«Je souhaite annoncer, aujourd’hui, qu’au terme d’un examen préliminaire approfondi, mené en toute indépendance et objectivité, de l’ensemble des renseignements fiables qui sont en la possession de mon Bureau à propos de la situation en Palestine, ce dernier est parvenu à la conclusion que tous les critères définis dans le «Statut de Rome» pour l’ouverture d’une enquête étaient remplis».
C’est par ces termes que, ce vendredi, Fatou Bensouda, la procureure de la Cour Pénale Internationale, a entamé la déclaration par laquelle elle annonce l’ouverture d’une enquête complète sur les éventuels «crimes de guerre» perpétrés dans les territoires palestiniens.
Saluant immédiatement la décision prise par la CPI et la qualifiant de «jour sombre dans l’histoire d’Israël», Riyad Al Maliki, le ministre palestinien des Affaires étrangères y a vu «une étape attendue de longue date dans le processus devant mener à une enquête, après près de cinq longues et difficiles années d’examen préliminaire».
Mais, comme il fallait s’y attendre, cette décision ne pouvait susciter, d’un autre côté, qu’une importante levée de boucliers de la part de l’Etat d’Israël et de ses protecteurs.
Ainsi, pour le Premier ministre israélien, Fatou Bensouda aurait transformé la CPI en un «outil politique pour délégitimer l’Etat d’Israël (…) et en crime de guerre le fait que les Juifs vivent dans leur patrie». Aussi, a-t-il promis de lutter «de toutes les manières possibles» pour faire éclater «la vérité historique».
Prompt à réagir, comme à son accoutumée, avec toute la bienveillance et toute la célérité requise en cas d’atteinte aux droits éternels de l’Etat juif, le grand protecteur américain s’est immédiatement fendu d’un communiqué dans lequel, Mike Pompeo, le chef de sa diplomatie déclare s’opposer «fermement à toute action qui vise Israël de façon injuste» et tient à préciser, par ailleurs, qu’en demandant « aux juges de la CPI de confirmer que la Cour pouvait exercer sa juridiction sur la Cisjordanie, Jérusalem-est et Gaza» la procureure reconnaît «expressément qu’il existe des questions légales sérieuses sur l’autorité de la CPI à procéder à une enquête» puisque l’Etat israélien n’est pas membre de cette instance et que la Palestine n’y a adhéré qu’en 2015.
Pour rappel, dans le sillage du massacre qui avait eu lieu à Gaza en 2014, Fatou Bensouda avait ouvert, en Janvier 2015, une enquête préliminaire sur « les allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en Israël et dans les territoires » mais s’était assez vite rétractée au motif qu’Israël n’est pas membre de la CPI alors qu’en 2018, John Bolton, en sa qualité de conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, en était même arrivé jusqu’à menacer de faire arrêter les juges de la Cour Pénale Internationale s’ils venaient à agir contre Israël et les Etats-Unis du moment que ces deux Etats n’en font pas partie.
Enfin, même si Benjamin Netanyahou ne peut se prévaloir d’aucune «vérité historique» comme il le prétend pour justifier l’occupation des territoires palestiniens, Fatou Bensouda, qui fait face à de nombreuses critiques après que des suspects très médiatisés comme Laurent Gbabgo ont été libérés et dont la mission à la tête de la CPI prendra fin en 2021, risque de se trouver contrainte de faire machine arrière et ce, malgré sa déclaration de vendredi. Alors, attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi