Khiame dans un entretien publié par le quotidien français Le Monde

«Daech n’a pas disparu, il s’est délocalisé vers le Sahel»

Le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) a démantelé 49 cellules terroristes, dont 44 liées directement à l’Etat islamique et arrêté 772 personnes, depuis sa création en 2015, a affirmé, son directeur Abdelhak Khiame.

« Nous avons également récupéré 97 +revenants+ : 84 en provenance de la zone irako-syrienne et 13 en provenance de Libye, ainsi que 53 personnes refoulées par d’autres pays », a indiqué M. Khiame dans un entretien publié par le quotidien français Le Monde daté de mercredi.  A rappeler qu’une cellule terroriste composée de sept membres alliés à Daech et s’activant dans les villes de Tanger et Meknès avait été démantelée la semaine dernière par le BCIJ. Parallèlement, la législation a évolué : une loi promulguée en 2015 prévoit que toute personne ayant rallié ou tentant de rallier une zone d’action des groupes terroristes est arrêtée, interrogée et présentée à la justice, où elle encourt des peines pouvant aller jusqu’à quinze ans de prison, a-t-il ajouté.

« Après la mise en place de la carte et du passeport biométriques ainsi que le renforcement des contrôles aux frontières, nous n’avons plus eu de départs », a-t-il fait savoir, notant en outre qu’aujourd’hui, les cas de radicalisation se font par Internet et seulement sur des personnes simples d’esprit.

Interrogé sur le cas des binationaux d’origine marocaine impliqués dans les attaques terroristes qui ont frappé l’Europe ces dernières années, M. Khiame a évoqué certains facteurs qui ont contribué à cette situation dont l’absence de lois permettant d’interpeller des suspects.  Il a cité, à titre d’exemple, les attentats de Paris [2015] et Bruxelles [2016], précisant que les services de police savaient que certains individus étaient passés par les zones de combat, mais en l’absence de textes juridiques, ils n’avaient pas pu les interroger. Il aurait aussi fallu les encadrer sur le plan religieux, a-t-il soutenu.

« Beaucoup de ces jeunes binationaux se sont radicalisés dans les milieux carcéraux. Condamnés pour de la petite criminalité – ce qui montre qu’ils n’étaient pas bien intégrés dans la société –, ils ont été récupérés et endoctrinés à l’intérieur des prisons », a-t-il fait valoir.

Il a également fait savoir que le Maroc travaille avec ses partenaires occidentaux de façon très efficace, par l’échange d’informations concernant ces binationaux. « Nous avons des officiers de liaison dans les pays partenaires et des officiers de liaison occidentaux sont chez nous », a-t-il dit.

Interrogé sur l’évolution de la menace terroriste, M. Khiame a relevé que Daech n’a pas disparu, précisant qu' »il y a eu une délocalisation : ils se sont réorientés vers la zone sahélo-saharienne et en Libye. Là où ils trouvent des zones perturbées, ils s’installent ».

Ça constitue une menace pour le Maroc et pour toute la région, a-t-il soutenu, ajoutant que le Royaume mène un échange de renseignements avec les pays qui s’intéressent à cette région.

« Le problème est la non-collaboration des Algériens et l’existence d’une zone contrôlée par un groupe terroriste qui est le polisario », a-t-il dit, rappelant qu’Al-Qaida au Maghreb islamique continue de contrôler le sud de l’Algérie et le nord du Mali.  Même s’il y a des différences [entre les deux organisations], elles défendent une même idéologie, a-t-il estimé.

Revenant sur le contexte de création du BCIJ, M. Khiame a rappelé qu’après les attentats de 2003 à Casablanca, SM le Roi Mohammed VI avait appelé à adopter une nouvelle stratégie de lutte contre le terrorisme : pas seulement sécuritaire mais qui intègre aussi la religion et le développement.

Le Maroc a ainsi organisé le quadrillage de son champ religieux et lancé l’Initiative nationale pour le développement humain pour améliorer les conditions de vie, a-t-il poursuivi.

M. Khiame a aussi évoqué les mesures prises pour contrer les extrémistes qui profitaient de faux documents d’identité pour déjouer la surveillance des services de sécurité, dont la mise en place de la carte électronique et des passeports biométriques, ainsi que la création du dispositif «Hadar» pour assurer la protection des lieux généralement visés par les projets terroristes.

Puis, il y a eu la création de ce service, le BCIJ, en 2015 afin de doter la direction générale de la surveillance du territoire d’une aile judiciaire, a-t-il enchaîné.

(MAP)

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