Dans la nuit du dimanche 4 au lundi 5 décembre, les autorités américaines ont annoncé leur décision de ne point valider le tracé de l’oléoduc qui devait, en empruntant un trajet de 1800 kilomètres, acheminer du pétrole jusque dans l’Illinois en traversant quatre Etats et en frôlant le territoire abritant la réserve de la tribu des indiens Sioux dite Standing Rock sise dans le Dakota du Nord en arguant que «la meilleure façon de procéder de manière responsable (serait) d’explorer les routes alternatives que pourrait emprunter l’oléoduc».
Cette décision met un terme – même provisoire – au bras-de-fer juridique, médiatique et, parfois même, physique qui oppose, depuis Avril dernier, près de 200 nations amérindiennes au groupe pétrolier Energy Transfer Partner à propos du tracé d’un oléoduc qui en passant non loin d’une réserve d’indiens Sioux exposerait ces derniers au risque de voir leur provision d’eau potable contaminée en cas de fuite. Mais là n’est pas le seul grief que ces derniers imputent aux autorités puisqu’ils reprochent également à l’agence fédérale américaine en charge de la régulation des grands chantiers d’avoir fait fi de leur présence sur le site. Autant de raisons pour lesquelles ces populations amérindiennes refusent que le pipeline en frôlant le territoire des Lakotas ne traverse une propriété chargée d’histoire puisque servant d’assise à des cimetières ayant une «valeur culturelle et historique» indéniable ; ce qui a poussé les tribus Sioux de Standing Rock, soucieux de protéger leurs sites sacrés, à réclamer une ordonnance visant la suspension des travaux.
C’est à ce titre que, dans une tribune publiée le 24 Août dernier dans le New York Times, David Archambault, le chef de la réserve indienne de Standing Rocks, s’était écrié : «Qu’il s’agisse de l’or des Black Hills, de l’énergie hydraulique de la rivière Missouri ou des oléoducs qui menacent notre héritage ancestral, (nos) tribus ont toujours payé le prix de la prospérité américaine».
Cet oléoduc, long de 1800 kilomètres et qui a nécessité une enveloppe financière de 3,8 milliards de dollars, devait arriver jusque dans l’Illinois en traversant la rivière Missouri au niveau de la ville de Bismarck, la capitale du Dakota du Nord. Mais les risques de contamination des eaux de la ville s’étant révélés trop grands, les autorités fédérales ont alors opté pour en déplacer le tracé d’une centaine de kilomètres plus au sud en le faisant passer à moins d’un kilomètre de la réserve indienne sur un terrain qui faisait partie du domaine foncier de la tribu au début des années cinquante du siècle dernier.
Il convient de signaler, à ce titre, que le territoire contesté a fait l’objet de morcellements successifs tout au long du 20ème siècle suite à la réalisation, par les autorités fédérales, de projets imposés par la force aux amérindiens tels que l’exploration des mines d’or des Black Hills au Dakota du Sud ou encore la réalisation, à la fin des années 1950, de deux barrages sur le Missouri qui, en engloutissant certains villages, en avaient contraint les occupants à aller chercher refuge ailleurs.
Aussi, la propriété de Standing Rock reste-t-elle, à ce jour, l’un des derniers territoires provenant de la « grande réserve sioux » créée en 1868 et qui couvrait, à l’époque, le Dakota du Sud ainsi qu’une partie du Nebraska et du Dakota du Nord.
Il y a lieu de préciser, enfin, que la décision prise ce dimanche soir par les autorités fédérales ne signifie nullement que l’affaire est définitivement réglée mais seulement qu’une trêve a été acceptée par les deux parties. Quelle en sera la durée ? Nul ne peut répondre, pour l’heure, à cette question même s’il s’agit-là de l’exigence de «l’un des plus importants mouvements de résistance pour les droits de l’homme et de l’environnement qu’a connu le pays ces dernières années».
Nabil El Bousaadi