On ne cessera pas de relever, non sans amertume, que les profondes valeurs humaines tendent à s’estomper, non seulement dans les milieux urbains où les affres de la vie sont multiples, mais également dans le monde rural, abattu par les cruautés de la nature. Elle est bien révolue l’époque au sein de laquelle les demeures citadines étaient avenantes, à longueur de journée, les Touizas animaient, dans la liesse, les champs des grands labours, les esprits grégaires de haute mansuétude habitaient les individus de quelque registre qu’ils soient…Qu’en est-il de toutes ces vertus grivoises?
Pas grand’chose, hélas! On a plutôt tendance à éclabousser toute une nomenclature de bienséances qui faisaient notre singularité séculaire. Le bon voisinage n’est plus qu’un vain mot aux vingt maux qui finissent dans la guéguerre. La chasteté de l’âme se transforme en ignominie éhontée dans les rapports les plus suaves. La fraude, la triche, l’immoralité, l’imposture…, autant de grabuges qui prennent place et font la Loi, dans une société conquise par la médisance et la duperie. Dans tel ou tel douar, frappé par le dénuement et la disette, on ne parvient même pas à s’approprier l’école de nos enfants, berceau de sciences et de connaissance, comme on faisait, autrefois, à propos du M’sid, havre de culte et de la culture. Bien au contraire, dans les patelins les plus reculés, nos établissements scolaires, déjà décimés par la précarité, font l’objet de vandalisme des délinquants du terroir, car on ne leur a plus inculqué les rudiments du civisme, de l’appartenance et du respect, dès leur bas âge, tel qu’ils ont été amoureusement psalmodiés dans les contes spirituels de nos grand-mères.
Les déficiences relationnelles sont d’autant plus saillantes dans la rue qu’elles génèrent des manies bien étrangères à notre quotidien ancestral. Qu’y a-t-il de changé pour que la société en soit terriblement affectée ? Il est bien clair que c’est là une déchéance culturelle bien plus cruelle que les pénuries matérielles. Il est donc question, non pas seulement, de mettre en place des refontes des situations économiques et sociales, mais, avant tout, de ré-incruster les valeurs fondamentales qui avaient toujours fait le modèle marocain à travers l’Histoire. Celles de la probité, de l’équité, de la solidarité…
A ce propos, les exemples, quoi qu’infimes ici et là, rappellent bien notre grande aptitude de réintégrer nos particularités d’antan. Mais, combien sont-ils à embrasser la même approche dans notre pays? Pas beaucoup ! C’est là, à notre sens, le plus grand déficit auquel on fait face : celui de se mutualiser les efforts au sein d’une communauté, si restreinte soit-elle, de s’armer des bonnes valeurs et de s’investir soi-même. C’est toute une culture au service de toute une entité ! Et, c’est ce qu’on peut appeler «la vertu solidaire».