Khadija Riadi : «Une Constitution démocratique qui sépare la religion de l’Etat»

Pour elle, deux éléments sont essentiels pour bâtir une société moderne et démocratique : la liberté du choix et celle de l’expression.

Al-Bayane : Le Maroc vient de commémorer les attentats de 16 mai, qu’est -ce que vous inspire un tel événement ?

Khadija Riadi : Ces attentats nous rappellent les crimes ignobles et condamnables qui ont

coûté la vie à des citoyens innocents. Je pense que le moment nous interpelle à se solidariser et soutenir les familles des victimes. Nous avons accueilli récemment au sein de l’association les membres des familles victimes suite à leur demande. Nous avons constaté qu’ils ont encore besoin du soutien et de l’appui de l’Etat après qu’il les a abandonné comme ils ont tenu de le souligner. L’Etat devrait ainsi satisfaire leurs besoins, surtout ceux qui sont liés à leur vécu quotidien. La commémoration des attentats du 16 mai rappelle également les divers actes de violation des droits de l’Homme, les arrestations arbitraires et l’absence des procès équitables (citoyens détenus sans preuves tangibles). Qui plus est, après les attentats, on a constaté un retour aux pratiques de torture et d’enlèvement. En plus, ce moment tragique dans l’histoire du pays, me fait penser à l’adoption de la loi anti-terrorisme qui constitue une certaine régression en matière de libertés. Néanmoins, on constate que ceux qui ont été contre cette loi, ont dû changer leur position après les attentats.

Le Maroc n’est pas à l’abri du terrorisme, pensez vous que l’approche sécuritaire adoptée par l’Etat est suffisante ?

L’approche sécuritaire n’est pas toujours la solution efficace. Mais l’Etat a donné la priorité à cette approche dans le traitement de ce dossier et on a en enregistré des violations et transgressions de la loi lors de sa mise en œuvre. Nous, au sein de l’AMDH et dans le cadre de la référence universelle des droits de l’Homme, nous refusons toutes formes de violations des droits des citoyens sous n’importe quel prétexte.

 

L’Etat a procédé à une reprise en main du champ religieux pour barrer la route à ceux qui instrumentalisent la religion à des fins politiques, est-ce que cela contribuera à parer aux dérives ?

On a toujours critiqué l’instrumentalisation de la religion non pas seulement de la part des partis politiques, mais aussi de la part de l’Etat. On appelle à la mise en place d’une Constitution démocratique séparant la religion de l’Etat. En fait, l’instrumentalisation de la religion dans le champ politique constitue une menace pour la démocratie.

Comment envisagez-vous le projet d’une société marocaine moderne ?

Il me semble que l’Etat a signé plusieurs conventions internationales en matière des droits de l’Homme. Ainsi, il se trouve dans l’obligation de respecter le contenu de ces conventions. Je pense qu’il est temps d’adapter la Constitution avec ces conventions. Le projet sociétal auquel on aspire en tant que militants des droits de l’Homme doit être basé sur une société où les droits humains devraient être respectés dans leur globalité et ce conformément aux principes universels.

Nous appelons en outre au développement de la culture et valeurs des droits de l’Homme. Pour ce faire, l’Etat doit veiller à la mise en place des moyens nécessaires pour véhiculer cette culture. J’insiste sur le rôle des médias publics qui constituent un meilleur moyen pour effectuer une telle action. Autre élément important, celui des politiques publiques. Il faut veiller à respecter les droits de l’Homme dans toutes les politiques adoptées par l’Etat. Je fais également allusion aux conventions de partenariat signées avec les pays étrangers. Les conventions doivent assurer toutes les garanties de respect des droits de l’Homme (Liberté de choix, égalité des chances…)

Le dialogue avec les membres du mouvement de la Salafiya Jihadiya est-t-il nécessaire ?

A notre avis la majorité des membres de ce mouvement ont été arrêtés à cause de leurs idées.

La raison appelle donc de les rejuger une nouvelle fois, et ce sur les bases d’un procès équitable garantissant leurs droits, et la libération de tous ceux qui ont été arrêtés d’une façon arbitraire .Je souligne dans ce sens qu’il y avait déjà une reconnaissance de l’Etat des dépassements dans les procès. Sachant que la majorité est détenue sans preuves.

Quelle place pour une société moderne, alors qu’on vit actuellement une certaine islamisation de la société marocaine ?

Le projet de société démocratique est basé sur les valeurs de la liberté et de la citoyenneté. Il est nécessaire qu’on devrait apprendre à accepter les différentes idées et laisser tout le monde exprimer ses convictions et ses principes en toute liberté. Au final, le choix revient aux individus. C’est à eux de choisir la culture et le mode de vie qui leur conviennent. Deux éléments sont essentiels pour bâtir cette société : la liberté du choix et la liberté d’expression. En d’autres termes, une société ouverte. Cela n’empêche de condamner toutes les formes de violence et actes qui appellent au terrorisme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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