Aissa Jabbour, chercheur
Tamazight en tant que langue de «Tamazgha» ou ce qu’on appelle habituellement Maghreb, a connu, à travers l’Histoire, des contacts avec d’autres langues, cultures et civilisations. L’espace de cette langue authentique a été ravagé par diverses colonisations.
Cependant et grâce à la résistance de ses locuteurs parmi le peuple amazigh, elle a réussi à résister et à se maintenir en vie. Malgré son caractère oral, ses militants et militantes ont pu marquer sa présence écrite sur les rochers il y a des centaines d’années et dans les livres récemment.
Chaque envahisseur tentait d’imposer sa langue, son système politique ou sa religion et certains ont pu arracher cette langue surtout dans les villes anciennes comme à Tripoli et Leptis Magna en Libye, à Carthage et Kairouan en Tunisie, Constantine et Mostaganem en Algérie, à Lixus et Volubilis au Maroc …etc.
Après les Phéniciens et les Romains, les Vandales et les Byzantins, les Arabes se sont lancés sur Tamazgha.
Lors de la colonisation française, la question de l’identité et de la langue amazighes (berbères) fait ses premiers pas surtout en Algérie qui était colonisée depuis 1830 par des militaires chercheurs formés aux écoles françaises. Après l’indépendance, cette question sera plus pressante en particulier au début des années 70 connues par la pression arabiste des régimes militaires dictatoriaux.
Arrivant à l’année 1980, la conscience identitaire a touché les Amazighs d’une manière générale et les Kabyles en particulier. Cette année a connu l’éclatement des protestations et des sit-in qui ont mené à Tafsut Imazighen (Printemps Berbère) lorsque les autorités algériennes ont interdit la conférence de feu Mouloud Mammeri (écrivain, anthroplogue, linguiste et ethnologue amazigh) le 10 Mars 1980.
A ce moment-là, les étudiants sont descendus à la rue et la population était solidaire avec eux massivement : Des grèves générales ont été organisées dans toute la Kabylie, voire quelques régions d’Algérie. C’était, à vrai dire, une seule voix et un objectif commun. Grâce à leur union et leur pacifisme rationnel et raisonnable, les manifestants avaient l’idée de la revendication de la reconnaissance de la langue et la culture berbères qui étaient interdites depuis l’indépendance du pays en 1962.
L’amazigh a été combattu durement pendant les années soixante-dix avec la politique arabiste du général Houari Boumediene.
Alors, après des manifestations durant plusieurs jours, le 17 avril 1980, le président algérien a lancé un discours dans lequel il insistait que l’Algérie est un pays arabe et musulman, après ceci, la rage des Kabyles se renforça ouvertement. Suite à cet évènement atroce, et, puisque les Hommes libres au sein d’une société de mystère qui dénie totalement les droits du citoyen, les manifestations ont été systématiquement réprimées d’une manière barbare.
Le 19 avril 1980, les autorités locales de la Wilaya de Tizi Ouzzou ont donné l’ordre d’intervenir sauvagement à l’université pour réprimer les militants du Mouvement Culturel Berbère. Ensuite, le 20 avril fût un jour phare qui a marqué toute l’Histoire, il a tatoué la mémoire de chaque Berbère. Ce jour-là a connu un soulèvement populaire de la région de Kabylie. Plus de 126 ont été assassinés, plus de 5000 blessés, c’était vraiment un crime contre l’humanité.
En guise de conclusion, on peut dire certainement que le Printemps Berbère est un premier pas vers la conscience culturelle des Amazighs. Cette conscience a incité les militants amazighs à la production littéraire et artistique en leur langue maternelle. On sait bien que la goutte ayant fait déborder le vase était l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri.
Alors, des questions que l’on se pose sont les suivantes : Quelle est la raison pour laquelle cette fameuse conférence était interdite? Est-ce que les autorités algériennes avaient un problème avec la poésie ou savaient-elles que le conférencier devrait transmettre un autre message à travers sa conférence?