Paris refuse d’extrader d’anciens « terroristes » de l’extrême-gauche italienne

Attendons pour voir…

Après avoir examiné, le 7 Février dernier, les pourvois formés par le Parquet général contre la décision par laquelle, le 29 Juin 2022, la Cour d’Appel avait rejeté les demandes d’extradition concernant dix anciens militants de l’extrême-gauche italienne en s’appuyant non seulement sur le fait qu’à leur retour au pays, les intéressés ne sont pas assurés de bénéficier d’un procès équitable mais en considérant, également, que leur extradition ne respecte pas leur droit à une vie privée alors qu’ils vivent en France depuis plusieurs décennies et qu’ils y ont, pour la plupart, des enfants, voire même des petits-enfants, la Cour française de Cassation a confirmé, ce mardi 28 mars, son refus d’extrader les intéressés en dépit des multiples requêtes de Rome.

Cette demande d’extradition concerne huit hommes et deux femmes, dont six anciens membres des fameuses « Brigades rouges », qui étaient derrière plusieurs attentats terroristes perpétrées en Italie au début des années 1970, et quatre ayant appartenu à d’autres groupuscules armés.

Agés, aujourd’hui de 62 à 79 ans, les intéressés resteront donc en France où ils s’étaient réfugiés au milieu des années 1980 en vertu de cette fameuse « doctrine Mitterrand » qui voulait que la république française offre l’asile aux militants italiens ayant déposé les armes et renoncé à la violence.

Ce refus de la France d’extrader vers l’Italie d’anciens membres des Brigades Rouges a été très mal perçu par certains journaux italiens.

Aussi, en assimilant la décision prise par les autorités judiciaires françaises à « une gifle [donnée par] Paris à l’Italie », le quotidien centriste « La Stampa » a fait sienne la très vive réaction du parti d’extrême-droite « La Liga » qui a reproché à la France de « refouler les enfants migrants » mais de « cajoler les assassins ».

Aussi, en déplorant la décision prise par la Cour française de Cassation, le ministre italien de la Justice, Carlo Nordio, a déclaré, dans un communiqué, que sa « première pensée émue ne peut aller qu’à toutes les victimes de cette période sanguinaire et à leurs proches, qui ont attendu pendant des années, de même que tout le pays, une réponse de la justice française ».

Autre son de cloche du côté de la défense des intéressés dès lors qu’en ressentant « beaucoup d’émotion », Maître Irène Terrel, leur avocate, a déclaré qu’il s’agit-là d’un « immense soulagement », de « la fin d’un long combat » mais, surtout, de « la consécration judiciaire et définitive de cet asile qui a duré trente ou quarante ans ».

La Cour française de Cassation, qui est la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, a donc définitivement validé la décision par laquelle, en se basant sur le respect du droit à la vie privée et familiale mais aussi sur le droit à un procès équitable tel que prévu par les articles 8 et 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, la Cour d’Appel de Paris s’était opposée à l’extradition des intéressés. 

Mais, s’il est vrai que, comme l’a rappelé le psychiatre Paul Brétécher, lors d’une conférence de presse organisée, à la mi-mars 2022, par la Ligue des Droits de l’Homme, si elle venait à avoir lieu, l’extradition vers leur pays d’origine des anciens militants de l’extrême-gauche italienne quarante années après l’exécution des faits qui leur sont reprochés constituerait un « non-sens » du moment que « le qualificatif de terroriste » ne peut pas leur coller à la peau « ad vitam aeternam », rien n’indique, néanmoins, que Rome va se satisfaire d’un tel verdict et ne pas se retourner vers les juridictions européennes mais attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI   

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