Avec un brassage de rythmes, de mélodies à la fois locaux et mondiaux
Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef
AZA est un groupe de musique dont l’étoile a brillé de mille feux dans les cieux de la création mondiale. C’est en 2003 que cette formation musicale a été créée, à Santa Cruz, Californie, par deux musiciens marocains, Fattah Abbou et Mohamed Aoualou. Ainsi, le style musical d’Aza est un brassage de rythmes, de mélodies à la fois amazighs et mondiaux. « AZA a toujours cette vision de rester ancré dans l’héritage musical marocain/Amazigh, avec une touche moderne », nous confie Fattah Abbo. Et d’ajouter : «la musique d’AZA est façonnée pour arriver aux oreilles d’autres peuples du monde». Puisé dans la poésie amazighe traditionnelle, le groupe a œuvré pour la faire sortir de son cadre tribal, agricole et classique. «Jusqu’à présent nous ne savons pas vraiment comment définir le style d’AZA. On essaie d’éviter le mot « fusion » parce que ce style de musique est spécifique à un style de musique de la fin des années soixante ici aux USA. », ajoute Fattah Abbo. Les propos.
AZA : que signifie-t-il ? Et comment a-t-il été formé?
Fattah Abbou : AZA, c’est la lettre «Z» dans l’alphabet Amazigh. Nous avons choisi ce nom/symbole, parce qu’il signifie l’identité amazighe ainsi que la conscience de cette identité. AZA a été créé par deux musiciens Marocains, Fattah Abbou et Mohamed Aoualou à Santa Cruz, Californie en 2003, avec l’idée d’inclure des musiciens américains avec des formations musicales différentes.
Votre musique est influencée par les rythmes d’Ahwach et de Taskiwin et ceux des Rwaïs mais elle est en même temps ouverte sur d’autres univers et styles musicaux universels. Est-il un choix artistique pour se démarquer des autres groupes ou une envie de moderniser la musique amazighe ?
Oui, AZA a toujours cette vision de rester ancré dans l’héritage musical Marocain/Amazigh, mais avec une touche moderne. Il s’agit en fait d’un mariage de cet héritage authentique et ancestral avec d’autres styles musicaux du monde, pas forcement ceux de l’occident. Comme ça, la musique d’AZA est façonnée pour arriver aux oreilles d’autres peuples du monde. Nous essayons de sortir la musique amazighe de sa bulle régionale.
Certes, la poésie et l’écriture sont très importantes dans chaque travail musical. D’où vos textes sont-ils inspirés?
La poésie d’AZA touche aux différents sujets. Les thèmes sont toujours des sujets relatifs à l’état du poète. Ce sont généralement les thèmes de l’immigration, de l’intégration, de la marginalisation de notre culture, de l’amour, ainsi que des sujets philosophiques et spirituels qui sont abordés par notre musique. Et ce n’est pas tout… Des grandes idées comme la paix au monde, des sujets qui concernent l’humain et sa fragilité, le vieillissement par exemple occupent une place de choix dans nos textes. Nous essayons de sortir un peu de la poésie traditionnelle amazighe qui a été liée à la tribu, à la société agricole ou bien à la chasse, de son cadre classique.
Dans votre deuxième album intitulé « TAMGHRA WUSHEN », vous avez travaillé sur les mélodies tout en travaillant sur la musique traditionnelle amazighe. Comment définissez-vous exactement votre style musical ?
Le style musical d’AZA est un style unique et éclectique. On y trouve beaucoup d’allusion à des styles différents d’Afrique du Nord (Tirroysa,Tagnawit, Melhoun, Chaabi, musique du Moyen Aatlas…). Dans les compositions, on surfe sur des gammes de jazz, le pentatonique, les quarts de ton, percussion afro-brézilienne, afro-cubaine, latin et d’autres. En fait, tout ce qu’on pense va correspondre; on l’utilise dans la composition. Jusqu’à présent, nous ne savons pas vraiment comment définir le style d’AZA. On essaie d’éviter le mot « fusion » parce que ce style de musique est spécifique à un style de musique de la fin des années soixante ici aux USA.
Aujourd’hui, il y a une nouvelle génération d’artistes (Jubantouja, Meriam Aassid, Meteor Airlines, Tasuta N-Imal…) qui a œuvré pour l’exportation de la chanson amazighe aux autres coins du globe, et ce en gardant leur attachement à leurs racines. Quel regard portez-vous sur l’avenir de la scène musicale amazighe, notamment avec l’émergence des autres supports de diffusion comme les plateformes digitales ?
Nous trouvons cela formidable ! Nous avons besoin de plus de jeunes artistes comme tous les noms que vous avez cités. Ceux qui essayent de moderniser la musique amazighe, de la faire connaitre dans d’autres coins du monde, surtout avec la révolution digitale de nos jours. Mais, à mon avis, il ne faut pas oublier de s’instruire et de maîtriser la musique traditionnelle aussi. Il faut la préserver et l’apprendre. A vrai dire, cette immersion fait que l’empreinte musicale Amazigh/North African est toujours présente dans les compositions. Avoir juste les paroles en Tamazight, à mon avis, ne suffit pas.
A votre avis, comment se porte la chanson amazighe à l’international sachant que certains groupes et voix amazighs arrivent à se produire dans les différents festivals et manifestations musicales ?
Je pense qu’en regardant la trajectoire de la musique amazighe, le progrès est palpable. Dans les 20 dernières années, beaucoup d’artistes se sont produits au Maroc et ailleurs. A cela s’ajoute les festivals ! Ce qui a sorti le musicien amazigh des festivités locales comme les mariages et les petites fêtes. Il va sans dire qu’aujourd’hui, la musique amazighe est sortie un peu du régionalisme. A titre d’exemple, un musicien du Haut Atlas peut se présenter à Tanger ou Paris.
L’artiste amazigh a-t-il bien exploité l’évolution du digital ?
Le monde digital et les médias sociaux ont également révolutionné la publicité, et ils l’ont mise entre les mains de l’artiste. Je suis optimiste avec cette sorte de démocratisation des plateformes publicitaires, même si l’industrie musicale est encore entre les mains des lobbyistes et des grands producteurs qui font circuler les mêmes noms d’artistes.
Quels sont vos projets artistiques à venir ?
À part les singles que nous produisons de temps en temps, le prochain projet sera cet été, une collaboration avec la symphonie de l’Université de Webster a St louis, Missouri, pour un concert qui va présenter la musique d’AZA et d’autres œuvres musicales traditionnelles Amazighes, comme la musique orchestrale.