Le groupe «Africa United», constitué de membres du Maroc, Iles Comores, Congo, Côte d’Ivoire est un parfait exemple de métissage culturel et surtout de l’intégration culturelle des Subsahariens au Maroc. Nous avons rencontré Fahad Faisoil (alias Fahd Bastos), Comorien, leader du groupe, qui s’est confié sur cette expérience.
Al Bayane: Comment le groupe «Africa United» s’est-il formé?
Fahad Faisoil: Le groupe s’est formé en 2006, mais on peut dire qu’il s’est vraiment constitué en 2010. C’est à partir de cette date que nous avons commencé à jouer sur des scènes prestigieuses et professionnelles. Notre carrière a effectivement commencé en 2010 lorsque nous avons gagné le concours «Génération Mawazine». C’est cet évènement qui a été notre point de départ, puisque nous avons pu avoir une équipe pour nous encadrer et nous accompagner. Généralement, quand les groupes commencent, au tout début c’est très difficile ; cela n’a pas été notre cas. Cette victoire nous donné droit à un management de cinq ans et la production d’un album; ce qui nous a facilité la tâche. Côté financier, nous avons pu démarrer sans le souci de financement. Nous avons pu ainsi nous concentrer sur le côté musical.
Au début, l’idée m’est venue simplement. J’ai entendu parler du concours à la radio et je me suis dit pourquoi ne pas y participer, puisque je faisais de la musique depuis le pays, même si je n’étais pas intégré dans des groupes. A la base, je suis venu au Maroc pour des études. Je les ai terminées en 2010, ce qui a coïncidé avec le concours «Génération Mawazine». Quand nous avons gagné le concours, j’ai vu que les choses allaient être sérieuses. Donc, je me suis dit pourquoi ne pas m’installer au Maroc.
Au tout début, j’étais seul. Pour constituer le groupe, j’ai commencé à fréquenter quelques pubs. C’est là que j’ai pu rencontrer quelques musiciens, un à un. Quand nous nous sommes rencontrés, nous nous sommes rendu compte que nous venions de différentes nationalités : îles Comores, Maroc, Congo, Côte d’Ivoire ; il y avait un Sénégalais, mais il est parti. Il y avait aussi un Djiboutien, mais une fois ses études en architecture en poche, il est aussi rentré chez lui. C’est sur cette base que nous avons décidé de baptiser le groupe «Africa United».
Sachant que le Maroc est un pays de passage pour plusieurs, cela ne met-il pas en danger la pérennité et l’avenir du groupe?
Le groupe est bâti sur le concept d’une sorte d’école, puisque les gens sont de passage. Nous avons opté pour ce choix, car cela nous permet d’enrichir notre musique. On sait que les gens qui sont là, même s’ils sont stables pour le moment, peuvent partir d’ici 2 ou 3 ans, mais cela n’empêche que le groupe puisse toujours évoluer. Nous avons toujours en permanence deux ou trois remplaçants. Avec la réalité du Maroc, il est assez difficile de vivre uniquement de la musique, mais on essaie de s’en sortir. Du coup, même les membres du groupe, on ne peut pas leur imposer d’être tout le temps là ; ils peuvent avoir d’autres engagements. Mais malgré cela, nous évoluons toujours, puisque nous avons des doublures. Nous avons 3 ou 4 pianistes : si l’un n’est pas disponible, il peut se faire facilement remplacé. Au-delà de tout ça, il y’a le noyau qui est toujours là en permanence. Nous sommes actuellement huit membres : 6 instrumentistes et 2 voix qui chantent.
Avec autant de cultures différentes dans le groupe, dans quelles langues chantez-vous? Comment se font les choix musicaux?
Nous chantons en anglais, français, espagnol, arabe, en comorien. Souvent on intègre des mots ou de petites phrases en lingala ou en djiboutien. Nous sommes dans une démarche de valorisation des langues africaines sans toutefois mettre de côté les langues internationales pour que notre message puisse passer.
A la base, «Africa United» fait du reggae. Chaque membre du groupe apporte son «feeling», pas forcément de sa culture, mais de son univers musical. C’est après que tout le monde ait donné son avis, qu’on trouve les rythmes qui peuvent ressembler un peu aux sonorités marocaines, internationales (jazz, blues…). Mais le reggae que nous faisons est en réalité métissé. En l’entendant, on peut y détecter différentes sonorités.
Pourquoi le reggae?
Tout au début, la majorité des membres qui ont constitué le groupe était inspirée en reggae. Moi personnellement, dans ma carrière solo, je fais carrément autre chose, l’acoustique et les rythmes de mon pays, les Iles Comores. Je me suis retrouvé dans le reggae par hasard.
Quels thèmes abordez-vous dans vos chansons? Quel est le principal message du groupe?
En majorité, nous parlons des maux qui touchent l’Afrique. Nous chantons aussi l’amour, l’amitié, les questions de l’environnement, de la vie quotidienne. Mais à 90%, notre musique parle de l’Afrique. Nous essayons de transmettre un message à la jeunesse africaine sur les réalités de notre continent. Nous leur partageons nos expériences ; nous ne voulons pas que la génération future vive les mêmes problèmes. Et même si elle vient à être confrontée aux mêmes défis, qu’elle en soit déjà consciente.
Notre principal message c’est l’unité du monde entier, l’espoir de la jeunesse, croire en ses rêves, être persévérante et se battre pour ses aspirations. Le véritable problème de la jeunesse africaine aujourd’hui c’est qu’elle ne voit pas loin ; elle veut obtenir rapidement ce qu’elle désire. C’est vrai que cela peut prendre du temps, le chemin peut être long, mais il faut continuer de croire.
Un mot sur les albums du groupe? Quels sont vos projets, en dehors du Maroc?
Nous avons sorti un album intitulé «Dream» en 2015-2016. Nous préparons un clip qui devrait sortir cette année, mais nous n’avons pas encore fixé de dates.
Pour cette année, nous avons une tournée à Ténérife aux Îles Canaries, en Suisse. Récemment, nous étions en France. Nos objectifs sont essentiellement pour 2019. Pour le moment, nous essayons de fixer des dates, d’avoir plusieurs rencontres avec différents artistes, dans l’optique d’un album prévu en 2019. Cet album sera constitué à 80% de featurings avec tous les artistes que nous aurons rencontrés cette année dans divers évènements, que ce soit les artistes d’Afrique ou d’ailleurs. Notre objectif est de faire un album spécial featurings, pour nous faire connaitre dans ces pays et avoir une certaine visibilité.
Vous avez été invité au festival gnaoua, quel est votre rapport à cette musique?
Nous partageons des similitudes avec cette musique. Il y a même une chanson de style gnaoua que nous avons exécutée lors de notre prestation samedi sur la scène de la plage du festival. C’était d’ailleurs la première fois que l’on chante ce morceau sur scène. Cela fait presque 4 ans que nous avons sollicité jouer dans ce festival ; cette année, nous avons eu cette chance, sachant qu’il y’a plusieurs groupes qui souhaitent y prester.
Un mot sur votre intégration culturelle au Maroc, sachant que c’est une démarche pas toujours évidente?
Au regard de l’expérience d’Africa United, notre intégration a été fluide et facile, vu que nous avons eu le soutien de Maroc Cultures, qui nous a permis de nous intégrer dans le milieu culturel marocain. C’est vrai qu’il est difficile d’être loin de chez soi et de réussir dans ce domaine. Nous avons juste eu cette chance. Je dirais aussi que les membres marocains du groupe nous ont aussi permis de pouvoir comprendre la langue, les différents rythmes musicaux du Maroc, de découvrir le Maroc. En l’espace de deux ans, nous avons pu parcourir tout le Maroc : du désert en allant dans les zones côtières.
Propos recueillis par Danielle Engolo
NES à Essaouira