L’ancien président soudanais Omar El Béchir, 76 ans, qui, à l’issue du coup d’Etat qu’il avait perpétré, en juin 1989, contre le gouvernement démocratiquement élu de Sadek al-Mahdi, avait dirigé le pays, d’une main de fer, pendant trois décennies, a comparu, ce mardi 21 juillet 2020, devant une cour spéciale composée de trois juges du tribunal de Khartoum.
Dans ce procès, inédit dans le monde arabe dans la mesure où c’est la première fois, dans l’histoire, que l’auteur d’un putsch réussi est appelé à répondre de ses actes devant la Justice de son pays, l’ancien homme fort du Soudan encourt la peine capitale.
Dix militaires et six civils, parmi lesquels ses deux anciens vice-présidents Ali Osman Taha et le général Bakri Hassan, ont donc pris place, ce mardi matin, dans le box des accusés aux côtés du président déchu.
Pour rappel, au petit matin du 30 juin 1989, un officier de l’armée soudanaise, le colonel El Béchir – devenu général par la suite – s’était emparé du pouvoir avec l’aide de quelques fidèles après avoir fermé l’aéroport de la capitale, suspendu le parlement et toutes les institutions du pays et procédé à l’arrestation des principaux dirigeants politiques.
Grace à l’appui et à l’influence de son mentor, Hassan Tourabi, qui dirigeait le Front islamique national, Omar El Béchir orientera le Soudan vers l’islamisme radical. Mais en étant formé d’une pléthore de tribus et divisé entre le Nord, majoritairement musulman, et le Sud où prédominent chrétiens et animistes, le pays est, rapidement, devenu la plaque tournante de l’internationale islamiste. Il accueillera même Oussama Ben Laden avant que ce dernier n’en soit expulsé en 1996 sous la pression de Washington.
Après cette parenthèse, Omar El Béchir tournera le dos à l’islamisme radical pour soigner son image et améliorer ses relations aussi bien avec ses adversaires qu’avec ses voisins.
Mais après avoir dirigé le pays d’une main de fer et écrasé impitoyablement toute contestation, cet autocrate corrompu, recherché par la Cour Pénale Internationale pour les «crimes de guerre», les «crimes contre l’humanité» et le «génocide» dont il s’était rendu coupable lors de cette «guerre du Darfour» (2003-2009) qui se solda par la mort de 300.000 personnes et le déplacement de 2,5 millions d’habitants, Omar El Béchir a été renversé et arrêté le 11 avril 2019, par les siens, sous la pression de la rue, après une fronde populaire qui aura duré près de quatre mois.
Incarcéré dans la prison de Kober à Khartoum où il avait coutume d’enfermer tous ses opposants, il en est sorti ce mardi matin pour rejoindre le tribunal de la capitale où se déroule son procès et celui de ses seize co-accusés en ce moment même où le gouvernement de transition, qui a pris les rênes du pays après son éviction, s’est attaché à mettre en œuvre toute une série de réformes «démocratiques».
Qu’adviendra-t-il, alors, à celui qui, pendant toute une décennie, aura nargué l’opinion internationale en paradant à l’étranger malgré les deux mandats d’arrêt émis à son encontre par la Cour Pénale Internationale pour «crimes de guerre», «crimes contre l’humanité» et «génocide» ?
Qu’adviendra-t-il, alors, à celui qui, encore sûr de lui, quelques jours à peine avant sa destitution, haranguait les manifestants en tenue safari et en faisant tournoyer sa canne au-dessus de sa tête ?
Echappera-t-il à la peine capitale ?
Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi