Dans son allocution de ce mercredi, axée essentiellement sur les défis auxquels est appelée à faire face la Russie, notamment ceux liés à la crise démographique et à la pauvreté, Vladimir Poutine a fait part à ses concitoyens de son intention de soumettre, à leur vote, toute une série de propositions modifiant la Constitution au titre du renforcement des pouvoirs du Parlement tout en maintenant le caractère présidentiel du régime.
Ainsi, le Parlement verra son rôle renforcé au niveau de la formation du gouvernement puisqu’il disposera, désormais, de la prérogative d’élire le Premier ministre que le chef de l’Etat sera obligé de nommer. Il va de soi qu’étant donné que les deux chambres du Parlement sont dominées par des forces pro-Poutine qui ne s’opposeront jamais aux volontés du Kremlin, le Président ne prend aucun risque en proposant cette révision.
Un autre changement a trait au renforcement des pouvoirs des gouverneurs régionaux, à l’interdiction faite aux membres du gouvernement et aux juges d’avoir des permis de séjour à l’étranger et, enfin, à l’obligation faite à tout candidat à l’élection présidentielle d’avoir vécu en Russie, de manière permanente, durant les 25 années précédant le scrutin.
Le Président conservera, néanmoins, le droit de limoger tout membre du gouvernement, de nommer les chefs de toutes les structures sécuritaires et même celui d’écarter les présidents de la Cour Suprême et de la Cour Constitutionnelle. Evoquant la question d’un changement de l’article limitant à deux le nombre des mandats présidentiels successifs, Vladimir Poutine n’a pas donné d’autre précision.
Pour le Premier ministre, Dmitri Medvedev, les modifications proposées par le chef de l’Etat «apporteront des changements significatifs non seulement à toute une série d’articles de la Constitution mais aussi à l’équilibre des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire». Aussi, en étant soucieux de «donner au Président (…) les moyens de prendre toutes les mesures qui s’imposent», M. Medvedev a annoncé la démission de son gouvernement qui, dans l’attente de la nomination d’une nouvelle équipe gouvernementale et à la demande du Président, restera chargé de la conduite des affaires courantes du pays.
Vladimir Poutine qui a tenu à remercier le gouvernement Medvedev «pour tout ce qui a été fait (lui a) exprimé sa satisfaction pour les résultats obtenus (…) même si tout n’a pas réussi» s’est alors empressé de désigner un nouveau Premier ministre en la personne de Mikhaïl Michoustine, inconnu du grand public même si, en étant à la tête du service fédéral des impôts depuis 2010, il a eu le mérite de mettre en place «le meilleur système de collecte d’impôts au monde» comme a tenu à le préciser la télévision d’Etat Rossiya-24 en annonçant sa nomination.
Aussi, le flou entourant la modification de l’article limitant le nombre de mandats présidentiels successifs va-t-il incontestablement nourrir les interrogations afférentes à l’avenir de Poutine après son présent mandat présidentiel qui prendra fin en 2024 et à l’issue duquel il ne pourra pas se représenter en l’état actuel de la législation. Or si, pour Alexeï Navalny, le principal opposant au Kremlin, Vladimir Poutine chercherait à «rester dirigeant à vie», Konstantin Kalatchev, un expert indépendant, voit dans cette opacité, le lancement, par le chef de l’Etat, d’«un réel débat sur le transfert du pouvoir» après 2024 alors que pour le directeur de l’Institut du King’s College de Londres, en ne dessinant pas «un avenir clair pour la vie politique russe», le Président russe entendrait, par les réformes proposées, permettre «à tous les acteurs d’imaginer une multitude de futurs et donc à se préparer à chacun d’entre eux». Qu’en sera-t-il au juste ? Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi