climat de paix au sein de la population. Depuis 2013, date des premières incursions de Boko Haram, dans le nord du Cameroun, des rencontres sont organisées par les deux religions pour mieux se connaitre et cultiver la tolérance et la paix. Des colloques programmés à l’initiative des leaders religieux chrétiens et musulmans visent à dénoncer entre autres «l’utilisation blasphématoire du nom de Dieu dans certains prêches ou prédications pour introduire peur, division, méfiance et violence entre les communautés». Le colloque islamo-chrétien organisé en 2014 à la suite des incursions de Boko Haram au Cameroun, sous le thème «Chrétiens et Musulmans ensemble pour la Paix. Fruits, défis et perspectives du dialogue inter religieux dans l’Extrême-Nord» visait à «dénoncer la confusion entretenue par certains médias ayant des lectures simplistes de la question du terrorisme et cristallisant les tensions autour de la question religieuse».

Si les populations camerounaises aux croyances religieuses diverses cohabitent paisiblement depuis des décennies, le pays se veut également une terre d’accueil des étrangers. Depuis janvier 2014, ce sont 450 000 réfugiés centrafricains et nigérians qui sont installés dans les régions de l’Est, de l’Adamaoua et de l’extrême nord du Cameroun.

Danielle Engolo

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