Paradoxes océaniques

En avant-première d’un sommet de l’ONU sur les océans qui se tiendra en juin prochain à Lisbonne, après la non efficience des Conférences des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui se réunissent depuis 1995, au moment où les populations subissent les conséquences dramatiques des changements climatiques, le « One Ocean Summit » s’est tenu en France ; un autre sommet international pour la haute mer et les océans.

Un de plus dira-t-on ! Encore une réunion pour « lister des propositions » dans le but de préserver la salubrité des océans au lieu et place de prendre les mesures qui s’imposent pour arrêter la détérioration de l’environnement marin et assurer sa protection. Et surtout de les appliquer.

Une autre manière de faire vivre le multilatéralisme avec l’espoir de « concrétiser beaucoup d’engagements, des coalitions nouvelles d’acteurs privés et publics, d’États » comme le souligna le Président Macron, actuellement président de l’Union Européenne et futur candidat (non encore déclaré) aux présidentielles françaises.

Depuis que l’exigence de la durabilité du développement s’est imposée, les humains tergiversent à trouver la gouvernance nécessaire à maintenir la planète qu’ils habitent dans un état satisfaisant de salubrité. Tout en ayant conscience qu’ils sont en train de couper la branche sur laquelle ils sont assis, les humains s’adonnent à l’excès dans leurs relations avec leurs biotopes en surexploitant leurs ressources, en les polluant et en réduisant leur biodiversité.

Dans le cadre néolibéral qui prédomine, au lieu d’agir et de changer de modes de vie ravageurs, ils en parlent ; pour se donner bonne conscience et faire assumer le péché à l’ensemble, et plus particulièrement à celles et à ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre.

Ainsi depuis les années soixante-dix du siècle dernier, l’alerte a été donnée : la planète est de plus en plus dévastée, qu’elle n’arrive plus à absorber ses déchets. L’océan, qui couvre 71% de la Terre, ne pouvant plus car au-delà de sa limite d’épuration, est devenu la poubelle du monde, plein de résidus de plastiques, d’hydrocarbures et de tout ce que contiennent les eaux usées comme pesticides, antibiotiques et autres produits chimiques divers. Cela provoque la mort et la disparition d’un certain nombre d’espèces vivantes, perturbe le bilan radiatif de l’océan et donc intervient dans les changements climatiques.

Cela fait que l’on a besoin, non seulement et d’une manière urgente, d’une « Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable » mais d’une décennie pour nettoyer l’espace marin et sévir contre les pollueurs pour les empêcher de récidiver. Agir ! That is the question ?

Il faut reconnaître que notre beau pays, baigné par deux façades maritimes et commandant la rive Sud du Détroit de Gibraltar, s’est doté d’un arsenal juridique consacrant sa souveraineté sur son espace marin. Qu’un ensemble de lois a été promulgué pour la durabilité du développement et la protection du littoral ; que plusieurs autres mesures ont été édictées pour minimiser l’impact sur l’environnement marin … Tout cela,sans arriver pourtant à « circonscrire les risques d’une dégradation qui dans beaucoup de cas est irréversible », car la loi est rarement respectée. Le laissez-faire est imposé à la nature au profit de la rente. 

Certes, en marge du développement des infrastructures portuaires, des zones franches ont été déployées.Le Maroc reste le premier Etat pêcheur du continent africain ; mais il suffit d’aller à Skhirat, à quelques kilomètres de la capitale du royaume, pour se rendre compte des maux dont souffre la pêche artisanale. Une jetée érodée, des embarcations sans équipements et qui laisse deviner la pénibilité du métier, une halle aux poissons fermée, un marché au poisson moyenâgeux … L’intégration des arrière-pays à ces zones de développement n’est pas toujours évidente, ce qui pousse à l’exode et à la pérennisation de zones défavorisées, enclavées et exclues des transformations que connaît le royaume.

Aussi ; si des accords de pêche sont conclus, particulièrement avec l’Union Européenne, ils doivent prendre en considération l’état des stocks de la ressource halieutique au moins autant que l’activité de la flotte communautaire ; car les ressources biologiques se trouvent diminuées par la surpêche qui s’ajoute aux effets de la pollution tellurique.De même, le problème des espèces marines invasives et envahissantes est à prendre en considération.

Avec des prix à la consommation qui prennent de plus en plus de la hauteur, les Marocain(e)s, qui souhaitent manger plus de poisson, se rendent compte que la pêche suit le même chemin que l’agriculture, orientée vers l’export.

Il reste que les opportunités d’une économie bleue sont consignées dans l’ambition d’une émergence du pays, mais restent prisonnières de la stagnation de l’activité gouvernementale. Il est temps de mettre fin « à la dispersion descompétences et à l’absence d’une réelle coordination entre les multiples intervenantsdansle domaine maritime. ». En d’autres termes, un ministère pour la Mer ferait bien l’affaire.

Autant en mer que sur terre,la destruction et la pollution des biotopes et des écosystèmes, la surexploitation de la ressource, la dispersion des espèces et le changement climatique global, constituent des problèmes dont la connaissance et la prise de conscience ne suffisent pas à elles seules pour les solutionner. Il faut agir pour sortir de ces paradoxes océaniques.

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