Affaire de la Stevia

Les amérindiens dénoncent une piraterie bioalimentaire à grande échelle…

Mercredi dernier, 16 Novembre 2016, une campagne de sensibilisation ayant pour mot d’ordre «Share Stevia» (Partageons la Stevia) a été lancée par la Fondation France Libertés et les ONG suisses Public Eye et Pro Stevia Schweiz après qu’une pétition internationale ayant recueilli plus de 200.000 signatures ait sommé les grands groupes industriels américains tels Cargill, Coca-Cola et Pepsi Co, tout autant que des géants français comme Auchan, Carrefour, Casino et tant d’autres encore qui «profitent du savoir des Guaranis», de respecter les droits de ces derniers.

Mais qu’est-ce que la Stévia ? Qui sont les Guaranis et pourquoi un tel branle-bas de combat ?

Marion Weber, chargé de la mission «Droit des peuples autochtones» auprès de France Libertés, considère, à ce titre, que «Les Guaranis sont purement et simplement dépossédés car l’utilisation par l’industrie agroalimentaire de la stévia lui rapporte des milliards de dollars alors qu’elle est le fruit d’un détournement du savoir ancestral de ces peuples qui ne reçoivent aucun des bénéfices liés à la valorisation de cette ressource».

Les Guaranis sont un groupe de populations amérindiennes des régions amazoniennes du Brésil, d’Argentine, de Bolivie et du Paraguay qui, depuis plusieurs siècles déjà, connaissent les propriétés naturelles de cette plante et notamment son pouvoir sucrant qui bien qu’étant «jusqu’à 300 fois plus intense que le saccharose» n’apporte aucune calorie.

La stévia, dont l’utilisation a été autorisée aux Etats-Unis à partir de 2008 et en Europe en 2010, et qui est présente sous forme de «glycoside de steviol» aussi bien dans les céréales (corn-flakes) que dans les chocolats et autres confiseries (les sodas, les yaourts et dans tant d’autres produits qu’il serait trop fastidieux d’énumérer ici), recouvre près d’un tiers du marché mondial des édulcorants. Alternative à l’aspartame, de plus en plus décrié et dont l’utilisation est de plus en plus dénoncée, la stévia a été, depuis 2010, autorisée comme édulcorant sur le marché français.

Cette plante pousse à l’état sauvage dans le climat semi-aride des prairies et des massifs montagneux de l’Amérique du Sud. Sa faible teneur en glucide que les amérindiens connaissent depuis très longtemps, puisqu’ils s’en servent dans leur alimentation quotidienne et pour adoucir leur maté, vient d’être découverte par la grande industrie alimentaire en tant que substitut au saccharose. Son effet insignifiant sur le taux de glucose dans le sang érige au rang d’édulcorant particulièrement bénéfique pour les diabétiques et fortement recommandé lors des régimes hypoglycémiques.

Mais s’ils se réjouissent du fait que les propriétés de « leur plante fétiche » soient reconnues dans le monde entier, les amérindiens considèrent, néanmoins, que son utilisation industrielle et sa commercialisation à grande échelle par les géants de l’industrie agro-alimentaire et de la grande distribution est «un cas flagrant de biopiraterie».

Considérant que leurs connaissances traditionnelles ont été «piratées» et usurpées par ces grandes enseignes à des fins commerciales, les Guaranis qui se réfèrent, désormais, à un rapport intitulé «Stévia, une douceur au goût amer», élaboré en Novembre 2015 par des ONG et des universitaires, se sont réunis en Juillet dernier au Paraguay afin de constituer une «assemblée permanente» qui les représentera et décidera de la stratégie à adopter pour leur permettre de réclamer et, surtout, de récupérer leur «part du gâteau». Y parviendront-ils ? Rien n’est moins sûr; mais l’espoir reste de mise, toutefois, puisqu’ils ne sont pas seuls dans le bras-de-fer qui les oppose, désormais, aux géants de la grande industrie bioalimentaire et de la grande distribution.

Nabil El Bousaadi

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