El Kbab est un petit village historique considéré, également, comme la capitale de la tribu amazighe des Ichqirn. Il est situé sur un perchoir à 1517 m d’altitude dans le commandement territorial de la province de Khénifra. D’après une multitude de témoignages recueillis sur place et ailleurs auprès de nombreuses personnes âgées, son nom est tiré de la forme qui était donnée aux terrasses de ses maisons, bâties autrefois, sous forme de dômes avant l’arrivée des Français.
Quelle qu’en soit l’origine tant recherchée du nom de ce village, ce qui nous préoccupe ici, c’est l’Histoire et les innombrables souvenirs, bons et mauvais, liés à différentes personnalités qui ont vécu à un moment de leur existence à El Kbab, terre d’hospitalité, de tolérance, de cohabitation, de compréhension et du pur art amazigh. Les échantillons qui seront énumérés ici, ne sont que des exemples parmi tant d’autres.
Primo, l’arrivée vers le début du siècle dernier d’une vague d’immigrés venus du Sahara.
Secondo, le séjour du 1er officier des Affaires Indigènes, le capitane Said Guenoune, un Amazigh originaire de la Kabylie dans cette contrée, est un autre exemple de cohabitation et de coexistence sur cette terre. Signalons que cet officier de l’armée Française est l’auteur de trois intéressants ouvrages dont «La montagne Berbère », « la voix des monts » et « La haute Moulouya ». Said Guenoun a rendu l’âme vers 1941 à Meknès.
Tertio, comment parler d’El Kebab et des valeurs précitées, sans citer le religieux catholique Français qui fut ermite au Maroc, le Père Albert Peyriguère connu sous le nom d’agouram, qui naquit Français en 1883 et qui mourut en Amazigh à Casablanca en 1959. Il fut enterré, selon sa volonté dans le jardin de sa maison dans son village d’adoption le 27 Avril 1959. Il a vécu dans la peau d’un Amazigh avec son bernous (ⴰⵣⵏⵏⴰⵕ) qu’il n’a jamais quitté. Son attachement et son grand amour aux Imazighen ont fait de lui une icône et une figure emblématique d’El Kbab.
Comment oublier le fils spirituel et le successeur de Peyriguère, le Père Michel Lafon, qui naquit en France vers 1925 et qui est resté, en tant que religieux dans ce village des Ichqirn pendant presque 38 ans avant de rentrer à Grenoble pour terminer le restant de ses jours dans une maison de retraite.
Comment ne pas évoquer un certain nombre de caïds et d’agents de l’autorité locale de l’annexe d’El Kbab, d’origine amazighe qui se sont succédés sur le commandement de ce petit village, comme Moha Ouâali Achqir, Moha Nbâali Oumguild, Bouchta Assid Azmmouri, Aherdan Lhaj (d’Oulmes) et tant d’autres…
Dans ce village comme dans d’autres régions du Maroc, l’art d’ahidous se souviendra éternellement du célèbre Moha Oulhoussaïne Achibane, né Achqir à Azrou Nait Lahcen en 1903 dans la périphérie d’El Kbab. Un grand chef d’orchestre traditionnel qui décéda en Février 2016 après cent treize ans d’existence.
L’oud, cet instrument musical non Amazigh par excellence, gardera en mémoire et à vie deux de ses maîtres qui ont vécu à El Kebab : Mouloud Oulbachir et son collègue Belkhir à qui nous souhaitons longue vie. Ces deux vétérans ont bien su apprivoiser cet instrument qui s’est acclimaté avec les compositions et les chansons amazighes.
Le violon ainsi que ses dompteurs d’El Kbab resteront graver dans l’imagination des Imazighen. Rien au monde ne peut gommer les noms de Moha Oumouzoune ni celui de son successeur, dans le village, Ouâachouch Lahcen, respectivement issus de Tounfit et des Ait Hdidou d’Imilchil.
Les chikhate comme Itto Taqbdit ou Aicha Taghzaft, ont aussi marqué l’histoire de l’art et de la chanson amazighe de la capitale des Ichqirn.
L’Allune (le tambourin) et ses exceptionnels manipulateurs sont cités, ici, pour compléter ce magnifique tableau où sont associés l’homme et la femme, le dur et le doux, le passé et le présent, le vivant et le mort…etc. Les célèbres percussionnistes d’El Kbab, « Bouzekri et Quarante » ne tomberont jamais dans les oubliettes ni tous ceux qui sont cités dans cette modeste recherche. Les paroles s’envolent mais les écrits restent.
Hamzaoui Abdelmalek