Avec la mort de Fidel Castro, la révolution cubaine perd son père…

«Le commandant en chef de la révolution cubaine est décédé à 22 heures 29». C’est en ces termes que le Président Cubain Raul Castro a annoncé ce vendredi soir, à la télévision nationale, le décès de Fidel Castro; une disparition qui n’a pas réellement surpris une communauté internationale qui s’y attendait puisqu’elle n’était pas sans savoir que le «Lidermaximo» se trouvait, depuis quelques temps déjà, non loin de «la porte de sortie» du fait de ses 90 ans et d’une santé déclinante.

Ainsi, conformément à la volonté exprimée par le défunt, sa dépouille a été incinérée aux premières lueurs de l’aube de ce samedi 26 Novembre 2016 après que les autorités cubaines aient décrété neuf jours de deuil et fixé au 4 Décembre prochain la date des funérailles officielles du «Comandante» qui auront lieu à Santiago de Cuba et, au cours desquelles, une procession avec les cendres de l’illustre disparu traversera le pays pendant quatre jours.

Mais qui était donc que ce personnage dont la mort, aussi bien que la vie, ne laisse personne indifférent, fut-il ami ou ennemi ?

Dès l’annonce de sa disparition, Gorbatchev, le dernier dirigeant de l’Union Soviétique dira de lui : «Fidel Castro a résisté et fortifié son pays au cours du blocus américain le plus dur, quand il y avait une pression monumentale sur lui et il a pu mener son pays sur la voie du développement indépendant. Il restera un grand homme politique qui a laissé une profonde empreinte dans l’histoire de l’humanité» alors que, de son côté, le Président russe Vladimir Poutine le présente comme étant «un homme d’Etat émérite et un ami sincère et fiable de la Russie».

Pour le Président Xi Jinping, Fidel Castro était «un camarade du peuple chinois, bon et sincère… qui vivra éternellement … qui admirait le Président Mao Tsé-Toung et qui regrettait de n’avoir pas pu le connaître».

L’agence de presse officielle du Viet Nam a, quant à elle, salué «un grand dirigeant et le brillant miroir des mouvements d’indépendance et révolutionnaires d’Amérique Latine et du monde» et fait part de l’engagement du peuple vietnamien à «maintenir l’amitié bilatérale et la solidarité bâtie par le président Ho Chi Minh et le dirigeant Fidel Castro».

La position de François Hollande est, quant à elle, quelque peu nuancée car si le président français a reconnu que le disparu « avait incarné la révolution cubaine dans les espoirs qu’elle avait suscité et su représenter, pour les cubains, la fierté du rejet de la domination extérieure», il a déploré, toutefois, «les désillusions que (cette même révolution) avait provoquées».

Et si, de son côté, Barack Obama a salué la mémoire de Fidel Castro, son successeur Donald Trump a, quant à lui, violemment vilipendé le gouvernement de La Havane et traité l’ancien dirigeant cubain de «dictateur» pendant qu’à Miami sa disparition avait été accueillie par près d’un millier d’exilés cubains en liesse scandant «Cuba libre… Cuba libre… Libertad… Libertad» alors que le champagne coulait à flots.

Mais au lieu de nous pencher, plus que d’ordinaire, sur le personnage, sur ce qu’il fut, ce qu’il a fait et la manière avec laquelle il est parvenu au pouvoir – ce à quoi les médias du monde entier réserveront, sans nul doute, des pages entières et de nombreuses heures de diffusion – arrêtons-nous quelques instants sur les multiples tentatives d’assassinat dont il a été la cible durant sa longue carrière.

La Commission Church, ancêtre du United States Senate Select Commitee on Intelligence, comité créé, après le scandale du Watergate, à l’effet  de superviser et de contrôler le fonctionnement et les actions des différents services du renseignement et de la sécurité US, a recensé «au moins huit projets d’assassinat» perpétrés tant par des sécuritaires américains, que par des membres de la pègre de Las Vegas ou, encore, par des opposants cubains réfugiés en Floride aux U.S.A.

Or, si en 1975, Fidel Castro avait lui-même remis au Sénateur McGovern un document dénombrant 24 tentatives d’assassinat perpétrées, à son encontre, par la C.I.A., il serait intéressant de noter que, dans un documentaire daté de 2006 diffusé par la chaîne britannique Channel 4, des anticastristes avaient recensé 638 projets d’attentats tous restés sans effet bien que leurs « auteurs », redoublant toujours d’ingéniosité, aient très souvent eu recours à des moyens dignes des meilleurs romans d’espionnage allant des fusils hyper sophistiqués à des pilules contaminées en passant par des combinaisons de plongée, des stylos ou même des cigares empoisonnés.

Mais il serait, également, intéressant de relever qu’outre le fait de chercher à l’éliminer, la CIA avait aussi tenté de le discréditer en utilisant des moyens souvent rocambolesques comme disperser un produit chimique aux effets identiques à ceux du LSD dans un studio de télévision où le dirigeant Cubain devait enregistrer un discours, en saupoudrer ses chaussures ou ses cigares ou encore utiliser une substance dépilatoire pour s’attaquer à sa barbe comme le fit Dalila pour les cheveux de Samson dès lors que, peu de temps après son arrivée au pouvoir, il avait déclaré à une chaine de télévision américaine : «Ma barbe signifie plein de choses pour mon pays».

Mais pourquoi donc autant d’acharnement pour faire disparaitre ou, tout au moins, pour désavouer le père de la révolution cubaine ?

Tout simplement parce qu’à son début la révolution qu’a connu Cuba le 1er Janvier 1959 n’était pas, dans les faits, une réelle révolution communiste mais plutôt un soulèvement anti-américain entrepris contre ce dictateur corrompu et totalement inféodé aux Etats-Unis qu’était Batista qui avait fait de l’île, où foisonnaient alors les maisons closes, un lieu de débauche et de plaisir pour les riches américains en quête d’aventures sexuelles.

Ce n’est que, par la suite, lorsque  Fidel Castro décida de nationaliser les entreprises américaines présentes sur l’île que le tournant communiste a eu lieu, notamment lorsqu’en décrétant un embargo sur Cuba, Washington avait irrémédiablement poussé La Havane dans les bras d’une Union Soviétique qui pouvait, ainsi, s’enorgueillir de disposer d’un fidèle allié non loin des côtes  américaines de la Floride.

Il convient de rappeler, néanmoins, que lors de la fameuse «crise des missiles», intervenue lorsque l’URSS avait installé, en 1962 sur l’île de Cuba, des missiles pointés en direction des Etats-Unis, Fidel Castro n’a jamais digéré l’arrangement auquel Moscou et Washington étaient parvenus, à son insu, pour éviter que la guerre froide ne dégénère et ne se transforme en une réelle confrontation militaire entre les deux blocs. A partir de cet incident, le dirigeant cubain deviendra très sceptique et très méfiant à l’égard d’une U.R.S.S. qui a, pourtant, permis à son pays de survivre jusqu’aux événements ayant conduit à l’éclatement de cet Empire soviétique qui avait financé les nombreuses opérations menées par Cuba pour contrer l’influence des Etats-Unis tant en Amérique Latine qu’en Afrique mais qui s’étaient, pour la plupart, soldées par des échecs à l’instar de celle qui avait été menée en 1967 en Bolivie et durant laquelle avait péri son compagnon de toujours et plus fidèle allié Ernesto Che Guevara.

Enfin, que dire d’autre pour terminer sinon «Hasta siempre Comandante, tu pueblo y los revolucionarios del mundo te lloran» ?

Nabil El Bousaadi

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