Toutes les vies sont-elles belles ? Celle du réalisateur Ahmed Boulane l’est. L’auteur vient de révéler son récit de vie à travers l’ouvrage «Ma vie est belle» paru en février 2019 chez Orion Editions.
C’est une histoire dans des histoires, une vie dans des vies. L’image cinématographique à l’écriture, la force du verbe et l’expression sincère ouvrent le texte sur d’autres champs d’interprétations, de lectures… et de voyage littéraire. Dans ce livre, Boulane relate sa vie, ses angoisses, son vécu, ses déboires, ses défaites, mais aussi ses gloires.
Les images lui reviennent chaque fois à la tête ! Et puis, les mots sont toujours là pour rafraichir la mémoire et renouer nostalgiquement le lien avec le passé. D’où la magie et la force de l’écriture spontanée et libératrice. Par le biais des mots, il remonte le temps et nous livre à cœur ouvert ses confessions et ses aveux. Seule l’écriture peut tout dire, extérioriser sans entrave.
Ainsi, c’est l’histoire de son enfance, de son adolescence… et de son regard intelligent à la fois tendre, cru et poignant qu’on peut lire entre les lignes, derrière la peau solide de son style.
Dans «Ma vie est belle», l’auteur partage avec son lecteur les moments forts ayant marqué sa vie en commençant d’abord avec son premier anniversaire célébré en Italie à l’âge de 24 ans. Dans l’écriture, il y a l’empreinte de Boulane, l’homme, le réalisateur et l’auteur. Son souffle plein d’humour est omniprésent dans le texte. Mais, dans le latent, il y a une expérience de vie et tout un esprit d’une époque.
Les commencements ne sont pas toujours beaux ! L’auteur entame sa quête de soi avec un rapport à la fois existentiel et « conflictuel » avec sa date de naissance, une espèce de déterminisme qu’il essaie d’affronter et de comprendre. D’ailleurs, c’est tout une période transitoire dans l’histoire du pays qui a été incarnée dans ce sens. Mais, il y a toujours de l’espoir dans le regard projeté vers l’avenir.
On ne se lasse pas en lisant le livre de Boulane. Son amour pour l’une des belles et anciennes villes côtières du Maroc, Salé. «De mémoires d’homme, mes premières cinq années n’étaient que du bonheur dans cette petite ville, propre et blanche, où même l’étroitesse des ruelles n’empêchait pas la lumière d’entrer et d’y retrouver la verdure », écrit-il en remontant le temps en arrière et nous laisse imaginer la beauté de cette ville lumineuse qui le fascine.
C’est là où il vit le jour, où il fit ses premiers cours à l’école coranique de son quartier. L’auteur ne mâche pas ses mots en révélant son avis sur l’éducation de l’époque. Une éducation qui était, selon lui, classique. «(…) J’étais le garçon le plus maltraité de tout le m’sid. J’ai détesté cet endroit, et je rêvais d’aller dans une vraie école, avec une salle de classe, des tables, des chaises et d’une Française comme maîtresse», confie-t-il. «L’arabisation précipitée de toutes les matières a affecté sérieusement la qualité de l’enseignement dans le public, nous laissant, nous autres pauvres, sur le carreau.
Les gosses de riches, par contre, ont continué-et à ce jour- à fréquenter, les missions françaises et leurs familles les envoyaient ensuite en France pour former les futures élites de ce pays», ajoute-t-il à la page 53. Au fil des pages, l’auteur propose au lecteur une balade dans la ville et ses lieux emblématiques (Souk Lékbir, le hammam du quartier et fameux cinéma Malaki où il développa une passion pour le 7e art en compagnie de son père avec lequel il entretenait une relation très particulière
Dans le livre, il n’a pas manqué de s’arrêter sur certains événements ayant marqué le pays, notamment au début des années 60. Le livre est illustré avec des photos de famille, de classe, de sa ville natale ou encore celles de son voyage, de ses voyages dans les années 70. Boulane avait un attachement à l’espace, à l’âme de la ville. D’abord, à Casablanca où il s’est déplacé pour la première fois pour acheter un bon luth. Une ville qui était, selon lui, moderne et agréable.
À Paris, Amsterdam, Rome puis Tanger… l’auteur raconte ses aventures amoureuses, ses amitiés, ses rencontres et les personnalités ayant marqué sa vie. L’écriture d’Ahmed Boulane porte le parfum d’une plume originelle, sincère, blanche et limpide. L’humain demeure dans le style…et seuls l’écriture et l’art rendent la vie belle!
Mohamed Nait Youssef