Après un long passé de lutte contre la dictature – de père en fille pourrait-on dire – que penser aujourd’hui, une année après la victoire de son parti aux élections de Novembre 2015, du mutisme affiché devant les violations des droits de l’Homme en Birmanie par Aung San Suu Kyi dont le Prix Nobel de la Paix avait consacré, en 1991, le courage et la détermination ?
Le pouvoir et ce qu’il est convenu d’appeler «realpolitik», auront-ils eu raison d’elle au point d’écorner l’image que son long passé de lutte contre la dictature avait offert au monde ?
Parviendra-t-elle à entreprendre les réformes nécessaires à la démocratisation du pays sans heurter la toute-puissante armée ? Rien n’est moins sûr et ce, d’autant plus que les militaires et la police livrent, sans relâche, une répression féroce contre la minorité musulmane des Rohingya, que le nord du pays est toujours à feu et à sang et que des membres du parti de la «Dame de Rangoon» sont poursuivis voire même emprisonnés pour avoir critiqué l’armée.
Comprenant entre 800.000 et 1.300.000 personnes, la population Rohingya que le gouvernement birman appelle «bengali» est victime d’une flagrante ségrégation de la part de la majorité bouddhiste à telle enseigne que ses membres sont ravalés au rang d’apatrides qui, à ce titre, n’ont même pas le droit de vote.
Ainsi, comme on le voit, une année après l’écrasante victoire du parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue Nationale pour la Démocratie, le bilan du «premier gouvernement birman démocratiquement élu depuis plus d’un demi-siècle» est très mitigé notamment sur le plan démocratique.
Devenue Ministre des Affaires Etrangères et Conseillère d’Etat, l’ «Antigone de Rangoon», comme l’appellent certains, qui dirige le gouvernement birman puisqu’elle n’a pas pu accéder à la magistrature suprême dans la mesure où elle en a été écartée par la Constitution du pays du fait que ses deux enfants sont étrangers (britanniques), est violemment critiquée à l’étranger pour son silence sur le sort des Rohingya que la police traque sans relâche et qui craignent une réédition des tristes événements de 2012 qui s’étaient soldés par la mort de 200 d’entre eux et qui avaient poussé près de 140.000 autres à quitter leurs villages et à vivre, encore aujourd’hui, dans des camps pour déplacés.
Ainsi, Aung San Suu Kyi n’est toujours pas parvenue conférer à cette minorité les droits élémentaires que la population locale leur refuse. Reconnaissant son impuissance elle s’était même adressée à l’ancien Secrétaire Général de l’O.N.U. Kofi Annan pour solliciter son aide mais dès sa descente d’avion celui-ci avait été accueilli par une foule de manifestants en colère qui ne lui facilitèrent pas la tâche.
Que dire pour terminer sinon que le sort réservé aux Rohingya restera toujours un point noir dans le parcours de celle sur laquelle le monde entier avait fondé l’espoir de voir la Birmanie accéder au rang de nation démocratique.
Nabil El Bousaadi