Après plusieurs mois de violence, c’est avec des traits tirés que, dans une allocution télévisée, le Premier Ministre Ethiopien Hailémariam Desaleg n s’est adressé à la population ce dimanche.
Voulant marquer le durcissement des autorités face à un mouvement de contestation qui, depuis la fin de l’année dernière, compromet la stabilité du pays, le pouvoir s’est trouvé contraint de décréter l’état d’urgence pour une période de six mois. L’orateur a fait endosser la responsabilité de cette malheureuse situation à «des éléments belliqueux (qui travailleraient) en collaboration avec les ennemis extérieurs de l’Ethiopie… pour déstabiliser le pays».
Et celui-ci de poursuivre en déclarant que cet état d’urgence, qui est intervenu après que le centre et l’ouest du pays ainsi que la périphérie de la capitale Addis Abeba aient connu une semaine de violence d’une extrême intensité, a été décrété après qu’un « débat approfondi» ait eu lieu en Conseil des ministres «sur les morts et les dommages survenus dans le pays». Or, si l’on en croit les organisations de défense des droits de l’homme c’est la sévère répression opposée à ces manifestations par le pouvoir en place qui a donné lieu à ces centaines de morts.
Il est à signaler, néanmoins, que c’est la première fois que le pays vit une telle situation car même s’il reste vrai que l’Ethiopie a déjà vécu un Etat d’Urgence après les élections controversées de 2005, ce dernier était limité à certaines villes et n’avait pas excédé trente jours.
Les résidents de la capitale et de quelques villes de province ont fait part à l’Agence France Presse de la très forte présence policière dans les rues et de la coupure du réseau internet à l’effet d’empêcher la diffusion d’appels à manifester.
Force est de reconnaître, toutefois, que la contestation dans le pays n’est pas nouvelle et que l’Ethiopie fait très souvent face à de tels soulèvements notamment depuis que la chute du Président Mengitsu en 1991 donna lieu à la domination des Tigréens du Nord et à la marginalisation des communautés oromo et amhara
Enfin, cette instabilité politique et la sévère sécheresse qui a touché le pays cette année risqueraient d’avoir des répercussions négatives sur les investissements et le tourisme bien que l’Ethiopie ait connu une «croissance économique record» ces dix dernières années et, de son côté, cet état d’urgence qui, en ne laissant aucune place au dialogue, donne au gouvernement la possibilité «de consolider son autorité» va inéluctablement attiser la grogne des Ethiopiens et faire planer une très grande incertitude sur l’avenir du pays.
Nabil El Bousaadi