(En)saignement

Une vision projetée sur les quinze années à venir (déjà en retard dans sa mise en œuvre),et un projet de loi cadre soumis au Conseil Supérieur de l’Education de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFRS) pour avis; tout cela pour rattraper un échec patent et reconnu par tous et à tous les niveaux de l’Etat et de la société.

Un constat d’échec qui intéresse non seulement le système national de l’éducation et de la formation dans son ensemble mais aussi les tentatives de sa réforme engagées depuis la fin du siècle dernier.

Dans le cadre de la préparation de sa réponse à la saisine du Chef du gouvernement sur le projet de loi cadre mentionné, le CSEFRS tient des réunions où la discussion porte sur la concordance entre les dispositions projetées par la loi cadre et les moyens adéquats pour la réalisation de « l’école de l’équité de la qualité et de la promotion, (telle que déterminée par la) vision stratégique de la réforme 2015-2030 ».

En marge de cette concertation institutionnelle,  un bruitage sur la gratuité de l’enseignement est lancé au dehors. Le sujet est sensible. Les média le gonflent. Il est présenté comme une décision qui n’attend que les modalités de son application. Et la vox populi clame à juste titre son refus.

Car si les familles marocaines ont montré à travers l’histoire leur attachement à l’éducation de leurs enfants en sacrifiant «le cher et le précieux», elles ne sont pas prêtes à se faire saigner pour que des fortunes s’amassent avec, cerise sur le gâteau, des avantages fonciers et fiscaux sans commune mesure avec la prestation  presentie. Toucher à la gratuité de l’enseignement, maintenant et dans la situation pathologique qui caractérise notre système éducatif  et la précarité des conditions de vie des masses populaires est une provocation inacceptable. D’autant plus que le problème de l’éducation nationale est très loin de se limiter à son financement.

Cela étant dit avec force et conviction, on peut s’interroger sur les « intérêts » qui « répandent l’huile sur le feu » à propos d’une question fondamentale érigée en priorité nationale. Faut-il rappeler qu’aucune décision, aussi sérieuse que celle de la gratuité de l’enseignement,  ne peut se faire en dehors de son cadre institutionnel. Or, par les temps qui courent et comme il est de notoriété publique, ce cadre est encore en cours de formation pour sa partie exécutive.

L’école publique n’a pas besoin de slogans et de profession de foi. Elle a besoin d’actions mobilisatrices à tous les niveaux de son opération: des élèves et des étudiants, de leurs parents, des gestionnaires de l’établissement éducatif ou de formation professionnelle, des collectivités locales, du mouvement associatif, des organisations syndicales et politiques, des acteurs socio-économiques et des autorités gouvernementales. Chaque entité doit se l’approprier pour en faire un sanctuaire de la connaissance, de l’émancipation et du développement.

Car si le peuple marocain dispose d’une constitution avancée, s’il peut lutter pour disposer d’une juridiction civile et pénale qui promeut l’émancipation de la société, s’il aura une ligne à grande vitesse ferroviaire, un système audiovisuel performant, et toute autre réalisation qui peut consolider son ancrage dans la modernité…, il ne pourra pas disposer du véritable développement humain basé sur la justice sociale et le respect de la dignité de l’Homme sans un système efficace et efficient de l’éducation et de la formation qui permet la valorisation du capital humain en lui procurant le savoir, le savoir être et le savoir faire. Ce système passe obligatoirement par le leadership de l’école publique dans son sens général et inclusif du préscolaire à l’université. Toute autre tentative de rafistolage ne sera que perte de temps, d’argent et de destinées humaines et ne répondra aucunement à la consolidation du processus démocratique et aux conditions d’émergence du royaume. Notre peuple ne peut être laissé aux affres de l’ignorance ; lui, dont la foi, dans le savoir et la science, interpelle à leurs maîtrises chaque individu, de la naissance à la mort.

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