Etats-Unis d’Amérique
Les responsables politiques américains tentaient dimanche d’éviter des expulsions massives de plusieurs millions d’Américains en difficulté financière, après l’expiration d’un moratoire qui les protégeait.
« Nous risquons d’être expulsés », ont confié Samantha Pate et Andrew Martinez, habitants d’Aurora, dans l’Etat du Colorado, à la chaîne de télévision KDVR. Le couple, avec deux enfants, compte s’installer de manière provisoire sur un terrain qu’ils possèdent. La famille s’attend à « vivre dans des tentes avec un poêle à bois pour l’hiver », explique Andrew Martinez.
Plus de 10 millions de personnes aux Etats-Unis sont en retard sur le paiement de leur loyer, a calculé le CBPP, un institut de recherche indépendant. Et quelque 3,6 millions de locataires estiment qu’ils risquent de se faire expulser dans les deux mois, selon une étude du bureau des statistiques réalisée début juillet auprès de 51 millions de locataires.
C’est samedi à minuit qu’a expiré une trêve des expulsions, décidée il y a près d’un an pour des raisons sanitaires liées à la pandémie de Covid-19, et plusieurs fois renouvelée.
La Maison Blanche avait pris les parlementaires de court jeudi, en assurant que les autorités sanitaires ne pouvaient plus, pour des raisons juridiques, prolonger encore ce moratoire, et en leur demandant de légiférer en urgence. Ce que les élus ne sont pas parvenus à faire avant que la Chambre des représentants ne cesse ses travaux pour la pause estivale.
Le blocage a suscité dimanche de nombreuses critiques dans les rangs de responsables démocrates. La patronne de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, et plusieurs autres leaders démocrates ont appelé le président Joe Biden à prolonger le moratoire: il s’agit d’un « impératif moral » pour empêcher les gens de se retrouver à la rue, ont-ils déclaré dans un communiqué commun.
La députée démocrate Alexandria Ocasio-Cortez a, de son côté, reproché à l’administration Biden d’avoir attendu le dernier moment pour demander au Congrès d’agir, insistant sur l’injustice qu’il y aurait selon elle à expulser des locataires alors que plusieurs milliards de dollars d’aides destinées à régler au moins en partie le problème des loyers impayés n’ont pas été dépensés.
« Nous ne pouvons pas expulser des gens de leur maison quand notre part du contrat n’a pas été remplie », a-t-elle fustigé sur CNN.
Plus tôt, Nancy Pelosi avait expliqué que face aux difficultés de légiférer dans l’urgence sur le moratoire, certains démocrates « ont décidé de se concentrer plutôt sur la manière de faire parvenir aux locataires et propriétaires l’argent » prévu dans les mesures prises en réponse à la pandémie au tout début du mandat Biden.
Il s’agit d’une enveloppe de 46 milliards de dollars, destinée à régler au moins en partie le problème des loyers impayés, mais dont la distribution s’avère très laborieuse, pour des raisons de bureaucratie notamment. Ainsi, sur les 46 milliards de dollars prévus par le gouvernement, dont 25 milliards déboursés début février, 3 milliards seulement sont arrivés à destination.
Une poignée de parlementaires démocrates de la frange la plus à gauche du parti continuaient également dimanche à plaider pour un rappel à Washington des membres de la Chambre des représentants.
« Nous voulons que la Chambre des représentants se réunisse, le Sénat peut intervenir aussi, le Président pourrait prendre un décret, il faut faire tout ce qui est possible », a déclaré dimanche matin à l’AFP le membre de la Chambre des représentants Jamaal Bowman, élu de New York venu sur les marches du Capitole pour soutenir un petit groupe de jeunes activistes qui y ont passé la nuit. « Expulser des gens, ou rendre leur expulsion possible en temps de pandémie est inhumain ».
L’élu n’est pas tendre pour ses collègues démocrates, majoritaires à la Chambre des représentants: « Nous autres parlementaires, nous sommes prompts à défendre Wall Street, à défendre les grandes entreprises, à prendre des décisions qui permettent à Jeff Bezos et Richard Branson d’aller dans l’espace ».
Le redémarrage de l’économie américaine, qui ne profite pas à tous les foyers de la même façon, fait grimper les loyers. Selon le dernier pointage réalisé par le site spécialisé Realtor, entre juin 2020 et juin 2021 le loyer médian aux Etats-Unis a grimpé de 8,1%.