«Mineurs migrants»: Quelle protection avec «le Pacte pour la migration»?

Endossé à l’Assemblée générale des Nations Unies mercredi dernier, le Pacte de Marrakech sur la migration fait de la protection des mineurs en situation de migration l’un de ses 23 objectifs. Mais comment assurer de manière concrète cette protection sur le terrain? Tel est le sujet qui était au cœur de la conférence débat organisée Jeudi dernier, par le Comité Parité et diversité de la chaine 2M dans ses locaux. L’occasion pour les experts du sujet de formuler des recommandations.

Mineurs « migrants » emprisonnés dans des cages, frappés, séparés de leurs parents… C’est dans la stupeur et l’effroi total que le monde entier a découvert récemment les pratiques inhumaines des USA pour juguler la migration sur son territoire, à travers des camps de rétention d’enfants. Une vraie atteinte aux droits des enfants, qu’ont condamnée les ONG de protection de l’enfance. Au carrefour entre l’Europe et l’Afrique, le Maroc qui accueille lui aussi un nombre considérable d’enfants non accompagnés et en situation de migration, a choisi pour sa part d’assurer la protection de cette catégorie vulnérable. «Je tire mon chapeau au Maroc qui a refusé de construire des centres de rétention pour les enfants.

C’est une réelle  atteinte aux droits des enfants», a déclaré Najat M’Jid, experte internationale des droits de l’enfant. D’ailleurs, pour l’experte, l’expression «mineur migrant» est aberrante, puisqu’elle ne tient pas compte de la vulnérabilité des enfants. «On doit arrêter de parler d’enfant/ mineur migrant. Quand on parle d’enfant, on parle de personnes qui nécessitent la protection. Quand on parle de migrant, on fait tout droit référence aux lois sur la migration qui parlent plus de réponses sécuritaires, que de protection», souligne-t-elle. «Quand on parle de migrants, on parle de personnes qui bougent pour des raisons économiques, pour chercher du travail… Or, un enfant ne bouge pas pour de telles raisons et d’ailleurs, il n’en est même pas conscient», a ajouté une autre intervenante, dans la salle. De même l’expression, «enfant migrant subsaharien», en référence aux enfants nés de parents migrants sur le territoire marocain, est inappropriée, a souligné d’autre part, une représentante de l’association Gadem.

Selon l’intervenante, la migration des mineurs ne concerne pas uniquement les Subsahariens. Au Maroc, aujourd’hui, on compte des centaines de mineurs non accompagnés, en situation de migration (Syriens, Irakiens, des mineurs marocains refoulés d’Europe). Si face à ce défi, le Maroc a adopté plusieurs instruments juridiques de protection de l’enfance, après la ratification de la Convention internationale relative aux droits des enfants, dont la «politique publique intégrée de protection de l’enfance» (2016), beaucoup d’efforts restent à fournir, a avancé l’intervenante. Entre autres défi : l’intérêt suprême de l’enfant, qu’il soit migrant ou non, n’est pas toujours pris en compte. «Le système de santé, le système scolaire, mais encore toute la problématique administrative est encore insuffisante, non seulement pour les enfants en situation de migration, mais aussi pour les enfants marocains. Il y’a encore beaucoup de choses à faire sur ces volets-là», estime Najat M’Jid. Bien plus, la question de légalité, de prise en charge des enfants, notamment en situation d’errance, se pose, surtout en matière de logement, de tutorat…

Selon Najat M’Jid, pour assurer une réelle protection des «mineurs migrants», il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de protection mobiles, qui traversent les frontières et qui sont coordonnées, étant donné que la solution de la migration telle que proposée par le nouveau pacte implique tous les pays : origine, transit, accueil. «C’est toute une chaine qu’il faut mettre en place et si un maillon de cette chaine dysfonctionne, il y’a un impact sur les enfants», a-t-elle déclaré. Sachant que la migration est un phénomène, qui pour l’experte, ne s’arrêtera jamais. «Il ne faut pas se leurrer. On n’arrêtera jamais l’immigration. Il faut juste savoir comment faire, pour que les enfants qui migrent, avec ou sans leurs parents, le fassent en sécurité », explique-t-elle.

Selon l’experte, il est nécessaire de renforcer la prise en charge des mineurs étrangers, au risque de se retrouver avec des adultes désœuvrés, après leurs 18 ans. Le Maroc doit investir les fonds d’aide reçus par l’UE pour gérer la migration, dans ce sens, estime-t-elle. «L’Europe vient encore de donner des subventions, pour résoudre la migration à partir des pays d’origine. Le Maroc a reçu des aides récemment de l’UE. J’espère que ce ne sera pas pour des raisons sécuritaires, pour renforcer les frontières, mais pour renforcer la prise en charge. J’espère qu’il tiendra le coup sur la pression européenne et que cet argent servira à développer réellement de bonnes prises en charge», explique-t-elle.

En outre, estime-t-elle, les autorités locales, ONG devraient inscrire leurs actions  dans la durée. Les associations devraient également favoriser un travail en réseau et surtout éviter de stigmatiser les enfants dans la prise en charge et promouvoir plutôt la mixité des enfants, indépendamment de leur nationalité, selon une approche droit et non caritative. L’objectif étant « non de faire de ces enfants des assistés, mais des projets  de vie», insiste l’experte. «Les associations ne doivent pas être en compétition, mais en complémentarité. Il faut asseoir un réseau qui fait que chacun soit spécialiste dans un domaine précis», souligne t-elle. Dans ce cadre, le président de l’association Kirikou, Mountaga Diop et le représentant adjoint de l’UNICEF au Maroc, Behzad Noubary, ont présenté leurs programmes de prise en charge des mineurs en situation de migration.  Le représentant de l’UNICEF, a pour sa part présenté le programme «Hijra wa Himalaya», porté par le ministère des MRE et des affaires de la migration, l’UE et l’UNICEF. L’objectif étant de permettre à cette catégorie d’enfants d’avoir un accès équitable aux droits fondamentaux, comme la santé, l’éducation, le logement… Le président de Kirikou a partagé pour sa part l’expérience de son association qui crée des crèches interculturelles pour favoriser l’intégration des enfants étrangers au Maroc.

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