Irlande : L’extrême-droite dans la rue après une attaque au couteau

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Dublin, la capitale de l’Irlande, est en proie, depuis jeudi dernier, à un déferlement de violence et à des émeutes telles qu’elle n’en a pas connu depuis plusieurs décennies.

L’explosion de colère manifestée par les émeutiers qui, d’après les autorités, sont, pour la plupart, des jeunes sympathisants et militants de l’extrême-droite irlandaise qui utilisent la montée de l’immigration, pour attiser la peur, a pour raison d’être, l’attaque au couteau au cours de laquelle une femme et trois enfants avaient été blessés, jeudi dernier, à leur sortie d’une école primaire.

Le suspect ayant été immédiatement neutralisé et remis à la police par deux passants qui s’étaient interposés, les forces de l’ordre avaient, d’emblée, écarté le motif terroriste et privilégié l’attaque « isolée » dont il faudra « déterminer les raisons ».

Mais étant donné qu’il s’agit d’un algérien naturalisé irlandais, il n’en fallait pas plus pour attiser la colère des anti-immigration et pour que, dès le lendemain matin, le Premier ministre irlandais Leo Varadkar, s’en prenne à l’idéologie xénophobe des émeutiers qui « font honte à Dublin, honte à l’Irlande, honte à leurs familles et à eux-mêmes » car une telle explosion de violence « ne reflète pas » les valeurs du pays.

Le Premier ministre a saisi cette occasion pour appeler ses compatriotes à se « réapproprier l’Irlande » afin de « la reprendre aux lâches qui se cachent derrière des masques » pour « terrifier » la population et utilisent la violence pour mettre « en danger » les « plus innocents et les plus vulnérables ».

En appelant, de son côté, au calme, la ministre de la Justice, Helen McEntee, a déclaré, dans un communiqué, que l’Irlande « ne tolèrera pas qu’un petit nombre utilise des faits épouvantables pour semer la division » et prévenu que les responsables des attaques qui ont visé la police seront traitées « avec sévérité ».

Réputée comme étant une terre d’immigration, l’Irlande a fait face, ces dernières années, et notamment depuis le déclenchement de la guerre d’Ukraine, à une augmentation spectaculaire du nombre des réfugiés et des demandeurs d’asile.

Et si, en plus des 13.651 demandeurs d’asile en provenance de divers pays, ce sont près de 100.000 ukrainiens qui, l’année dernière, avaient demandé la protection de l’Irlande dans le cadre d’un programme d’aide aux réfugiés, c’est donc que, par rapport à 2021, les demandes d’asile avaient été multipliées par cinq alors même que l’Irlande ne compte que 5 millions d’habitants.

Le manque de logements sociaux et l’augmentation du coût de la vie, nourris et amplifiés, sur les réseaux sociaux, par les tenants de l’idéologie d’extrême-droite, ayant contribué à exacerber le ressentiment à l’égard des nouveaux arrivants et l’hébergement de ces derniers étant devenu un sujet particulièrement sensible, la tension qui couvait ne pouvait qu’exploser dès l’annonce de l’attaque au couteau dont s’était rendu responsable cet « élément étranger », d’une cinquantaine d’années et ce, d’autant plus qu’en étant confrontée à une sérieuse crise du logement, le pays  a vu se développer, sous l’influence de figures d’extrême droite un discours anti-immigration selon lequel « l’Irlande est pleine ».

Ainsi, quelques instants à peine après l’attaque de jeudi dernier et nonobstant l’important déploiement des forces de police, ce sont près de 500 manifestants qui avaient investi le centre de la capitale et qui s’étaient mis à incendier des véhicules et à piller et saccager des commerces.

« Horrifiée » par cette attaque, Mary Lou McDonald, la cheffe du Sinn Fein, qui est la troisième force politique au Parlement irlandais, a transmis son soutien à la communauté éducative, exprimé sa « solidarité » avec les familles des victimes et félicité les forces de l’ordre pour leur célérité.

Du côté de l’Union européenne, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a écrit sur X (ex-Twitter) qu’elle a été « choquée par l’attaque brutale qui a blessé plusieurs personnes à Dublin, y compris des enfants » alors que, de son côté, le président du Conseil européen, Charles Michel, « consterné par l’horrible attaque », a tenu à assurer le Premier ministre irlandais de « l’entière solidarité de l’U.E. dans ce moment difficile ».

Qu’adviendra-t-il aux trente-deux manifestants qui sont appelés à comparaître, ce vendredi matin, devant le Tribunal de Dublin pour la dégradation d’une douzaine de magasins et de plusieurs véhicules de police ?

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

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